Adama Kamara : Ministre de l’Emploi et de la Protection Sociale
Dans les cercles du pouvoir ivoirien, rares sont les profils aussi complets, aussi denses, aussi silencieusement influents qu’Adama Kamara. Juriste rigoureux, homme d’affaires discret, stratège politique de l’ombre, il est aujourd’hui ministre de l’Emploi et de la Protection sociale, poste qu’il occupe depuis avril 2021. Mais réduire ce natif d’Abidjan, né le 17 décembre 1964, à une simple fonction serait passer à côté de l’essentiel : Adama Kamara est un bâtisseur de systèmes, un architecte de compromis, un homme de dossiers qui parle le langage du droit, des chiffres et des réformes.
Son parcours débute dans les amphithéâtres de l’université d’Abidjan, devenue Université Félix-Houphouët-Boigny. De 1988 à 1991, il y aligne diplômes après diplômes : DEUG, licence, maîtrise en droit des affaires, avant de décrocher le précieux Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA). L’aventure juridique commence véritablement en 1992, dans l’antre du cabinet de Julien Mondon Konan, alors bâtonnier de l’ordre. Deux ans plus tard, Adama Kamara cofonde sa propre firme : SCPA Takore-Blay-Sakho-Kamara & Associés. Le ton est donné. L’homme ne compte pas suivre, il entend tracer sa route.
Avocat d’affaires redouté, il devient au fil des années la plume et la voix de l’État dans les négociations les plus sensibles. Restructuration de la dette intérieure, réformes dans l’assurance santé, le transport, l’énergie, rédaction de contrats pétroliers ou de conventions stratégiques… Kamara est partout, sans jamais se mettre en avant. Il sera surnommé par Africa Intelligence « l’avocat des pétroliers » pour avoir été au cœur des contrats cadres de vente de produits pétroliers et des CPP (contrats de partage de production). C’est aussi lui que l’on retrouve en coulisses lors de la délicate délimitation de la frontière maritime avec le Ghana. Il ne plaide pas seulement pour des causes, mais pour l’avenir économique du pays.
Dans l’arrière-boutique du pouvoir, Kamara devient l’un des hommes de confiance d’Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre disparu en 2020. Dès 2017, il suspend ses activités d’avocat pour rejoindre son cabinet comme conseiller spécial. À ce poste, il devient une sorte de chef d’orchestre des politiques publiques, pilotant des groupes de travail dans une impressionnante variété de secteurs : mines, pétrole, finances, santé, justice, environnement… Une polyvalence rare, une maîtrise redoutable.
Mais Adama Kamara est aussi un animal politique. Dès les années 2000, il est aux côtés d’Alassane Ouattara. Il fait partie du collectif d’avocats chargé de la défense du RDR, en pleine tourmente judiciaire. Il en devient l’un des piliers : conseiller spécial du président du parti, secrétaire national aux affaires juridiques, membre influent du bureau politique. C’est lui qui dépose les deux candidatures de Ouattara à la présidentielle, en 2000 et 2010. Il sera aussi l’un des cerveaux de sa campagne de 2015. Lorsque le Président choisit Amadou Gon Coulibaly comme dauphin pour 2020, Kamara est naturellement dans l’équipe chargée de préparer le terrain. La suite, on la connaît : la mort brutale de Gon Coulibaly rebattrait les cartes, mais pas la loyauté d’Adama Kamara.
Le 6 mars 2021, il remporte son premier mandat électif comme député d’Odienné, sa terre d’ancrage. Quelques semaines plus tard, il entre officiellement au gouvernement comme ministre de l’Emploi et de la Protection sociale. À ce poste, il tente de réconcilier croissance économique et justice sociale, emploi et protection des plus vulnérables. Plus qu’un simple ministère, un défi national.
Mais l’homme ne se limite pas aux arcanes du pouvoir. À Odienné, il est aussi le mécène de l’improbable : un orchestre philharmonique pour enfants, symbole d’un engagement humaniste discret mais profond. Officier de l’ordre national, Adama Kamara incarne une figure rare : celle d’un technicien devenu stratège, d’un juriste devenu bâtisseur d’État. Avec lui, la Côte d’Ivoire tient peut-être l’un de ses grands silencieux, de ceux qui préfèrent transformer plutôt que parler.