De deux choses l’une : ou bien le directeur général de la douane, le colonel-major Pierre-Alphonse Da, prend les Ivoiriens pour des ploucs, ou bien une surdose de caféine lui cause des étourdissements qui le font déblatérer irrationnellement – ce qui est beaucoup plus probable, étant donné le nombre de tasses de café qui ornent fièrement son bureau.
En effet, ayant par un abracadabra découvert que depuis deux ans plus d’un millier de véhicules de luxe importés ont passé frauduleusement la douane ivoirienne et circulent imperturbablement sur le territoire ivoirien ou même en terre étrangère – vu que le port ivoirien dessert aussi d’autres pays de la sous-région – notre directeur général des douanes annonce les mesures qu’entendent prendre les autorités ivoiriennes pour dédouaner la douane ivoirienne de son manque de professionnalisme et de la gangrène de corruption qui la ronge, afin de permettre à l’Etat de Côte d’Ivoire de recouvrer les 3 milliards de déficit engendré par la dégénérescence morale de certains de ses fonctionnaires. Et nous aurions ri à nous casser en deux des élucubrations du directeur général si ses déclarations lymphatiques, molles et sans conviction aucune n’étaient pas le symptôme d’un mal profond depuis l’installation martiale des rattrapocrates ; celui de tricher, voler, corrompre, se faire corrompre, pour ensuite faire des annonces flegmatiques d’enquêtes qui ne donneront aucun résultat, tout simplement parce qu’elles ne débuteront jamais.
D’ailleurs, n’est-ce pas un clin d’œil que le directeur général fait aux « fraudeurs », une voie de sortie en catimini qu’il leur offre généreusement, lorsqu’il annonce « [qu’à] partir du 1er juillet, les brigades des douanes, en patrouille sur toute l’étendue du territoire national, seront chargées de rechercher tous les véhicules en situation irrégulière … [et qu’à] l’issue de la vérification, qui se fera à partir du numéro de châssis indiqué sur la carte grise, les usagers pour lesquels le message affiché est : «châssis retrouvés dans la liste des véhicules non dédouanés» seront invités à s’adresser à la direction des enquêtes douanières pour procéder aux formalités de régularisation » ?
Mais pourquoi donc le directeur des douanes a-t-il besoin de mettre des patrouilles de douaniers dans les rues, sous le soleil et sous la pluie, pour rechercher, comme une aiguille dans une botte de foin, des véhicules dont il a déjà soit les noms des propriétaires soit les adresses des transitaires qui les ont fait sortir de la douane – car, pour avoir la liste des véhicules en situations irrégulières, la douane ivoirienne a bien dû croiser au moins deux données ; deux données qui inéluctablement sont chacune une mine d’informations ?
Et puis, dans un pays où depuis la prise de pouvoir martiale des rattrapocrates tout se vend, tout s’achète, tout se trafique, tout se corrompt, dans un pays où des certificats de décès sont produits à la va vite par des « médecins légistes » attablés à tous les coins de rue, dans un pays où les certificats médicaux aux « victimes » se signent à la mairie d’Abobo en l’absence des patients, dans un pays où la morale a pris le large depuis avril 2011, qu’est-ce qui fait croire au directeur des douanes ivoiriennes que les faussaires ne feront pas gratter les numéros de châssis originaux pour en inscrire de faux après son communiqué, s’il ne l’ont pas déjà fait ? Et qu’est-ce qui fait croire à notre directeur que ses limiers déployés sur les routes ivoiriennes mettront la main sur des véhicules depuis longtemps vendus et en circulation dans les pays de la sous-région ? Mais qu’est-ce qui fait donc faire à notre directeur cette déclaration qui en définitive n’est qu’un clin d’œil ? Est-ce la surdose de café ? Ou bien est-ce tout simplement parce que notre directeur des douanes n’a aucune intention d’interpeller qui que ce soit à propos d’un quelconque véhicule non dédouané, parce que précisément, il connait les faussaires ?
Avec connectionivoirienne