Le Trésor sud-africain vient d’annoncer la découverte de 12 000 personnes déclarées mortes dans ses registres de paiements et de 14 000 fonctionnaires répertoriés en tant qu’administrateurs d’entreprises, en violation de la réglementation en cours. Une affaire qui risque de mettre à mal la crédibilité de Pretoria dans ses efforts d’assurer une meilleure gouvernance des affaires publiques..
Pretoria doit faire face à un nouveau scandale entourant la gestion des dépenses publiques. Les autorités sud-africaines viennent en effet d’annoncer la découverte d’une série de malversations et de fraudes à l’encontre du Trésor public et des entreprises qui accèdent aux marchés publics. Pas moins de 12 000 personnes déclarées mortes ont été répertoriées dans les registres des bénéficiaires des paiements du Trésor. Une découverte survenue après la mise à jour du système informatique utilisé par le bureau d’approvisionnement du Trésor sud-africain.
Fausse concurrence
L’opération d’updating a également permis d’identifier quelques 14 000 fonctionnaires répertoriés en tant qu’administrateurs de sociétés sous contrats avec l’Etat, ce qui constitue une violation de la réglementation en cours en Afrique du Sud. Cette découverte a suscité la colère de Pretoria qui a fait de la moralisation des dépenses publiques un de ses programmes prioritaires.
Selon des estimations des autorités sud-africaines, la fraude et la sur-tarification du service public par les fournisseurs capteraient jusqu’à 40% des 600 milliards de dollars réservés à la ligne du budget public des biens et services.
Selon les premières informations, les fraudeurs mettaient en place des entreprises avec de faux documents ou utilisaient l’identité de personnes décédées. Les fausses identités sont ensuite utilisées pour soumissionner à des appels d’offres en proposant la réalisation de projets à des prix élevés, ce qui permet par ricochet aux entreprises complices de décrocher les marchés à des tarifs concurrentiels. Une manière pour ces fraudeurs de créer un faux sentiment de concurrence et de ne pas éveiller les soupçons des instances de contrôle.
Un contrôle sous pressions politiques
Ce n’est pas la première affaire de malversations qui touche les marchés publics en Afrique du Sud. Les inspecteurs du Trésor avaient déjà mené des enquêtes sur des affaires jugées suspectes dans lesquelles des politiciens proches de l’ANC auraient été en lien avec les pouvoirs adjudicataires de grands marchés publics. Rien qu’en 2016, les enquêteurs du fisc ont dû faire face à une forte résistance d’Eskom, une entreprise d’électricité publique, au moment d’examiner ses contrats d’approvisionnement en charbon avec Tegeta Exploration & Resources Ltd. Une entreprise appartenant à la famille Gupta, dont la découverte de liens avec le président Jacob Zuma et ses proches a soulevé un tollé en déclenchant une crise au sein de l’ANC.
La volonté de l’administration Zuma de lancer, coûte que coûte, la construction de nouvelles centrales nucléaires inquiète les unités de régulation qui craignent que les appels d’offres à venir ne respectent pas les processus concurrentiels d’approvisionnement. Une crainte justifiée par l’investissement fixé à 1 trillion de rands pour la construction de près de 8 réacteurs nucléaires à partir de 2023. Un projet qui se trouve déjà sous le feu des critiques de l’opposition qui le taxe de «schémas de corruption» à grande échelle.
Des fraudes qui risquent de faire capoter l’opération de séduction de Gigaba
Cette affaire survient alors que Malusi Gigaba, ministre des Finances, continue son opération de séduction des grandes institutions financières internationales et des agences de notations. Une manière pour ce dernier de désamorcer la crise entre Pretoria et ses partenaires et bailleurs de fonds internationaux qui ont signifié leur inquiétude, après le limogeage de Parvin Gordhan du ministère des Finances en mars dernier. Ce «remaniement» sera vite suivi d’une baisse des notes souveraines de Pretoria par Fitch Rating et Standard & Poor’s, alors que Moody’s plaçait la note sud-africaine en révision.
Après avoir reçu une délégation de la Banque mondiale et rencontrer le management du Moody’s Investor, c’est maintenant au tour de S&P d’être approchée par Gigaba. Une opération de gestion de risques qui pourrait être mise à mal par ces nouveaux cas de fraude, alors que le nouveau ministre des Finances a justement mis l’amélioration de la gestion des dépenses publiques parmi ses principaux engagements.
Avec la tribuneafrique