Quelles sont les conséquences de la réforme de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances sur le secteur des assurances ? S’agit-il d’une révolution pour le secteur ou d’une simple évolution normale ? Pathé Dione, fondateur de Sunu, livre ici son analyse.
Tribune. Le 8 avril 2016, le Conseil des ministres des Assurances de la zone Cima [Conférence interafricaine des marchés d’assurances] décidait de faire passer le capital social minimum des sociétés exerçant dans le domaine de 1 à 5 milliards de F CFA [de 1,5 à 7,6 millions d’euros]. Le plancher des fonds propres de ces entreprises est désormais fixé à 80 % du montant minimum du capital social. Trois ans leur ont été octroyés pour qu’elles portent leur capital à 3 milliards de F CFA, et cinq ans pour parvenir à 5 milliards.
Cette décision vise à renforcer leur solidité financière et à réduire leur risque de faillite. Elle doit également contribuer à consolider le secteur, à lui permettre de se rapprocher des normes prudentielles en vigueur dans le monde bancaire et à accroître la capacité de rétention des primes d’assurances des sociétés et des marchés nationaux. Elle devrait ainsi permettre aux compagnies de faire face aux frais d’établissement et d’informatisation, sans hypothéquer les ressources nécessaires à leur activité et à leur solvabilité.
Une évolution de la Cima
Les ministres des Finances voulaient aussi éviter le double emploi de fonds propres et indiquer que l’augmentation de capital se ferait exclusivement par un apport en numéraire. C’est ainsi que le règlement est entré en vigueur le 1er juin 2016.
Cette importante réforme a fait couler beaucoup d’encre. D’aucuns ont même parlé d’une révolution dans la jeune vie des assureurs de la Cima. Mais en réalité il s’agit d’une évolution simple et normale. Elle entraînera certainement une modification en profondeur du secteur dans l’espace Cima et conduira inévitablement à sa consolidation, car trop d’acteurs sont inorganisés et présentent de graves faiblesses financières.
Mais alors que les marchés qui composent la zone sont de valeur inégale, la mesure concerne tout le monde. « One size does not fit all » [« une taille unique ne peut convenir à tous »] : peut-on appliquer en Centrafrique et au Tchad les mêmes réformes qu’en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou au Sénégal ? Le régulateur sera obligé de réfléchir à cette question s’il ne veut pas condamner certains acteurs à disparaître.
Si la décision d’augmenter le capital social des sociétés d’assurances n’est pas discutée, c’est le délai imparti à sa mise en œuvre qui est considéré comme trop restreint. Passer de 1 à 3 milliards de F CFA en trois ans paraît raisonnable, mais atteindre les 5 milliards dans les deux années suivantes semble trop court aux concernés.
Un secteur consolidé ?
La réforme entraînera une consolidation du secteur, mais à quel prix ? Dans l’activité de l’assurance-vie, une vingtaine de sociétés seront condamnées, et, en non-vie, une soixantaine mettront la clé sous la porte. En comparaison, la mise en place de la réforme européenne Solvabilité II [qui exige la conformité des fonds propres avec les risques couverts] a demandé plus de dix ans parce qu’elle a tenu compte de la diversité des situations des sociétés d’assurances dans les différents marchés européens.
Par ailleurs, il ne faudrait pas que le régulateur de l’industrie des assurances cherche à copier ce qui se passe dans le secteur bancaire. Nous n’exerçons pas le même métier. La banque est un intermédiaire financier monétaire alors que l’assureur est un intermédiaire financier non monétaire. La détermination du capital social d’une banque n’obéit pas aux mêmes lois que celle d’une compagnie d’assurances.
Un équilibre à trouver
La recapitalisation va entraîner l’apport d’argent frais par les actionnaires, qui seront en droit d’en attendre un retour, une fois la marge de solvabilité et la couverture des engagements réglementés satisfaites. Mais ces conditions seront difficilement remplies dans un grand nombre de marchés de la Cima en raison de leur petite taille et de fonds insuffisants. La redistribution des cartes ne devra pas se faire au bénéfice exclusif d’acteurs non africains. Il faudra que le régulateur trouve un équilibre entre la protection des intérêts des assurés, des bénéficiaires de contrats et la juste rémunération des investisseurs.
Avec jeuneafrique