Au milieu de la végétation luxuriante de Joao Carlos Silva, petite île du Golfe de Guinée, le chef Joao Carlos Silva mise sur les produits naturels pour mettre en valeur l’extraordinaire biodiversité de l’archipel qu’il veut contribuer à faire connaître.
« Pâte de mangue avec yogourt de Grèce et un petit gâteau de manioc avec du fromage! », lance tout sourire cette célébrité de la télévision portugaise, en présentant l’une des six entrées de son restaurant gastronomique.
Sur cette île plantée en plein océan, la cuisine de Joao Carlos Silva est un mélange de saveurs locales et d’ingrédients venus d’ailleurs.
Sur les « îles chocolat », l’autre nom de l’archipel fameux dans le monde pour la qualité de son cacao, le repas gastronomique ne peut débuter sans un hommage à cette spécialité.
Pour apprécier les saveurs de ce « spa de la langue », le visiteur est invité à mettre en bouche une graine cacao entourée de sa pulpe, un morceau de chocolat, un grain de poivre, une touche de gingembre… puis savoure un vin rouge.
Fils de cuisinier santoméen, Joao Carlos Silva a ouvert il y a plus de vingt ans un hôtel-restaurant dans la plus grande des deux îles de l’archipel de moins de 200.000 habitants et de 1.000 km2, situé au large du Gabon.
Depuis sa large terrasse, le restaurant tout en bois, où pend nonchalamment un hamac, surplombe une nature équatoriale et montagneuse et offre une vue enchanteresse sur l’océan Atlantique.
-‘Art éphémère’-
Le chef s’est rendu célèbre à partir des années 2000 avec des émissions diffusées à la télévision portugaise,comme « Les îles au milieu du monde », où il jouait le cuisinier-baroudeur aux quatre coins du globe.
« Il y a toujours de la nouveauté chez lui », affirme Lucio Primo Monteiro, un guide santoméen et vieil habitué du restaurant.
Le nombre de clients a augmenté au fil des ans et, selon le chef aux airs de faux pirate avec son bandana rouge, le restaurant accueille aujourd’hui 30 à 40 personnes par jour.
La « Roça Sao Joao » est une ancienne plantation coloniale au charme fou qu’il a transformé en « lieu de culture » – pied de nez à l’histoire douloureuse de l’esclavagisme à Sao Tome et Principe.
Le chef, qui considère la cuisine comme « un art éphémère », y expose certaines de ses sculptures et peintures.
Il a aussi décidé de transmettre sa passion à une poignée d’apprentis.
Tous sont issus de l’ethnie des « Angolares », la plus défavorisée de l’île où deux-tiers des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
Il dit vouloir montrer à la jeunesse que « c’est possible de vivre à Sao Tome, possible de faire de Sao Tome un pays du futur ».
« On vit dans un pays avec une biodiversité intéressante et où l’on peut faire des cultures sans produits chimiques, et avec des techniques traditionnelles », argumente-t-il.
-‘Bio de longue date’ –
Le chef cultive la plupart de ses produits dans le jardin de sa « roça », où gambadent poules grasses et canards. Il raconte avoir toujours utilisé des produits cultivés sans pesticides et surfe aujourd’hui sur la tendance mondiale du bio et de l’écotourisme.
« C’est très important qu’il prenne des produits naturels. Cela permet aussi de valoriser nos produits », estime le guide Lucio Primo Monteiro, rappelant que Sao Tome et Principe abrite environ 600 espèces de plantes endémiques recensées.
Les habitants de l’archipel sont d’ailleurs sensibles à la protection de leur patrimoine naturel. Il y a huit mois, une ONG portugaise implantée à Sao Tome s’était alarmée de l’arrivée sur l’île d’un maïs importé de Chine et suspecté d’être transgénique (OGM). C’était finalement une variété hybride.
Sao Tome et Principe, qui dépend à 90% de l’aide internationale, essaye de devenir plus autonome, misant notamment sur le secteur touristique qui représente désormais un quart de son PIB, selon les chiffres officiels.
Pour Joao Carlos Silva, le tourisme est le « meilleur instrument pour transformer Sao Tome et Principe » et « pas le pétrole offshore », dont l’exploitation est embryonnaire mais pourrait se développer.
En 2015, le pays a présenté un plan de développement pour attirer les investisseurs étrangers et vient de renouer des relations politico-économiques avec la Chine.
Lui prône un tourisme « intelligent », « culturel », « écologique », mais surtout pas « un tourisme de masse ».
En 2018, sa participation à une nouvelle série de reportages culinaires à la télévision portugaise va lui permettre de défendre cette vision en faisant découvrir les richesses naturelles de son île.