L’ambition des pays membres du G5 Sahel de lancer une nouvelle compagnie aérienne régionale a été réactivée à l’issue du dernier sommet des chefs d’Etat de l’organisation qui vient de se tenir à Bamako au Mali. Baptisée « Air Sahel », les arguments justifiant la création de cette compagnie destinée à promouvoir l’intégration régionale, sont valables. Toutefois, la viabilité économique de la compagnie reste sujette à caution au vu de la situation sur le marché régional.
On croyait un temps le projet enterré, puisqu’officiellement, le lancement par les 5 pays membres du G5 Sahel de la compagnie aérienne régionale, « Air Sahel », devait intervenir au courant de ce mois de février. C’est en tout cas ce qui était prévu dans la feuille de route validée par les ministres des transports des pays initiateurs du projet, lors de leur réunion tenue à Ouagadougou en avril dernier. Depuis, un comité de pilotage a certes été mis en place pour la mise en œuvre de la feuille de route et des rencontres ont été tenues notamment pour solliciter des partenaires financiers et techniques avant que le projet ne perde un peu en visibilité.
Il a fallut la tenue, lundi dernier à Bamako, du 3e Sommet des chefs d’Etat du G5 pour que le projet de lancement de la nouvelle compagnie revienne au devant de l’actualité. Les cinq présidents du G5 ont en effet adopté, comme autre résolution principale et en plus de la création d’une force mixte de lutte contre le terrorisme au Sahel, d’accélérer le processus de lancement de Air Sahel pour qu’il soit effectif d’ici fin 2017.
Intégration régionale
L’idée de la création d’une compagnie régionale pour l’espace aérien que couvre ces 5 pays du sahel a été lancée en novembre 2015 à l’issue du deuxième sommet de l’organisation qui s’est tenu à N’Djaména au Tchad. A travers cette initiative, les pays visent à promouvoir l’intégration régionale dans la sous-région dans le cadre des actions de développement envisagé pour faire face à la montée des risques terroristes au Sahel, objectif prioritaire qui a conduit à la création du G5 en 2014. Comme l’a expliqué à plusieurs occasions, Najim Elhadj Mohamed, le secrétaire permanent de l’organisation, « il n y a pas de sécurité sans développement ».
Sur le papier, le projet, qui fait également partie des objectifs de la Stratégie de développement du Sahel (SDS), a tout pour séduire. La desserte aérienne des principales villes sahéliennes relève d’un véritable parcours du combattant dans cette zone assez enclavée. Pour rallier une capitale à une autre, les voyageurs sont par exemple, obligés de recourir à de longs voyages sur d’autres compagnies avec des escales prolongées, comme Casablanca ou même Paris. Il y a donc également de la marge pour un opérateur sur les lignes visées par le projet et afin d’accompagner sa mise en œuvre et la viabilité de la compagnie, les chefs d’Etat du G5 ont d’ailleurs évoqué à Bamako, l’idée de suppression de visa pour leurs ressortissants.
Zones de turbulences avant l’entrée en piste
Le lancement de la nouvelle compagnie aérienne dans le ciel sahélien risque cependant de butter sur d’énormes difficultés. Si des partenaires financiers comme la Banque arabe pour le développement économique (BADEA), ont déjà donné leurs accords de principe pour accompagner la mise en œuvre du projet, la suite du processus risque de s’avérer plus compliquée. La mobilisation du secteur privé pour entrer dans le capital de la compagnie n’est pas garantie surtout au regard de la situation très critique que vivent certaines compagnies aériennes nationales. C’est d’ailleurs sur cet aspect que tout va se jouer, la viabilité de l’entreprise risque de se confronter aux mêmes problèmes qui ont eu raison de plusieurs autres opérateurs lancés par plusieurs pays de la sous-région. Qu’ils s’agissent de Toumai Air Tchad, Air Mauritanie, Air Mali ou Air Burkina, les expériences avortées ne manquent pas pour rappeler la difficulté du projet. A moins que le plan de vol de la nouvelle compagnie ne soit véritablement étoffé, en tirant notamment les leçons du passé, Air Sahel risque de se confronter aux mêmes difficultés auxquelles fait face le ciel africain. Il est vrai que ces derniers temps, plusieurs experts plaident pour un regroupement des petites compagnies à capitaux publics pour l’émergence de véritables champions régionaux, capables de faire face à la concurrence des grandes compagnies qui dominent le marché africain. Des mesures d’accompagnement seront donc nécessaires pour les premiers vols de « Air Sahel » et le cas des pays membres du G5 qui disposent de leurs propres compagnies nationales devrait être revu pour mieux positionner le nouvel entrant communautaire.
C’est ainsi que la compagnie, encore sur papier, pourra prendre son envol et se consacrer à tenir tête à d’autres projets régionaux qui ont déjà vu le jour pour des objectifs d’intégration assez similaires mais qui peinent encore à décoller véritablement.