Classé au patrimoine mondial, le delta de l’Okavango, de l’Angola au Botswana, est une pure merveille naturelle. D’accès protégé, il est aujourd’hui réservé à une clientèle aux poches bien garnies.
C’est l’un des trésors naturels majeurs du continent. Prenant sa source en Angola, le fleuve Okavango parcourt 1 500 km avant de s’échouer dans le nord du Kalahari, au Botswana, en un delta intérieur qui irrigue 18 000 km². Le visiteur qui s’y rend en avion peut observer depuis le hublot les méandres du fleuve et, parfois, apercevoir un troupeau d’éléphants. Les pachydermes s’y regroupent en nombre à la saison sèche, quand le niveau des eaux, évoluant à l’inverse du climat local, est au plus haut.
Après une nuit confortable dans l’un des camps installés dans la réserve de Moremi, au bord de l’eau, le touriste levé à l’aube peut partir observer en bateau ou en véhicule 4×4 les fameux « Big Five » – éléphants, lions, léopards, buffles et rhinocéros –, mais aussi plus de 118 autres espèces de mammifères, ainsi que 444 espèces d’oiseaux, 64 de reptiles… Une richesse qui explique l’inscription du delta au patrimoine mondial de l’humanité, en 2014, par l’Unesco.
Des séjours très onéreux
Seulement voilà, le delta n’est aujourd’hui visité que par un petit nombre de privilégiés, aux porte-monnaie bien garnis. Le Botswana et les compagnies touristiques qui y travaillent ont misé exclusivement sur un modèle haut de gamme pour cette région phare du pays, peu habitée.
L’isolement du delta, qui pousse les visiteurs à s’y rendre en avion, faute de routes praticables, et les prestations de luxe des camps – des complexes de cinq à dix bungalows au cœur de la nature – rendent tout séjour là-bas très onéreux. Il faut compter de 530 à 1 130 dollars (de 429 à 915 euros) pour une pension complète journalière dans les camps de Shinde, Dinaka, Kanana et Okuti, gérés par le spécialiste américain des safaris Ker & Downey. Auxquels il faut encore ajouter 400 dollars pour les vols aller et retour depuis la capitale régionale, Maun.
À quand des touristes africains ?
Il n’est pas étonnant que des stars de Hollywood telles que Morgan Freeman, Quentin Tarantino ou encore le prince Harry soient tombés amoureux de ce coin, où ils peuvent se rendre en toute discrétion. Bien sûr, à ce prix, le tourisme est écocompatible. Il y a peu de visiteurs, leur empreinte écologique est limitée, les déchets sont recyclés ou évacués, on limite au minimum l’utilisation des récipients en plastique… Et les salariés botswanais – une vingtaine par camp – sont plutôt bien payés.
Ce modèle très lucratif interdit aux touristes africains d’y séjourner, faute de moyens
Mais ce modèle très lucratif – l’industrie touristique au Botswana a dépassé 1,1 milliard de dollars de revenus en 2016 –, fondé sur l’organisation de la rareté des hébergements, interdit au commun des mortels, et notamment aux touristes africains, d’y séjourner, faute de moyens. Il reste à construire, à côté des camps de luxe actuels, une catégorie d’hébergement qui permette au plus grand nombre d’accéder à ce patrimoine mondial, tout en gardant le même niveau d’exigence sur le plan environnemental. Une augmentation raisonnée de la fréquentation permettrait la création d’entreprises et d’emplois, alors que le marché est actuellement dominé par une petite dizaine de grands groupes qui se partagent le gâteau.
Avec jeuneafrique