Le 14 septembre dernier, le fonds panafricain d’investissement dans les infrastructures Africa 50 a inauguré son siège dans le quartier de la marina de Casablanca, la capitale économique marocaine, à l’issue de la tournée de son directeur général Alain Elibossé. Les représentants du secteur privé et du gouvernement marocain ont tenu à accompagner ce lancement qui permet aussi de mettre en lumière les ambitions marocaines pour le continent.
Le pari d’Africa 50 de faire émerger de grands projets d’infrastructures, sur le continent sur financement public et privé converge avec la volonté de certains États de renforcer l’intégration économique régionale. Africa 50 lancé par 23 pays africains -aujourd’hui ils sont 27 États membres- deux banques centrales -celle de l’UEMOA et celle du Maroc- et la Banque Africaine de Développement a confirmé des engagements totalisant 830 millions de dollars US qui lui permettent d’intervenir sur les projets d’infrastructures. Le gouvernement marocain annonce abonder le fonds à hauteur de 100 millions de dollars US auxquels s’ajoutent 20 millions de dollars US de la banque centrale nationale. Après avoir été « incubé » par la Banque africaine de Développement Africa 50 vole désormais de ses propres ailes et cible des secteurs « moteurs pour la transformation économique et sociale en Afrique » : l’énergie électrique, le transport, les technologies de l’information et communication et le gaz. Selon Alain Elibossé, Africa 50 interviendra préférablement sur des projets qui apportent une « plus-value interrégionale ».
Une stratégie centrée sur la rentabilité des projets
En amont de ce lancement officiel, Carole Wainana, la chief operating officer du fonds nous confiait à ce propos que selon elle « il y a une prise de conscience nouvelle sur le continent de ce besoin d’intégration régionale : la Zone de Libre-Echange africaine vient d’être signée, certaines organisations régionales ont fait adopter des passeports régionaux… ». Les chefs d’État ont en outre pris conscience que le manque d’infrastructures handicape lourdement le potentiel du continent. Africa 50, initié au 18ème sommet de l’UA en 2012, a réussi à concrétiser cet appel et à créer un véhicule de financement africain exclusivement dédié aux infrastructures. Outre les secteurs précités, Africa 50 cherchera également à développer des projets « dans lesquels l’Afrique a un véritable avantage comparatif », par exemple dans le solaire, pour les énergies renouvelables. L’équipe opérationnelle constituée par des cadres venus du secteur privé et d’autre organisations financières internationales a conçu son périmètre d’intervention à différents niveaux de chaque projet : l’équipe de Africa 50 project development pour la conception du plan de financement et l’accompagnement technique ; et Africa50 Project Finance pour la prise de participation ou le co-financement de projets.
Deux métiers pour une stratégie
Ces deux équipes complémentaires agissent sur la même ligne directrice : concevoir et financer des projets rentables, éligibles aux autres investisseurs, condition sine qua none de leur réalisation. Selon Carole Wainana, « le déficit d’investissements annuel dans les infrastructures atteint annuellement 30 milliards de dollars US sur le continent et pourtant il y des capitaux disponibles sur les marchés qui peuvent être mobilisés sur des projets rentables ». La surface des investissements nécessaires pour la réalisation d’infrastructures de grande taille dépasse parfois les capacités des acteurs financiers africains, rares sur le créneau des infrastructures qui demande aussi des mises de long terme. Africa 50 permettra de sécuriser une mise de départ et le fonds souhaite devenir un véritable label de qualité auprès des marchés européens et américains des capitaux, afin de mobiliser des co-financeurs. Un premier portefeuille de projets supérieurs à 200 millions de dollars US a été sélectionné par Africa 50 pour lancer ses opérations ; le fonds y investirait dans chacun 30% du projet total en moyenne avec l’objectif de sécuriser des financements accessibles pour les promoteurs privés ou publics à travers la mobilisation de ligne de crédits concessionnels. Ces premiers choix, qui seront révélés au fur et à mesure que les tours de table des projets seront bouclés, ont été effectués avec beaucoup de rigueur, selon les dirigeants du fonds, afin d’envoyer des signaux de confiance aux marchés.
Actionnariat étatique et logique privé
A l’instar de la BAD, véritable institution panafricaine, les 27 Etats africains membres du board siègent au conseil d’administration de Africa 50. A leurs côtés, des personnalités indépendantes, souvent issues du secteur privé, ont été choisies pour équilibrer le board et garantir une implication des acteurs privés dans les travaux du fonds. Afin d’éviter toute « capture politique » des priorités du fonds, le conseil d’administration a par ailleurs déléguer à un organe technique, le comité des investissements, le pouvoir de décision finale quant à l’engagement du fonds. Les membres du board sont en outre appelés à un renouvellement triennal ce qui permettra une rotation importante atténuant les jeux d’influence et permettra d’associer plus d’acteurs autour des priorités du fonds. Le directeur général de Africa 50, Alain Elibossé, ancien de IFC, filiale de la Banque Mondiale, spécialiste du financement d’infrastructures présidera le comité des investissements, unique décisionnaire sur les choix d’investissements. M. Elibossé, en amont de l’inauguration du fonds a pu s’entretenir avec le ministre de l’Économie et des finances marocain, Mohamed Benchaaboun et le chef de gouvernement Saad Eddine Othmani pour discuter des priorités marocaines en termes d’infrastructures. Il s’est par ailleurs félicité de « l’accueil des autorités marocaines » qui projettent ouvertement de participer à des mégaprojets continentaux notamment un gazoduc Maroc-Nigeria ou un réseau autoroutier ouest-africain.
Le Maroc, récompensé de son activisme africain
A l’évidence, le Maroc se félicite du choix d’implantation de Africa 50. Le pays qui souhaite développer ses relations économiques avec l’Afrique de l’Ouest est candidat à l’entrée dans la CEDEAO et souhaite construire de nouvelles routes logistiques avec les pays de la région, que ce soit en interconnexion électrique, routière ou gazière. Lors de son allocution, le président de la CGEM, la confédération des entreprises marocaines, Salaheddine Mezouar, ancien ministre des finances et ministre des affaires étrangères, s’est félicité que le pays ait emporté la décision pour l’accueil du siège d’Africa50, qui s’est par ailleurs vu attribuer le label « Casablanca Finance City (CFC) » permettant une flexibilité réglementaire aux organisations et entreprises internationales dans leurs opérations de recrutement et d’investissement sur le continent africain. Nouvellement élu à la tête de la CGEM, Mezouar souhaitera marquer de son mandat les relations économiques des entrepreneurs marocains vers l’Afrique. Othman El Ferdaous, secrétaire d’Etat marocain, chargé de l’investissement a souligné les avantages de Casablanca comme tête de pont régional de groupes internationaux.
Avec financialafrik