Et si les taxis sans conducteur volaient? Le groupe aéronautique Airbus développe actuellement un concept de drones destinés à proposer des services de taxi dans les grandes agglomérations du monde. Les premiers prototypes pourraient voler dès 2017.
Voici quelques jours, Uber annonçait que ses premiers véhicules sans chauffeur transporteraient des clients dès la fin du mois d’août dans les rues de Pittsburgh. Fruit d’un partenariat avec Volvo, ces courses se feront sous la supervision d’un technicien embarquant à la place passager avant.
Cependant, même si le recours aux taxis et VTC (ou désormais aux Véhicules de transport sans chauffeur) réduit le nombre de véhicules individuels sur les routes, la circulation n’en reste pas moins un des enjeux majeurs de l’urbanisation. Entre 2015 et 2030, la population de Mumbai va passer de 21 à 27,8 millions d’habitants, celle de Kinshasa de 11,5 à 20 millions, celle de Lahore de 8,7 à 13 millions, celle de Shanghai de 23,7 à 30,7 millions. Même les cités du monde occidental vont continuer à croître: Londres va passer de 10,3 à 11,4 millions, Paris de 10,8 à 11,8 millions, Los Angeles de 12,3 à 13,2 millions. Autant de mégapoles souvent déjà engorgées par le trafic routier et parfois paralysées par celui-ci. Sans même compter les effets néfastes en termes de pollution atmosphérique, d’impact sur la santé, de productivité,…
Une solution qui rappelle la science-fiction
«Les problèmes de transport deviennent de plus en plus tendus à travers le monde, en particulier dans les régions métropolitaines, où des millions de personnes vivent. A São Paulo au Brésil en 2014, les embouteillages ont atteint 344 km. Les bouchons coûtent chaque année à l’économie brésilienne 31 milliards de dollars, tandis qu’un résident moyen de Londres perd chaque année environ 10 jours de sa vie», expliquent sur le site web d’Airbus un groupe d’experts et de développeurs chargés de réfléchir à ces thématiques.
De quoi inciter de nombreux urbanistes, industriels, ingénieurs, élus et spécialistes du transport à réfléchir à d’autres modes de déplacement dans ces aires urbaines surpeuplées. Et l’une des hypothèses de travail repose sur une solution largement vue dans des créations de science-fiction: les transports aériens urbains. A l’image de ce que suggérait Luc Besson dans Le Cinquième Elémenten 1997.
En fin de semaine dernière, c’est justement du géant mondial de l’aéronautique que la surprise est venue: Airbus Group a présenté un concept d’appareil associant son domaine de compétence (les aéronefs) à celui des véhicules de transport sans pilote. Baptisé Vahana ou CityAirbus (dénominations différentes en interne et en externe pour brouiller les pistes), le projet a été développé par une unité travaillant directement en Silicon Valley. Le système reposerait sur des drones de grande taille nommés zenHop que les clients pourraient emprunter en se rendant dans des héliports disséminés dans l’ensemble de l’aire urbaine, les zenHub. Quant aux bagages éventuels, ils seraient pris en charge par un service dédié, zenLuggage.
Le soutien de Thomas Enders
Des algorithmes permettraient de fluidifier le trafic en calculant les itinéraires les plus appropriés selon les destinations des différents passagers. Et en embarquant plusieurs clients à la fois, les coûts seraient partagés, ce qui permettrait, selon les auteurs de la publication, de «ramener le prix sensiblement au même prix qu’une course de taxi classique». Un système utopique ou relevant de la vision de très long terme? Pas d’après Rodin Lyasoff, ingénieur ayant travaillé sur le projet et slon qui «la plupart des technologies requises, comme les batteries, moteurs, systèmes de communication électroniques entre véhicules ou véhicules-clients et de navigation, existent déjà».
Airbus travaille depuis longtemps sur les drones. Un vaste projet de drone militaire européen doté de 60 millions d’euros et porté par Airbus Group, Dassault Aviation et Alenia Aermacchi (groupe Finmeccanica) avait été lancé. Mais l’ingérence des gouvernements des pays concernés (Allemagne, France, Italie) avait poussé les dirigeants d’Airbus à monter au créneau pour réclamer davantage d’autonomie.
Et si le projet peut sembler très avant-gardiste, il n’en est pas moins pris très au sérieux jusqu’aux plus hautes strates de l’état-major d’Airbus. Thomas Enders, CEO d’Airbus, s’est ainsi déclaré très favorable à cette perspective: «Je ne suis pas un fan de Star Wars mais il n’est pas fou de penser qu’un jour nos grandes villes auront des voitures volantes qui circuleront dans les airs. Ainsi, dans un futur proche, nous utiliserons nos smartphones pour réserver une place dans des taxis volants complètement autonomes et qui atterriront juste devant notre porte d’entrée. Et tout ça sans pilote».
La division hélicoptères pour le design
Une piste d’avenir qui trancherait avec le business traditionnel de la firme aéronautique européenne. Mais un projet toutefois bien avancé déjà. Sur son site web, le constructeur annonce ainsi que le dossier CityAirbus a été maintenu secret pendant plusieurs années afin d’arriver à développer d’abord les solutions et technologies nécessaires en interne. Ainsi, c’est la division hélicoptères du groupe qui a mis au point le design des aéronefs, équipés d’hélices pour faciliter un décollage vertical: deux ans de travaux ont été nécessaires pour aboutir à un concept satisfaisant. Mais le projet est désormais bien avancé et les premiers prototypes pourraient décoller dès 2017. Aucune précision n’a toutefois été donnée quant à un calendrier de mise en service commercial dans une grande ville. Il faudra d’ici là travailler sur la législation des villes qui interdit quasiment toujours le survol à basse altitude des zones habitées. A fortiori pour des appareils sans pilote transportant des passagers: une hypothèse jusque-là non imaginée par les législateurs.
Les premiers essais devraient avoir lieu à Singapour, où Airbus a signé récemment un accord avec les autorités de surveillance aérienne autorisant la branche hélicoptères à mener des tests de ses drones au-dessus du campus de l’Université nationale de Singapour vers la mi-2017. Des «corridors aériens» devraient être dévolus aux tests pour relier cinq points du campus et le port voisin avec des drones. Ces derniers n’auront sans doute pas le design définitif des appareils développés, car ils seront destinés dans un premier temps à la livraison de colis. Mais la réussite de ces essais pourrait déterminer la suite à donner au projet de drones de transport de personnes.
Et de la même manière qu’Uber et Volvo avec leur phase de test commercial dans les rues de Pittsburgh, Airbus annonce aussi dans sa communication que des pilotes pourraient embarquer dès que des appareils seraient construits, afin de superviser le vol des aéronefs, et de reprendre les commandes le cas échéant.
avec bilan