Que se passe-t-il une fois que l’on a atteint le sommet ? « On cesse d’apprendre », laisse entendre Philip Anderson, un professeur d’entrepreneuriat de l’Insead. Ce dernier observe que les PDG ou CEO bénéficient rarement de plans de formation ou de développement. Jugés « providentiels », on leur attribue tous les savoirs. « Les salariés saluent leur arrivée en fanfare, comme ce fut le cas pour celle de Marissa Mayer chez Yahoo!, illustre Philip Anderson. Quant aux actionnaires, fournisseurs, etc., ils attendent du PDG une unique ligne de conduite : celle du perpétuel winner ! »
A 70 milliards de dollars, le marché mondial de la formation des dirigeants pèse lourd. Pourtant, constate le professeur de l’Insead, il se désintéresse totalement des numéro un. Alors qu’à chaque étape vers le sommet il y a des pairs et des mentors avec qui discuter, les PDG n’ont plus personne à qui se confier. Pis, ils ne disposent plus que d’une vue partielle de la réalité. « Car, souvent, on ne leur rapporte que ce qu’ils veulent bien entendre », souligne l’enseignant. L’entourage, parfois flagorneur ou pusillanime, parasite son information. Pas étonnant, dans ces conditions, que certains ne soient même plus en mesure de comprendre la polémique que soulève le montant stratosphérique de leur rémunération.
Dans l’impossibilité évidente de jouer les mentors, les administrateurs peuvent enrayer cette situation : il leur suffit d’exercer, de la façon la plus effective, leur… contre-pouvoir. Guère une évidence au regard de l’actualité. « Parler librement avec les top managers est aussi fort utile pour obtenir d’eux des informations que n’aurait pas obtenues le CEO », conseille Philip Anderson. Autres recommandations, se décider une fois pour toutes à prendre au sérieux ces signaux alarmants : un narcissisme excessif, une hyper-arrogance (« les règles ne passent pas par moi ») ou encore un excès de perfectionnisme. Enfin, au-delà des administrateurs, pour sortir le PDG de sa tour d’ivoire, sa garde rapprochée, ainsi que les top managers ont tout intérêt à cultiver un climat qui ne bannit pas les erreurs et les mauvaises nouvelles. Et récompense les résultats, non leur mystique.
Avec Lesechos