L’affaire Branger contre Bolloré, une saga qui fait couler encre et salive depuis 15 ans. Et le dossier semble loin d’être épuisé. Le 24 août dernier, après la saisie du bateau de la CMA CGM CI, filiale du groupe français Bolloré, les événements se sont enchaînés sans aboutir à l’issue tant attendue, que la décision de justice datant du 9 février 2017 et qui impose à l’entreprise française de reverser son dû à M. Branger ne soit exécutée.
Il y a quelques jours, nous vous relations la saisie puis “l’évasion’’ du navire CMA CGM AFRICA THREE NASSAU appartenant à la CMA CGM, une filiale du géant français Bolloré. Cette entreprise, dont la succursale ivoirienne est née des cendres d’une autre (DELMAS), a été reconnue coupable par la justice ivoirienne de non-exécution de contrat de livraison au préjudice de l’homme d’affaires franco-ivoirien Ludovic Branger. Un préjudice qui se chiffrait au jour de la décision, le 9 février dernier à 252.580.356 FCFA, hors mis les frais et autres intérêts qui se créent au fil des jours.
Dilatoire ou mauvaise foi ?
Depuis sept (7) mois qu’elle a été prise, la mesure tarde à être appliquée. Même que les dirigeants français se montrent de plus en plus hostiles à la respecter. Ils contestent aujourd’hui la légitimité de M. Branger à réclamer réparation, alors qu’au 10 juillet 2017, ils étaient pour qu’une solution amiable soit trouvée, comme en témoigne une délégation de pouvoir signée de la main de Mathieu Friedberg, Directeur Central-Direction Commerciale et du Réseau d’agences CMA CGM à Marseille en date du 10 juillet 2017, et accordée à Thierry Millot, Directeur Général de CMA CGM CI.
Le mandat de liquidateur des sociétés du groupe SIPA (entreprises sinistrées du fait de la non-exécution du contrat de livraison) de l’opérateur économique franco-ivoirien aurait expiré depuis maintenant trois ans.
Force reste à la justice et au droit
Sûr d’être dans son bon droit et ayant la justice de son côté, Ludovic Branger a pour sa part décidé de réactiver toutes les plaintes à compter de ce lundi 4 septembre 2017. Dans son viseur, les hauts responsables de DELMAS devenue CMA CGM CI et de SDV CI devenue SDV SAGA CI puis Bolloré Africa Logistics CI.
Loin du caractère purement civil et commercial qu’elle a connu jusqu’à présent, l’affaire Branger commence à prendre des teintes pénales. En effet, l’opérateur économique franco-ivoirien est l’objet de coups de fils aux numéros masqués, injurieux et intempestifs, assortis de menaces verbales, pressions, chantages et d’intimidations.
Ludovic Branger remet également en cause l’attitude des dirigeants de la CMA CGM et de leur conseil juridique Me Agnès Ouangui qui usent de subterfuges, de manies et de pratiques douteuses pour contourner la loi.
En exemple, pour exiger la mainlevée de la saisie conservatoire du navire CMA CGM AFRICA THREE NASSAU attaché au port de San Pedro, datant du jeudi 24 août dernier, la CMA CGM a préféré saisir le tribunal de commerce d’Abidjan en lieu et place de la section du Tribunal de Sassandra, rattachée au Tribunal de Daloa, seule habilitée à connaitre d’une telle procédure. Le Port Autonome de San Pedro se trouve dans la zone géographique de Sassandra.
Autre illustration. C’est seulement le mois dernier que les dirigeants et conseil juridique de CMA CGM CI décident de révéler l’existence d’une ordonnance de rétraction du mandat de liquidateur (n°1144 / 2017 du 26 avril 2017) qui jusqu’à lors n’avait été signifiée par le Tribunal de Commerce d’Abidjan ni à Monsieur Ludovic Branger, ni à Me Arlette Banny Grogba, son avocate.
A cela s’ajoute la sortie “miraculeuse’’ du navire saisie du port autonome de San-Pedro, sans que personne, pas même les responsables du port ne sache quoi que ce soit. Une autre saisie conservatoire de navire CMA CGM au Port Autonome de San Pedro et au Port Autonome d’Abidjan est par ailleurs annoncée.
Une reprise judiciaire plus virulente
A la lumière des nouveaux faits (sortie frauduleuse du navire CMA CGM AFRICA THREE NASSAU du port autonome de San Pedro avec à son bord des machandises devant être livrées à des opérateurs économiques innocents des pays de l’hinterland (Burkina Faso, Mali et Niger)), il devient plus qu’évident que l’affaire Branger est en train de prendre une tournure qui ne s’annonce pas à l’avantage du puissant groupe français ou même des autorités portuaires ivoiriennes (Port de San Pedro) indexées pour leur laxisme et leur « complicité flagrante », pour reprendre les termes du camp Branger.
Peut-être serait-il temps de mettre un terme définitif à cette histoire, à l’amiable, avant de causer plus de dégâts et faire plus de victimes.
Peut-être faut-il aussi que les autorités ivoiriennes pensent à intervenir parce qu’au-delà du caractère apparemment restreint de cette histoire, elle est en train petit à petit d’éclabousser à la fois la justice, l’économie et l’image de la Côte d’Ivoire, qui se veut pourtant un pays émergent à l’horizon 2020, un exemple de développement où règnent la justice et l’égalité.
Avec imatin