Trois ministres limogés, une ex-secrétaire d’État et quatre ex-ministres privés de toute future fonction officielle. Ils font tous les frais du hirak, ces manifestations qui secouent depuis un an Al Hoceïma sur la côte méditerranéenne.
Sa décision est encore dans tous les esprits et sur toutes les lèvres, et cela devrait être le cas pour très longtemps tant elle en a surpris plus d’un. Le roi du Maroc, Mohammed VI, a limogé mardi 24 octobre quatre ministres, dont le très puissant et influent ministre de l’Éducation Mohamed Hassad, qui était à l’époque de la signature de la convention de ce programme en octobre 2015 ministre de l’Intérieur. De plus, cinq anciens ministres sont tombés en disgrâce et exclus de toute responsabilité officielle, un directeur d’établissement public a été remercié et le cas de 14 responsables administratifs est en cours de traitement.
Ce que dit le rapport de la Cour des comptes
Tous font les frais de leur mauvaise gestion de la ville d’Al Hoceïma, cœur d’un mouvement de contestation depuis un an. Cette prise de décision intervient après la présentation d’un rapport de la Cour des comptes commandé par le roi sur l’avancement du programme de développement de cette ville du Rif lancé en 2015 avec une enveloppe de 600 millions d’euros. Ce rapport de près de 600 pages pointe du doigt de nombreux « dysfonctionnements » dans la mise en œuvre des projets phares du programme. Le roi a agi conformément aux « prérogatives constitutionnelles » du roi en tant que « garant des droits des citoyens et protecteur de leurs intérêts », et selon le principe de la « corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes », a indiqué le cabinet royal dans un communiqué.
Les habitants de cette ville du Rif, enclavée, longtemps délaissée, dénoncent le manque d’infrastructures. Après plusieurs mois de mobilisation, la police marocaine a finalement arrêté 200 à 300 manifestants en mai et juin derniers. Leur leader, Nasser Zefzafi, comparaissait mardi 24 octobre avec 31 autres prévenus à Casablanca. L’audience est renvoyée au 31 octobre.
Au fil des mois, la contestation menée par un petit groupe de militants locaux autour de Zefzafi a pris une tournure plus sociale et politique, pour exiger le développement du Rif – marginalisé selon eux – dans un discours identitaire teinté de conservatisme et de références islamiques. En réponse, l’État avait relancé ces derniers mois plusieurs projets de développement pour Al Hoceïma. Mohammed VI avait pour sa part évoqué la nécessité d’améliorer la gestion publique dans ses deux derniers grands discours, en juillet et en octobre.
Séisme politique
La presse locale évoque un « séisme marocain », en référence à un récent discours du souverain qui appelait à une meilleure gouvernance. Les décisions royales « constituent ainsi le premier signal d’une époque nouvelle faite de sérieux, de responsabilité et du respect du sens du devoir et où la reddition de comptes est la règle », commente pour sa part le quotidien L’Opinion.
Pour L’Économiste, « la secousse est importante » et « le pays en avait besoin ». Al Ittihad Al Ichtiraki va dans le même sens et estime que les décisions prises par le souverain sont « une première dans la vie politique nationale », car s’inscrivant dans le cadre de la corrélation entre responsabilité et reddition de comptes. « Ils sont à la hauteur du moment » et « appuient les chantiers de la réforme » et « renforcent l’orientation nationale vers la construction d’un État de droit ».
À Al Hoceïma, la libération des 200 à 300 manifestants incarcérés, en attente de leur procès, reste la principale revendication de ce qui reste du mouvement.