Le refus de rencontrer Kim Jong-un annoncé jeudi par Donald Trump semble avoir torpillé le progrès vers la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Cette marche arrière du Président américain s’explique par la faiblesse de ses positions par rapport au leader nord-coréen, estime un ex-ambassadeur russe à Séoul interrogé par Sputnik.
Après une courte période de dégel dans les relations entre Pyongyang et Washington marquée par la préparation du sommet qui devait avoir lieu le 12 juin à Singapour, Donald Trump a fait marche arrière en annonçant jeudi l’annulation de cette rencontre. Néanmoins, le Président américain n’exclut pas que ce sommet se tienne à l’avenir. Alexandre Panov, ancien ambassadeur russe à Séoul, a confié à Sputnik sa vision sur cette décision du Président américain.
Trump a-t-il eu peur?
En se prononçant sur les motifs du revirement de Donald Trump, le diplomate russe a indiqué que le Président américain n’avait «rien à proposer [à Pyongyang, ndlr] lors de ces négociations». Selon lui, les concessions faites par la Corée du Nord, dont la fermeture du site nucléaire de Punggye-ri et la libération de trois détenus américains, ont renforcé ses positions face aux États-Unis. Le 24 mai, quelques heures avant l’annulation du sommet, Pyongyang a explosé les mines de son polygone d’essais nucléaires.
«Les positions de Kim Jong-un sont beaucoup plus fortes […] Qu’est-ce M. Trump pouvait leur apporter en réponse? Un ultimatum? Il est évident que personne ne le soutiendra […] C’est pourquoi il a eu peur», a précisé M. Panov.
Selon lui, c’est désormais à Trump de jouer puisque Kim Jong-un «a gagné ce round».
Pyongyang fixera le rythme
Malgré la décision de Donald Trump, la Corée du Nord s’est dite toujours ouverte à l’idée de régler ses différends avec les États-Unis. Les experts occidentaux indiquent que les possibilités d’un sommet entre les deux pays ne sont pas complétement enterrées.Alexandre Panov estime, à son tour, que c’est dans l’intérêt de Pyongyang de faire traîner l’organisation de cette rencontre.
«Il est difficile de dire si la rencontre aura lieu puisque la donne a changé […] En tout cas, le temps joue en faveur des Nord-Coréens qui prendront leur temps», a-t-il souligné.
Séoul pris entre deux feux
D’après M. Panov, c’est Séoul qui souffre le plus à cause de la détérioration des relations entre les États-Unis et la Corée du Nord. Le 15 mai, Pyongyang a annulé les pourparlers avec la Corée du Sud prévus le mercredi 16 mai, suite au lancement, le 11 mai, des exercices militaires conjoints de Washington et de Séoul Max Thunder.
«Je crois que le sommet a été annulé parce que les Nord-Coréens veulent que le Sud exerce une pression sur [Donald] Trump […] Dans un avenir pas trop lointain, le dialogue entre les deux Corées reprendra mais, bien sûr, le Nord y sera mieux placé que le Sud», a résumé le diplomate russe.
Après l’annonce de la décision de Donald Trump, le Président sud-coréen Moon Jae-in a convoqué en urgence une réunion de son conseil national de sécurité. Il s’est dit «perplexe et triste» en raison de l’annulation du sommet entre Washington et Pyongyang.
L’idée d’organiser un sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un a été avancée début mars par le dirigeant nord-coréen qui était prêt à parler de l’abandon du programme nucléaire nord-coréen en échange de garanties de sécurité. Depuis lors, Mike Pompeo, nommé secrétaire d’État américain le 26 avril, s’est rendu en Corée du Nord à deux reprises afin de préparer cette rencontre.
Néanmoins, depuis quelques jours la rhétorique entre les responsables des deux pays est devenue explosive. Le 16 mai John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, a évoqué dans une interview le «modèle libyen» pour la dénucléarisation de la Corée du Nord. Bien que le Président américain ait réfuté ses propos, il a néanmoins déclaré que ce modèle pourrait être appliqué si la Corée du Nord n’abandonnait pas son programme nucléaire.
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