Science, littérature, philosophie, …. Dans tous les domaines de la connaissance ou presque, les Africains ont toujours joué un rôle prépondérant. Mais, un champ semble leur poser bien de soucis : la politique telle qu’elle est faite en Afrique.
« Le Professeur Elikia Mbokolo menace de se retirer du FCC (Front commun pour le Congo) », écrit le quotidien congolais Les Dépêches de Brazzaville dans son édition du 23 juillet 2018. Le FCC, c’est cette plateforme mise en place par le régime de Kabila dans la perspective des élections à venir. Parmi les membres de ce mouvement, le Professeur Elikia Mbokolo qui en a signé le 14 juillet la charte constitutive.
Or, en signant le document, l’historien congolais (Kinshasa) – l’un des plus grands du monde contemporain – n’avait jamais imaginé que l’estime, l’admiration et l’amour dont il jouit auprès de ses compatriotes et à travers le monde prendrait un coup sur les réseaux sociaux. Sévèrement critiqué, le directeur de l‘École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris a été obligé de repréciser sa position en menaçant de quitter le FCC.
Mais, peut-être trop tard. La crédibilité du Professeur semble avoir pris un coup. « Plus Elikia Mbokolo cherche à se justifier et plus il s’accuse ! À tel point que ses réponses terre-à-terre font pouffer de rire la journaliste qui participait à l’interview. Honteux et ridicule… Décidément avoir des cheveux blancs n’est pas synonyme de sagesse », ironise un internaute congolais sur sa page Twitter.
Et tout juste de l’autre côté du fleuve Congo, le Professeur Théophile Obenga, n’est plus aux yeux de plusieurs Congolais ce grand égyptologue et linguiste qui aura significativement contribué, aux côtés d’autres Africains comme Cheikh Anta Diop, à la mise au jour de l’apport de la civilisation africaine à l‘éclosion de la science. Mais plutôt un simple « chantre de Denis Sassou-Nguesso ».
La politique n’est-elle faite que pour se salir les mains ?
La faute au portrait du Chef de l‘État congolais qu’il dressa en 2009 à la veille de la présidentielle de cette année-là. Paru dans le numéro 2890 de l’Hebdomadaire La Semaine Africaine, le portrait était intitulé « Le président Denis Sassou Nguesso : un nouvel épithalame pour le Congo ». Il présentait Sassou comme l’homme providentiel capable de sortir le Congo du précipice.
« Pour juillet 2009, tous les candidats, à ce qu’il me semble, sont expérimentés, valables, dévoués, compétents et patriotes. Mais, il y a ersatz et ersatz. Ainsi, toute élection, surtout une élection présidentielle, requiert pondération, jugement et choix motivé. La ré-élection du président Denis Sassou Nguesso, en ces temps durs dans le monde entier, serait encore le meilleur choix : un magnifique épithalame pour le Congo », conclut le savant issu de la même région et de la même ethnie que le président congolais.
Et ces deux savants voisins ne sont pas les seuls. En démissionnant après un bilan jugé mitigé de 20 ans de règne à la tête du Sénégal, Léopold Sédar Senghor avait peut-être anticipé une chute aussi désagréable que celle du Shah d’Iran. Il quitta volontiers le pouvoir pour ne se concentrer que sur la poésie qui était son dada.
Mais, en dehors de Senghor et de quelques rares autres, ils sont nombreux, ces érudits africains à avoir « souillé » leur soutane d’intellectuel dans la mare politique africaine. Une mare où les principes fondamentaux de la politique en tant qu’art de gérer la cité sont souvent mis de côté au profit de la gouvernance telle que pensée par de prétendus hommes forts.
Ces hommes forts qui pensent que la grandeur d’un acteur politique ne réside que dans sa capacité à légitimer des pratiques controversées pour accéder ou s‘éterniser au pouvoir. Face à cette réalité, le savant africain qui devrait être ce philosophe roi, qui est le dirigeant idéal n’a souvent pas d’autres choix que de se compromettre. Soit par résignation. Soit pour des besoins de positionnement.
Au lendemain de la présidentielle 2016 au Congo, l‘écrivain Alain Mabanckou avait lui aussi essuyé des critiques très sévères pour avoir remis en cause la crédibilité de ce scrutin remporté par Sassou-Nguesso.
Les érudits africains sont souvent face à un dilemme lorsqu’ils veulent s’inviter dans les débats politiques de leurs pays.
Avec africanews