A la surprise générale, l’ex-Premier ministre Alain Juppé a été proposé mercredi pour succéder à Lionel Jospin au Conseil constitutionnel où il rejoindra les sénateurs Jacques Mézard et François Pillet.
C’est donc un ancien Premier ministre de Jacques Chirac qui remplacera un ancien Premier ministre de Jacques Chirac au Conseil constitutionnel : à la surprise générale, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand a proposé le nom d’Alain Juppé pour succéder à Lionel Jospin au sein de la haute instance. Le maire de Bordeaux a confirmé mercredi qu’il acceptait cette fonction, rejoignant deux autres sénateurs : l’ancien ministre Jacques Mézard (nommé par Emmanuel Macron) et l’élu du Cher François Pillet (nommé par le président du Sénat Gérard Larcher).
Dans un communiqué, Alain Juppé, “profondément ému” de devoir quitter sa mairie, a annoncé qu’il expliquerait son choix aux Bordelais jeudi à l’occasion d’une conférence de presse. Pour le fondateur de l’UMP, âgé de 73 ans, c’est une étape importante qui va entraîner au moins trois conséquences politiques immédiates.
1 – A Bordeaux, une succession qui s’annonce incertaine
L’entrée d’Alain Juppé au Conseil constitutionnel ouvre une séquence d’incertitude à la mairie de Bordeaux, où il a été élu pour la première fois en 1995. “J’ai décidé, il y a plusieurs mois, de ne pas me représenter à l’élection municipale de mars 2020. Je comptais annoncer cette décision au lendemain des élections européennes fin mai prochain. Ma nomination bouleversera ce calendrier”, a révélé mercredi l’édile dans son communiqué.
Jusqu’à maintenant, Alain Juppé laissait planer le doute sur son avenir à Bordeaux. Avec son départ surprise, c’est une vraie guerre de succession qui s’annonce. Deux places sont à prendre :
- Maire de Bordeaux ;
- Président de la métropole, appelée “communauté urbaine de Bordeaux” (la “CUB”).
Dans un premier temps, le successeur d’Alain Juppé sera désigné par un vote au sein du conseil municipal et du conseil de la “CUB”. Nicolas Florian, adjoint en charge des finances, fait office de grand favori pour prendre la mairie girondine.
Mais Virginie Calmels, première adjointe à la ville et vice-présidente de la métropole, ne cache pas ses ambitions locales. Même si celle qui a été de janvier à juin 2018 vice-présidente des Républicains n’a pas toujours une bonne image dans une ville qui a davantage voté pour Emmanuel Macron (31,26%) et Jean-Luc Mélenchon (23,43%) que pour François Fillon (21,80%) au premier tour de la présidentielle de 2017.
Les cartes risquent d’être toutefois rebattues pour la campagne municipale à venir. En 2014, Alain Juppé l’avait largement emporté au premier tour avec près de 61% des voix. Mais il était parvenu à rassembler largement la droite et le centre derrière lui. Qu’en sera-t-il en 2020? La majorité municipale va-t-elle se diviser entre une liste En marche et une liste Les Républicains?
2 – Pour les européennes, une dernière prise de parole avant de devenir “sage”?
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, Alain Juppé s’est montré bienveillant, voire laudateur, à l’endroit du président de la République, en étant l’un des artisans d’une liste de rassemblement pro-Europe pour les élections européennes de mai, au-delà de la seule République en marche. Gilles Boyer, ex-conseiller d’Alain Juppé devenu celui d’Edouard Philippe à Matignon, est d’ailleurs pressenti pour être candidat sur cette liste élargie.
En coulisses, les juppéistes militent également pour qu’Emmanuel Macron se rapproche avec le Parti populaire européenne (PPE), majoritaire à Strasbourg. Problème pour le président français : le PPE est aussi la formation à laquelle sont rattachés Les Républicains de Laurent Wauquiez. Une telle alliance ferait donc grincer les dents de plusieurs marcheurs.
C’est dans le cadre de ces tractations qu’une prise de parole d’Alain Juppé mais aussi de l’autre ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin était attendue “fin février ou début mars”. Mais, sitôt qu’il entrera au Conseil constitutionnel, Alain Juppé sera tenu par un devoir de réserve. Avant de suspendre sa liberté de parole, beaucoup attendent donc une ultime prise de position en vue des européennes. A moins qu’Alain Juppé ne s’astreigne déjà à son rôle de “sage”.
3 – A droite, des juppéistes orphelins
Au-delà de son devoir de réserve, Alain Juppé délaisse son rôle de leader des juppéistes. Même s’il a été sèchement battu par François Fillon à la primaire de la droite en 2016, le fondateur de l’UMP reste une voix écoutée par une partie de l’électorat de droite, plutôt modéré.
Pour preuve, quand Alain Juppé a confirmé, début janvier, qu’il n’avait pas repris sa carte aux Républicains, plusieurs cadres ont fait de même dans les jours qui ont suivi. Interrogé alors par le JDD, un cadre du parti évoquait alors des “cas isolés” : “En fait, les juppéistes sont déjà tous partis, soit à En marche, soit à la retraite comme Jean-Pierre Raffarin.”
Un autre, au contraire, disait son inquiétude : “Il y a encore quelques troupes derrière Juppé et qui ont encore leur carte au parti.” Le retrait d’Alain Juppé va-t-il provoquer de nouveaux départs?
Certains, à droite, se positionnent déjà en héritiers. Xavier Bertrand comme Valérie Pécresse portent ainsi un discours qui correspond partiellement aux attentes de ceux qui avaient choisi Juppé en 2016. Mais, en faisant de l’édile bordelais un “sage” de la République, la Macronie envoie aussi un signal à ces “troupes”.
Avec lejdd