Le laboratoire Pfizer arrête la commercialisation du Cytotec le 1er mars 2018, massivement utilisé pour les avortements et déclenchements d’accouchements, en dehors de son indication. Les alternatives sont d’ores et déjà sur la ligne de départ.
Entre expulsion des grossesses arrêtées et déclenchement des accouchements pour les grossesses à terme, l’arrêt de commercialisation du Cytotec le 1er mars 2018, utilisé en dehors de toute autorisation officielle dans ces indications, va en changer la prise en charge. Un ajustement des pratiques qui ne soulève aucune inquiétude à l’Agence du Médicament (ANSM), qui s’y prépare depuis un an.
Cytotec, utilisé à 94% en gynécologie… Alors que son indication le destinait à la gastro-entérologie
Le Cytotec, dont la molécule active est le misoprostol, a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1986 dans le traitement des ulcères. Mais depuis l’arrivée de traitements plus efficaces, le faible prix du Cytotec a reporté son usage à la sphère gynécologique dans les interruptions volontaires de grossesse (IVG), l’expulsion de grossesse arrêtée (interruption médicale de grossesse, fausses couches et mort in utero) et le déclenchement d’accouchements à terme. La même molécule, le misoprostol, est en effet indiquée pour les IVG sous les noms MisoOne et Gymiso. Cependant, utilisé dans ces indications, le Cytotec doit être administré par voie vaginale, alors qu’il est fait pour une prise orale. Un mésusage qui peut provoquer “des effets indésirables graves pour la mère et l’enfant, comme la survenue d’une rupture utérine (déchirure du muscle utérin), d’hémorragies ou d’anomalies du rythme cardiaque fœtal“, d’après l’ANSM. Dans le déclenchement d’accouchements, une autre différence importante existe entre le produit autorisé (Propess) et le Cytotec : le dosage. Car les comprimés de Cytotec sont dosés à 200 μg, un dosage 8 fois trop élevé obligeant les praticiens qui en usent dans ce contexte à couper le comprimé en 8 morceaux. Une opération imprécise qui expose à un surdosage.
Un arrêt de commercialisation anticipé par l’Agence du médicament
Si l‘alerte était donnée depuis 2013 par l’Agence du Médicament (ANSM) concernant les risques du mésusage du Cytotec, c’est seulement en mars 2017 que le laboratoire Pfizer a annoncé sa décision de stopper sa commercialisation, enclenchant un processus d’évitement des ruptures de stock géré par l’ANSM. La décision du laboratoire Pfizer d’arrêter la commercialisation du Cytotec le 1er mars 2018 est connue depuis 1 an, expliquait Dominique Martin Directeur Général de l’ANSM, et toutes les mesures ont été prises en amont pour éviter les ruptures de stock. Les laboratoires commercialisant MisoOne et Gymiso ont ainsi largement augmenté leur production, et ont bénéficié en seulement 3 semaines (au lieu de plusieurs mois) d’une Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU, procédure permettant à un produit d’être utilisé rapidement et temporairement dans une indication sans avoir d’AMM). Ils pourront ainsi être utilisés, en plus de leur indication dans les IVG, dans les 3 indications d’expulsions de grossesse arrêtée. Quant au déclenchement de grossesse, une alternative au Propess largement utilisée en Europe du Nord et basée sur le misoprostol à faible dose s’est vue attribuer une AMM. En attendant que son prix et son remboursement soient validés, le Propess sera le seul médicament disponible pour cette indication. En un an, l’ANSM a engagé des “concertations avec le ministère, les laboratoires et les professionnels de santé concernés“, ainsi que des “procédures accélérées d’AMM et de RTU” pour gérer la transition sans heurts, expliquait Dominique Martin. Un exercice nécessaire pour éviter les ruptures de stock, dramatiques pour les patients.
+30% de signalements de ruptures de stock en 2017, un nouveau défi à relever pour l’ANSM
L’Agence du Médicament qualifie de MITM (Médicament d’Intérêt Thérapeutique Majeur) les médicaments “pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital” des patients ou de leur occasionner une “perte de chance“. Un enjeu majeur sur les MITM : toujours disposer de plans de secours en cas de rupture. Une problématique d’autant plus importante que l’ANSM a estimé une augmentation de 30% des signalements de rupture de stock entre 2016 et 2017. En cause notamment selon Dominique Martin, la complexité et la mondialisation des chaînes de production des médicaments, où la matière première est produite dans un pays, mélangée dans un autre, conditionnée dans un troisième, etc. Résultat : la moindre défaillance dans la chaîne crée une rupture de stock généralisée à l’Europe entière. “Dans l’UE, nous sommes en compétition les uns avec les autres (pour obtenir les médicaments produits en cas de pénurie), ce qui n’est pas très sain“, explique Dominique Martin. Pour éviter cela, l’Agence n’a qu’une obsession : l’anticipation. Les laboratoires ont ainsi l’obligation de déclarer au plus tôt tout risque de rupture, afin de mettre en place des mesures alternatives dans les plus brefs délais.
Avec sciencesetavenir