Jeune Afrique publie son hors-série annuel sur les grandes entreprises africaines. Et constate, pour la troisième année consécutive, que leurs revenus sont en baisse.
Sonatrach, le groupe pétrolier algérien garde la tête du classement des 500 premières entreprises que publie Jeune Afrique chaque année, malgré un recul très lourd de son chiffre d’affaires exprimé en dollars, à 33,2 milliards de dollars (contre 61,8 milliards de dollars dans l’édition 2016 de ce classement). L’angolais Sonangol lui emboîte le pas, puis suivent plusieurs groupes sud-africains (Bidvest, Sasol, Eskom…).
En Afrique du Nord, le Maroc ne cesse de renforcer ses positions d’année en année et les entreprises du royaume réalisent désormais 33,5 % des revenus des 150 premières entreprises d’Afrique du Nord. Toujours numéro un en Afrique de l’Ouest, l’opérateur télécoms MTN Nigeria a, pour la première fois, vu ses revenus en monnaie locale diminuer de 3,8 %. Derrière, le classement est profondément bouleversé. Dangote Group (et ses 26000 employés) fait son arrivée dans notre palmarès, directement au 2e rang régional.
Enfin, en zone Afrique australe et océan Indien, c’est une véritable hécatombe, sa locomotive sud-africaine étant à l’arrêt. Toutes les grandes entreprises sud-africaines sont dans une situation difficile et contrastent fortement avec les lions d’Afrique de l’Est qui continuent de rugir et d’afficher des taux de croissance records.
Dans un contexte économique délicat, marqué par un net ralentissement de la croissance en 2015 et en 2016, les grandes entreprises du continent traversent une mauvaise passe. Dans son dernier hors-série en kiosque, Jeune Afrique confirme que cette spirale négative ne faiblit pas, bien au contraire : en 2015, année de référence de ce classement des 500 premières entreprises africaines, leurs revenus cumulés ont chuté de 18,8 % par rapport à l’année précédente.
200 milliards de dollars de chiffre d’affaires qui ont “disparu” en trois ans.
C’est la troisième année de baisse consécutive, et le phénomène s’accélère : lors de notre précédent palmarès, nous enregistrions un recul de 7,1 %, et il était de 1,8 % il y a deux ans. Sur trois exercices, c’est plus de 200 milliards de dollars (plus de 185 milliards d’euros) de chiffre d’affaires qui ont ainsi “disparu”, avec une baisse des revenus cumulés de 757 à 561 milliards de dollars.
Cette baisse globale a plusieurs causes, dont la principale est l’évolution défavorable des taux de change, la plupart des devises africaines ayant vu leur cours dévisser contre le dollar, monnaie de référence de notre palmarès annuel. Elle est aussi liée à l’effondrement des cours du pétrole en 2015 : le secteur de l’énergie (pétrole et gaz) a ainsi vu sa part dans les 500 diminuer très nettement, passant de 22,3 % à 17,7 %.
Afrique du Sud, Algérie et Angola concentrent l’essentiel de la baisse
Tout comme la baisse du PIB africain est diversement partagée entre pays, l’évolution défavorable de notre palmarès panafricain est plus ou moins marquée selon les zones géographiques. Trois États expliquent ainsi 90 % de la baisse des revenus des 500 en 2015 : l’Afrique du Sud (– 65,9 milliards de dollars), l’Algérie (– 34 milliards, l’essentiel provenant de la baisse des revenus de la Sonatrach) et l’Angola (– 17,4 milliards), ces deux derniers étant principalement impactés par l’évolution pétrolière.
Pour autant, le durcissement du contexte économique en Afrique, marqué par une fragilisation des finances publiques, une forte croissance de la concurrence et une conjoncture économique plus délicate qu’il y a quelques années, a des conséquences dans presque tous les pays et tous les secteurs. La rentabilité des 500, dont Jeune Afrique propose un palmarès unique en son genre, en témoigne : le taux de profit (résultat net après impôt/chiffre d’affaires) a ainsi nettement reculé, passant de 6,9 % à 5,3 %.
Malgré cela, comme le souligne un sondage publié dans le hors-série, les entrepreneurs africains semblent garder le moral, seuls 2 % des sondés n’étant pas du tout optimistes sur les perspectives à moyen terme des marchés sur lesquels ils opèrent. Et 51 % sont très confiants sur les perspectives de leur entreprise, le principal frein restant selon eux le climat des affaires.
Des entrepreneurs décidés
Le hors-série de Jeune Afrique est d’ailleurs jalonné d’entrepreneurs décidés et enthousiastes, de Seydou Nantoumé, fondateur de Toguna et roi malien des engrais, à Mohamed Bensalah, à la tête d’un groupe – Holmarcom – en plein déploiement africain, en passant par les dirigeants d’Orange en Côte d’Ivoire et ceux du groupe Mabrouk, dont les investissements en cours en Tunisie se chiffrent en centaines de millions d’euros.
S’il est difficile de relier ces opérateurs évoluant dans des pays et des secteurs différents, ils semblent toutefois avoir un point commun : ils sont partis à la conquête de nouveaux marchés et de nouveaux territoires. Les grandes entreprises africaines ont en effet largement entamé leur régionalisation, source de croissance pour leurs revenus. Malgré les difficultés économiques, la plupart continuent d’ailleurs à investir, allant souvent beaucoup plus vite que les réformes économiques.
Avec jeuneafrique