La Maison internationale des écrivains à Beyrouth* organise la troisième rencontre littéraire autour de la problématique du monde contemporain et en particulier, cette année, des migrations, des conflits et des identités.
Lire est un plaisir silencieux, né de la solitude et de la concentration. Il produit rêves et réflexions. Pour les Grecs, selon la formule de Thucydide, tenir un livre entre ses mains, c’est tenir un trésor pour toujours. «Écrire, disait Jules Renard, est une façon de parler sans être interrompu.» Débattre aujourd’hui de ce qui déchire les populations, les sépare, les désunit, divise et ostracise, voilà ce que cette troisième rencontre tente de faire autour de neuf écrivains qui abordent à travers leurs œuvres la problématique de la marginalité dans les sociétés arabes, des sociétés métissées et de l’émigration, des villes et des sociétés en mutation. Ils viennent du Canada, de Grande-Bretagne, de France, de Turquie, de Suisse, d’Égypte et du Liban. Leur écriture couvre une géographie qui va de la Chine et du Cambodge à l’Amérique du Nord et la Jamaïque, en passant par l’Afrique, l’Égypte et la Turquie. Ils débattront entre eux et avec le public. Des comédiens tels Carol Abboud et Mohammad Fayad liront des textes. Par ailleurs, en partenariat avec le Arab Center for Architecture (ACA), un cycle de conférences réunissant urbanistes et écrivains discutera du problème des villes et des cités en mutations et, pour la deuxième année consécutive, la Maison met à la disposition d’un écrivain, François Beaune, une résidence pour la durée d’un mois. François Beaune, qui dirige l’association Histoires vraies de la Méditerranée, publiera, suite à sa résidence, un recueil d’histoires glanées à Beyrouth.
La mission
«La Maison internationale des écrivains à Beyrouth a pour objectif de promouvoir la culture», note son fondateur Chérif Majdalani, qui précise: «Elle réunit chaque année des écrivains venus du monde entier, autour d’une thématique spécifique. Elle met en place une plateforme où se croisent les écrivains libanais et étrangers, un lieu d’échanges et de partages afin de mieux exporter la littérature libanaise et d’importer la littérature étrangère. Cette Maison s’inscrit au cœur d’un réseau de Maisons internationales du même genre et permet d’établir des relations avec le monde entier. »
Les intervenants
Née à Beyrouth, diplômée en théâtre, Najwa Barakat s’installe à Paris en 1985 où elle étudie le cinéma. Elle travaille dans la presse écrite, télévisuelle et radiophonique (RFI, BBC, Al-Jazeera, Al-Araby, La Croix, etc.) et publie six romans traduits dans plusieurs langues dont Le bus des gens bien (Stock) qui a obtenu le «prix de la meilleure création de l’année », Ya Salam, et La langue du secret (Actes Sud) sélectionné pour le Prix Fémina Etranger 2015. Outre les romans, elle écrit des scénarii, traduit les Carnets I II III de Camus, puis fond en 2009, Mohtaraf, un atelier d’écriture qui a à son actif, jusque ce jour, 23 romans qui ont révélé plusieurs jeunes talents désormais reconnus dans le monde arabe. Depuis 2011, Najwa Barakat vit entre Beyrouth et Paris.
Hyam Yared, née en 1975 à Beyrouth, est diplômée en sociologie. Poète et nouvelliste, elle publie trois recueils de poésie et, en 2006, publie son premier roman, L’armoire des ombres. Son œuvre romanesque est distinguée par plusieurs prix, dont le prix Phénix et le prix Richelieu.
Max Lobe est né au Cameroun en 1986 dans une famille de sept enfants. Il part pour la Suisse où il suivra des études de communication et journalisme pour ensuite décrocher un master en politique et administration publique. En 2011, il publie L’enfant du miracle et, en 2013, 39 rue des Bernes. Il a été lauréat du prix de la Sorge en 2009.
Kerry Young, née en Jamaïque de parents chinois, est partie à l’âge de 10 ans pour le Royaume-Uni où elle décroche un master en « organisation development » (développement des organisations) et « creative writing ».
Arno Bertina, né en 1975 en France, est l’auteur de plusieurs romans, Le dehors ou la migration des truites, Appogio, Je suis une aventure, et de plusieurs titres sous le pseudonyme de Pietro di Vaglio. Il écrit en outre dans de nombreuses revues littéraires et est l’auteur de fictions radiophoniques pour France Culture.
Madeleine Thien, née en 1974 à Vancouver, au Canada, a étudié la danse contemporaine et la littérature. Elle est finaliste du Writers Trust of Canada et reçoit en 2011 le prix du Canadian Authors Association. Nouvelliste de grande renommée, elle est l’auteur de The Wedding Cake qui obtient le prix le plus prestigieux du monde, le Short Story Award.
Hakan Gunday, né à Rhodes en 1976, vit à Istanbul. Francophone pour avoir suivi son père diplomate, il se passionne pour Voyage au bout de la nuit de Céline qui a beaucoup influencé son écriture et son regard sur le monde. Il est l’auteur de huit romans, a reçu en 2011 le prix du meilleur roman de l’année en Turquie et, en 2015, le prix Médicis étranger pour Encore.
Mohammad al-Fakharany, né en 1975 dans un petit village du Delta du Nil, se fait d’abord connaître comme nouvelliste. Il reçoit en 2012 le prix Youssef Idriss de la nouvelle. Mais c’est surtout avec Fasil lid-dahsha qu’il s’impose comme l’une des voix les plus audacieuses de sa génération.
C’est à Charif Majdalani, initiateur du projet qui a vu le jour en 2012, que Beyrouth doit donc sa Maison. Cette ville de métissages et de conflits reste un parangon de résistance. Cette résistance culturelle aujourd’hui compte parmi les combats les plus honorables et les plus gratifiants. Beyrouth, l’un des derniers phares intellectuels de la région, continuera d’éclairer les cieux encombrés tant qu’il aura ces vaillants chevaliers.
avec lorientlejour