Encore rares au sein des états-majors, les dirigeantes s’impliquent pour permettre à davantage de femmes d’atteindre les plus hautes fonctions.
La soif d’égalité et de reconnaissance chevillée au corps, ces femmes ont toutes une ambition commune : participer au développement du continent. De Binta Touré, directrice générale d’Oragroup, à Rosemary Yeboah, directrice exécutive d’Ecobank Ghana, en passant par Ibukun Awosika, directrice de First Bank of Nigeria, et Janine Diagou, PDG de l’assureur NSIA, de nombreuses dirigeantes africaines ont pris part en mars à Genève aux débats du dernier Africa CEO Forum.
L’occasion pour Tania Holt, associée chez McKinsey à Johannesburg, auteure en 2016 du rapport « Women Matter Africa » (« les femmes comptent en Afrique »), de rappeler que, « bien que 40 % des postes de middle management soient occupés par des femmes sur le continent, elles ne représentent que 5 % des CEO ».
« Beaucoup travaillent à chaque échelon, mais peu auront la possibilité d’atteindre le niveau stratégique », poursuit Madeleine Berre, ministre gabonaise du Commerce, qui, après avoir accompli ses études au Gabon et en France, a passé dix ans chez PwC avant de devenir directrice juridique de Deloitte, à Libreville.
Et d’évoquer les innombrables obstacles qui bloquent, trop souvent encore, l’évolution de leur carrière et leur accès à des postes de premier plan.
À commencer par les préjugés tenaces sur leurs compétences. « Lorsque j’allais voir la clientèle, on me demandait souvent si j’étais bien la directrice générale de la filiale. Cela n’était pas naturel qu’une femme conduise une délégation », poursuit la ministre.
Beaucoup de préjugés
Une fois en fonction, les femmes peinent ensuite à concilier pleinement réussite professionnelle et épanouissement dans la sphère privée.
« Mon employeur estimait que, du fait de ma maternité, je n’étais pas en mesure de suivre nombre de dossiers. On m’a enlevé le suivi de certains secteurs : j’ai été discriminée », témoigne ainsi Madeleine Berre. L’ancienne patronne des patrons gabonais estime avoir perdu trois ans de carrière en raison de ses maternités.
C’est avant tout, pour Rosemary Yeboah, une affaire d’éducation « qui cantonne les filles à un rôle secondaire et ne les incite que trop peu à prendre la parole en public ».
Mais le principal aspect se dégageant de ces échanges, c’est que les dirigeantes africaines savent prendre leur destin en main et montrer que la situation n’a rien d’insurmontable.
Si, la plupart du temps, elles se cooptent pour intégrer des conseils d’administration, « elles ont aussi su créer des outils, comme le Boardroom Africa, lancé par la Sud-Africaine Marcia Ashong, qui doit constituer une base de données de femmes très qualifiées, ou le Women’s Investment Club Sénégal, dont l’objectif est de devenir un capital-risqueur consacré aux projets portés par la gent féminine », souligne Oulimata Sarr, conseillère régionale d’ONU Femmes pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Des initiatives que ces dirigeantes comptent développer dans les prochains mois. « Ces femmes avec de hautes responsabilités représentent toutes les femmes, car leurs décisions affectent le continent entier », estime Oulimata Sarr.
Un équilibre vie personnelle et vie professionnelle pour les femmes
Ayant noué des liens étroits durant la session, elles ont émis plusieurs recommandations en vue d’améliorer l’accès des femmes aux postes de décision, prônant la systématisation des mentors, la promotion de la flexibilité des horaires pour « établir un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle », et la mise en place de mesures promouvant la mixité dans les conseils d’administration, comme cela a déjà été fait au Rwanda.
Mais, selon Jennifer Blanke, vice-présidente de la BAD pour l’agriculture et le développement humain et social, « il ne s’agit pas seulement de gravir les échelons mais de savoir quoi faire une fois arrivée au sommet », et donc de construire une autre manière de manager. « Un leadership engagé », juge Oulimata Sarr.
Avec jeuneafrique