Limité en capacité, l’aéroport Houari-Boumédiène ne donne pas encore la pleine mesure de son potentiel au grand dam des compagnies aériennes. Mais cela pourrait changer.
Les compagnies aériennes doivent gérer la pénurie de slots à Alger, un aéroport qui est complètement saturé en été. Un nouveau terminal portant la capacité à 10 millions de passagers par an est en cours d’achèvement et doit entrer en service fin 2018. Aussi ASL Airlines, nouvelle venue française sur l’Algérie, a démarré cet été une desserte Roissy-CDG-T1-Alger qui, actuellement, en basse saison, tourne à raison de trois vols hebdomadaires. Elles monteront à cinq avec l’été et pourront atteindre neuf par semaine lors des pics de juillet-août. S’y ajoute en juillet-août, la desserte de Chlef à l’ouest d’Alger, entre Tipaza et Oran, qui permet de s’affranchir des embouteillages sur les routes d’accès à l’aéroport Houari-Boumédiène. Deux nouvelles niches vont être explorées avec des vols réguliers chaque semaine vers Oran depuis Bordeaux et Toulon (intéressant la zone est de Marseille).
De nombreuses contraintes
En Algérie, pas de vente de billet en ligne, le site internet n’est qu’un catalogue sans possibilité de réserver, faute de moyens de paiement autorisés. En effet, seuls les binationaux peuvent disposer de cartes bancaires de paiement. Sur les 4,5 millions de passagers entre les deux pays, une petite moitié utilise des billets émis en France. Le recours aux nombreuses agences de voyages algériennes pour payer le billet d’avion en espèces est donc incontournable. Autre contrainte du contrôle des changes, le BSP, l’organisme de compensation des billets d’avion, n’existe pas comme ailleurs dans le monde. Aussi est-ce Soleil Voyages, un réseau d’agences de voyages (également présentes à Paris), qui distribue les titres de transport et joue le rôle d’agent général d’ASL Airlines en Algérie. « Le bouche-à-oreille entre les clients et leurs familles est pour nous la meilleure promotion », constate Jean-François Dominiak, directeur général d’ASL Airlines France (ex-Europe Airpost). « Cet été, nous avons connu un incident d’exploitation avec quinze heures de retard. Nous avons immédiatement logé tous nos passagers à l’hôtel, ce qui ne s’était jamais fait sur la desserte Paris-Alger. Cela a très vite installé notre réputation de service au client que nous ne laissons pas tomber en cas de problème. »
Côté tarifs, ASL, avec ses coûts de fonctionnement maîtrisés, peut se permettre d’être un peu moins chère que la concurrence avec un aller simple à partir de 80 euros qui monte à 250 euros en période de pointe. « Sur la desserte de l’Algérie, il est difficile de ne pas gagner d’argent ! » se souvient, amer, Antoine Ferretti, l’ex-PDG d’Air Méditerranée en faillite, disparue l’an dernier, et rencontré dans un hôtel d’Alger.
Open sky : après le Maroc et la Tunisie…
Après le Maroc et la Tunisie qui voit ses dessertes aériennes avec l’Europe ouvertes à la concurrence, l’Algérie devrait voir son ciel plus accessible. La question : quand ? Et cette donnée est d’autant plus prégnante que les autres pays du Maghreb sont passés à la vitesse supérieure.
La Tunisie, par exemple, vient de conclure avec l’Union européenne un accord de ciel ouvert, en négociation depuis janvier 2011. Cette libéralisation de l’accès au marché pour les compagnies aériennes entrera en vigueur à la fin de l’année prochaine. Elle va permettre de créer des dessertes sans être soumis aux droits de trafic. Pour les voyageurs, le choix plus large va s’accompagner de tarifs plus bas. En clair, ce sont 800 000 passagers supplémentaires qui sont attendus en 5 ans et cet accord devrait générer une hausse de 2,7 % du PIB grâce au tourisme et au voyage.
Il y a dix ans, un tel accord avait été signé entre l’UE et le Maroc, protégeant néanmoins Royal Air Maroc sur son hub de Casablanca. Ce qui avait laissé le temps à la compagnie nationale de se restructurer en développant un réseau de correspondances vers le reste de l’Afrique. Une clause comparable prévoit que l’aéroport de Tunis-Carthage demeure chasse gardée de Tunisair pour une durée de cinq ans. Ainsi easyJet, Ryanair et les autres (avec leurs bas tarifs) devront se déployer dans un premier temps vers Tabarka, Tozeur, Monastir ou Djerba.
… l’Algérie
Ces considérations mises en exergue, l’Algérie devrait être le troisième pays du Maghreb à rejoindre l’open sky européen. Le marché est considérable. « Si on ajoute aux passagers vers l’Algérie ceux qui vont au Maroc et en Tunisie, on arrive à 12 millions, presque le double des passagers volant vers les États-Unis », note Jean-François Dominiak. Un changement qui semble attendu sans nervosité excessive. Ainsi, Mohamed-Salim Zioueche, directeur technique d’Air Algérie, a pu récemment confier au magazine Air & Cosmos son sentiment sur l’open sky : « Il n’y a pas encore de date, mais nous nous y préparons. En tout cas, nous ne le craignons pas. Nous avons confiance en nous et en notre capacité à y faire face, car nous sommes désormais une compagnie compétitive. Par ailleurs, nous pensons que l’Algérie sera moins attractive pour les low cost, notamment en raison de la faiblesse du marché touristique. » Un point de vue intéressant au moment où l’Algérie s’apprête à sauter le pas vers l’open sky.
Avec africatourisme