« Il n’y a plus de politique africaine de la France ». Ces mots prononcés par Emmanuel Macron lors de son discours de Ouagadougou en novembre 2017 marquent une rupture symbolique dans la séculaire relation qui lie l’Hexagone au Continent. 60 ans après la vague d’indépendances, ces paroles résonnent comme une oraison funèbre à la fameuse Françafrique. Mais encore ?
La France par la voix de son président porte donc l’estocade à ce système aux voies impénétrables ou le leitmotiv d’interdépendance dans l’indépendance a servi d’alibi à une mainmise politique et surtout économique sur ce qui représentait le pré carré africain de la France. Elle est même prête aujourd’hui à diluer ses ambitions africaines dans une perspective européenne à condition d’en accaparer le leadership.
De l’autre côté, ragaillardie par l’intérêt croissant d’autres grandes puissances qu’elle peut désormais mettre en concurrence, forte de l’émergence en son sein d’authentiques champions du sud, l’Afrique aspire à équilibrer ses relations pour occuper la place qui sied à un Continent au potentiel indéniable.
Féconde émulation
Désormais, la rupture peut prendre la forme d’un marché remporté par une entreprise africaine au détriment d’une concurrente française, ou d’une concession accordée à un partenaire tiers au grand dam d’un postulant hexagonal éconduit. En somme, un modus operandi qui s’émancipe d’une banque de faveurs désuète pour épouser les traits d’une émulation féconde où seul le « gagnant-gagnant » a droit de cité.
Et le patronat français, appelé par le président Macron à assumer à plein son rôle dans ce nouveau paradigme qui veut rompre avec une politique centrée sur les aides au développement, ne s’y trompe pas. Il affiche sa disponibilité pour s’allier à des partenaires locaux et regarde même au-delà de sa zone de confort en pointant sa boussole à l’est et au sud du Continent.
Changement de perspective
Toutefois, si la rupture est manifeste, il est des permanences appelées à perdurer. Car cette rupture ne se conçoit pas comme un divorce, mais plutôt comme un changement de perspectives pour les deux parties. Aussi, des femmes et des hommes travaillent dans l’ombre, comme au grand jour, pour préserver les acquis d’une relation privilégiée, l’épurer de ses travers, rapprocher les points de vue et esquisser des horizons communs où les bénéfices se font partager.
Stratégique diaspora
Sur ce registre, la France peut se targuer d’un atout dont l’importance ne peut aller que crescendo. En effet, la diaspora africaine dans l’Hexagone représente un inégalable pont humain qui œuvre naturellement pour une communauté de destin entre sa terre d’origine et son pays d’accueil.
Cette communauté dynamique est souvent la première à souffrir des clichés sur l’immigration et de la récupération politique qui en est faite non sans mauvaises intentions. Or, aussi bien la France que l’Afrique gagneraient à soutenir cette stratégique diaspora en lui donnant les moyens de ses ambitions entrepreunariales sur une terre africaine dont elle partage les codes et les usages. C’est à ce prix que l’on pourra consolider la plus robuste des permanences de la relation Afrique-France et que l’Hexagone et le Continent noir pourront se regarder les yeux dans les yeux et à visages découverts !
Avec la tribune