Dans son dernier rapport semestriel sur les perspectives de croissance dans la région MENA, la Banque mondiale prévoit un léger rebond de croissance pour 2018 pour les pays d’Afrique du nord. L’économie poursuit un redressement certes modéré et porté la relative hausse du cours des pétroles des derniers mois, mais la nouveauté, c’est que la dynamique est également par certaines réformes structurelles, bien que beaucoup reste à faire.
L’économie des pays de la région Moyen-Orient/Afrique du nord (MENA) sort progressivement la tête de l’eau. Contrairement à la région Afrique subsaharienne où elle devrait marquer le pas en raison d’une conjoncture internationale difficile, la croissance des pays du Maghreb ainsi que de l’Egypte continue à enregistrer un modeste rebond modeste même si ces pays doivent se donner de nouvelles sources de croissance et d’emplois. C’est ce qui ressort du dernier rapport semestriel de la Banque mondiale sur les perspectives économiques de la région qui a été rendu public ce mercredi 3 Août. Selon la Banque mondiale, la croissance économique de la région MENA devrait rebondir à 2 % en moyenne en 2018, contre 1,4 % en 2017, et à l’horizon 2020, elle devrait atteindre 2,8 %.
Selon le rapport, « une nouvelle économie pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord », ce rebond modéré s’explique principalement par la hausse récente des prix du pétrole, qui a bénéficié aux pays exportateurs d’or noir, mais a accentué la pression sur le budget des pays importateurs. Toutefois, et c’est la principale nouveauté, « il reflète également l’impact des réformes modestes et des efforts de stabilisation entrepris dans certains pays de la région ». Le rapport relève cependant que le rythme de la croissance est insuffisant pour créer les emplois qui permettront d’absorber une main-d’œuvre jeune nombreuse, d’où la nécessité « de développer de nouveaux moteurs de croissance pour atteindre le niveau de créations d’emplois nécessaires ».
Disparités régionales
Les prévisions de la croissance pour la région MENA cachent certes des disparités d’autant que les estimations englobent ceux des pays du Golfe mais aussi d’autres en crise. En Afrique du nord également, la dynamique des croissances diffère entre les pays importateurs et exportateurs de pétrole.
En Algérie, pays exportateurs de pétrole, la croissance devrait rester stable, à plus de 2% en moyenne, jusqu’à la fin de la décennie, mais, relève la Banque mondiale, ce taux est trop faible pour créer suffisamment d’emplois pour le grand nombre de jeunes chômeurs du pays. D’après les projections, le double déficit devrait s’améliorer en 2019 et 2020, à conditions que les réformes économiques attendues, telles que la suppression des subventions et l’amélioration du climat des affaires, sont mises en œuvre.
Pour les autres pays, importateurs du pétrole, le Maroc, la Tunisie, où l’Egypte, la croissance est portée par la reprise de l’activité économique, particulièrement au pays d’Abdel Fattah El Sissi. « L’économie égyptienne se redresse après des années de déclin de la croissance, de hausse de la dette et d’aggravation des déficits budgétaires et courants. Les réformes récentes, notamment la libéralisation du taux de change, la rationalisation des subventions et l’augmentation de la protection sociale des pauvres, ont renforcé la croissance et contribué à l’accumulation de réserves de change adéquates », note le rapport. La croissance égyptienne devrait ainsi s’accélérer, de 5,6 % en 2019 à 5,8 % en 2020, et ainsi dépasser celle des autres importateurs de pétrole, en raison, principalement à la reprise de la consommation et de l’investissement privé et au rebond des exportations de marchandises et du tourisme. Parmi les autres importateurs de pétrole, la Tunisie devrait également connaître une croissance accélérée. Après avoir doublé pour atteindre 2 % en 2017, elle devrait s’établir à 3,4 % en 2020, soutenue par l’agriculture, le tourisme et la production tournée vers l’exportation, principalement électrique et mécanique. L’économie marocaine poursuit sa dynamique qui continue toutefois à dépendre fortement de la production agricole et reste vulnérable au changement climatique. Sa croissance restera toutefois supérieure à 3 % en moyenne d’ici 2020.
Au Maroc, en Egypte ou en Tunisie, la croissance soutenue des exportations et l’augmentation du tourisme et des envois de fonds devraient dépasser la hausse de la facture des importations énergétiques liée au renchérissement du pétrole. Pour la Banque mondiale, le double déficit des importateurs de pétrole devrait légèrement s’améliorer d’ici à la fin de la décennie, ce qui aidera les gouvernements à mettre en œuvre les réformes nécessaires pour réduire les taux de chômage chroniquement élevés
Virage numérique
Les dynamiques et les facteurs de croissance ne sont donc pas pareils en fonctions des sous régions, mais les défis restent les mêmes particulièrement pour les pays d’Afrique du nord. Le rythme de croissance reste insuffisant pour faire face à certains défis communs notamment l’emploi des jeunes. Ce n’est pourtant pas le potentiel qui manque, et à ce sujet, la Banque mondiale plaide en faveur d’un virage numérique, qui constitue une véritable alternative « pour libérer l’immense potentiel que constitue une population jeune et instruite ».
« Le chômage est un fléau pour beaucoup de jeunes hommes et femmes de la région, et le problème des jeunes va continuer de s’aggraver à moins d’en faire un atout. Il faut exploiter la dynamique de croissance actuelle pour accélérer le rythme des réformes et accroître leur ambition. Et s’attacher en priorité à bâtir une économie moderne qui mette à profit les nouvelles technologies et repose sur l’énergie et la capacité d’innovation des jeunes générations. », souligne Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la Région MENA.
Selon la Banque mondiale, « les pays devront lancer des réformes plus vastes et audacieuses, et consentir des investissements indispensables dans l’infrastructure numérique ». L’enjeu à ce niveau sera d’axer davantage l’éducation sur la science et la technologie, de créer des systèmes de télécommunications et de paiements modernes, et de favoriser le développement d’une économie tirée par le secteur privé en mettant en place des réglementations qui, au lieu de brider l’innovation, l’encouragent au contraire.
Le rapport préconise de se fixer des objectifs précis, dont notamment celui de rattraper les économies avancées dans le domaine des technologies de l’information et de la communication à l’horizon 2022, et pour mieux s’inspirer, la Banque mondiale estime que les pays du monde arabe pourront s’appuyer sur la réussite du Kenya en la matière notamment grâce au succès de M-Pesa.
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