Coupes budgétaires. Plusieurs grands réseaux d’éducation populaire viennent d’alerter sur les conséquences de la suppression massive des contrats aidés dans les petites structures de la capitale. Les centres sociaux et d’animation sont en première ligne.
Le plus grand plan social en cours en France se poursuit sans faire de bruit. Depuis l’annonce cet été de la diminution drastique du nombre des contrats aidés, 140 000 de ces emplois sont en voie de disparition jusqu’à la fin de cette année ; 120 000 partiront en fumée en 2018. Et partout les mêmes répercussions. Un contrat supprimé par-ci par-là dans les associations employeuses, qui a pour effet de déchirer le tissu associatif et dénouer le lien social.
« Sur nos 89 centres, 14 sont touchés »
Aucune commune n’est épargnée. Même pas Paris, pourtant parmi les plus richement dotées. C’est le constat qu’ont tiré les organisations locales de la Ligue de l’enseignement, de la Fédération des centres sociaux et socioculturels et de la Fédération des acteurs de la solidarité en Île-de-France. Dans un appel récemment publié, ces réseaux soutenus par le Mouvement associatif et le Collectif des associations citoyennes tirent le signal d’alarme quant à l’avenir des personnes jetées hors de ce dispositif sans accompagnement, dont le renvoi fragilise un peu plus les organisations, les services que celles-ci proposent et les publics à qui elles sont destinées. Ces réseaux associatifs sont bien placés pour faire ce constat, puisqu’ils gèrent une bonne partie des centres sociaux de la capitale. « Sur nos 89 centres, 14 sont touchés, explique Nicolas Oberlin, délégué de la Fédération des centres sociaux de Paris. Une vingtaine de postes dans l’animation, l’accueil et l’entretien n’ont pas été reconduits. Pour 2018, 7 autres postes vont disparaître. Mais la suppression des contrats aidés touche surtout les petites associations qui proposent des activités et animations dans nos centres. C’est ici l’espace numérique qui s’arrête. Là une mission d’apprentissage du français qui se finit abruptement. Ailleurs un atelier poterie qui ferme. »
Les centres se retrouvent donc face à un arbitrage impossible. « Qui dit moins de moyens dit augmentation du prix de l’activité, ou suppression de cette activité. Mais dans nos centres sociaux, il est impensable de répercuter cette baisse de moyens dans le prix des activités, tant nos publics sont précaires. Ce que payent les gens est symbolique. Et nos autres financeurs – la Mairie de Paris ou la Caisse d’allocations familiales – ne peuvent pas prendre le relais de la diminution des moyens de l’État, puisqu’ils sont eux aussi sommés par l’État de faire des économies », reprend Nicolas Oberlin.
Les centres d’animation ne sont pas les seuls à pâtir du désengagement de l’État. La Ligue de l’enseignement le note au quotidien. Son délégué général de la fédération parisienne, Stéphane Alexandre, prend l’exemple des crèches associatives. « Elles vont forcément devoir répercuter la suppression de contrats aidés. Soit en diminuant l’amplitude de leurs heures d’ouverture, ce qui exclut des familles dont les parents travaillent très tôt ou très tard. Soit en augmentant les frais de garde, ce qui exclut les familles moins aisées. Les associations sont des opératrices de services publics qui leur sont délégués sous une forme ou une autre. C’est donc le service public que l’on met en danger. »
Adjointe à la maire de Paris en charge de la vie associative, Pauline Véron tient elle aussi les mauvais comptes : 14 salariés en moins dans la ressourcerie la Petite Rockette ; 17 à l’Afev, qui fait du soutien scolaire… En tout, 7 000 contrats aidés sont condamnés à disparaître dans la capitale dans les deux ans, le temps qu’ils arrivent à échéance. Pour l’heure, le gouvernement n’a pas voulu prendre la mesure du désastre économique et social, rejetant tous les amendements correctifs à son projet de loi de finances 2018. Reste la mission Borello, chargée de « mobiliser les acteurs de l’insertion autour de solutions innovantes ». Nicolas Oberlin n’est guère optimiste. « La vision de Macron est à la concentration des organisations et à la mutualisation des moyens. C’est une tendance à l’œuvre partout en Europe qui vise au rétrécissement du monde associatif et à l’amoindrissement de la capacité des citoyens à se saisir de cette forme d’engagement. En ce sens, la suppression des emplois aidés, qui permet à des gens éloignés de l’emploi de reprendre pied en s’engageant dans une association, est une attaque contre la démocratie citoyenne. »