Assise à l’ombre du dispensaire du village, Mwanahawa Akida Ali passe légèrement les doigts sur une courbe de cicatrices sur son bras droit tout en calculant le nombre de gerbes de tiges de manioc qu’elle compte vendre la saison prochaine. Mme Ali se remet d’un accident de moto et a hâte de reprendre ses activités agricoles.
En décembre, elle cultivera trois hectares de manioc à Masimba, dans la région de Tanga, en Tanzanie, située à environ 300 kilomètres en amont de Dar es Salaam.
Mme Ali cultive une variété de manioc résistante aux maladies, appelée Kibora. Les producteurs et les productrices de la région affirment qu’elle a de meilleurs rendements et est moins vulnérable aux maladies telles que la maladie de la mosaïque du manioc et la striure brune du manioc.
En qualité que multiplicatrice certifiée, Mme Ali cultive non seulement assez de manioc pour la consommation de sa famille, mais elle gagne également de l’argent en vendant des matériaux de plantation prisés. Elle explique : « J’aime faire la multiplication, car les boutures sont plus faciles à vendre, ce qui n’est pas le cas pour le manioc vendu sous forme d’aliment. Les gens achètent du manioc seulement s’ils n’ont pas à manger, mais ils achètent les boutures chaque saison de plantation. »
La saison dernière, Mme Ali a vendu 300 gerbes de boutures de Kiroba comme matériaux de plantation. Sa récolte de racines de manioc a été suffisamment abondante pour nourrir ses cinq enfants et lui permettre de vendre 70 sacs de 50 kilogrammes à 20 000 shillings tanzaniens (8.80 $US) le sac. Toutefois, elle préfère vendre les tiges parce que celles-ci lui rapportent le double de ce montant.
Les agent(e)s de vulgarisation agricole encouragent les agriculteurs et les agricultrices comme Mme Ali à produire et vendre des variétés de manioc à haut rendement et résistantes aux ravageurs. Les paysans et les paysannes sont de plus en plus disposés à tester de nouvelles variétés, ce qui a pour conséquence que la demande pour les matériaux de plantation dépasse souvent l’offre. Mais avant d’envoyer les tiges aux agriculteurs et aux agricultrices de toute la Tanzanie, les multiplicateurs doivent s’assurer que celles-ci sont saines et exemptes de maladie.
Voilà pourquoi certains cultivateurs et cultivatrices locaux sont formés pour être des surveillant(e)s. Le travail des surveillant(e)s consiste à inspecter régulièrement les champs de manioc et aider les multiplicateurs et les multiplicatrices à repérer et détruire les plants malades.
Charles Fredi Shaffi est un surveillant qui possède une terre agricole de 24 hectares à Bombani, un village de la région de Tanga, en Tanzanie.
Monsieur Shaffi déclare : « Il y a une grande différence. Avant, on cultivait sans tenir compte des insectes et des maladies. Grâce à la formation, je suis désormais capable de savoir ce qui attaque le manioc. »
Il inspecte les feuilles pour voir si elles portent des taches, si elles sont cornées et si elles présentent les signes d’une maladie virale surnommée localement vifungata. Cette maladie est très contagieuse. Lorsque les surveillant(e)s perçoivent les signes de la maladie, l’agriculteur ou l’agricultrice doit couvrir la plante pour la déraciner par la suite et la brûler afin d’éviter une contamination.
Subira Mbago est agent de vulgarisation agricole dans le district dont font partie Masimba et Bombani. Il voit les maladies du manioc détruire les cultures et exposer les villageois et les villageoises à la malnutrition. Actuellement, il aide les agriculteurs et les agricultrices locaux à devenir des multiplicateurs de semences, afin qu’ils puissent gagner un revenu et mettre des variétés à plus haut rendement à la disposition d’un plus grand nombre de paysans et paysannes. Cependant, il souligne que cette solution sera efficace seulement si les surveillant(e)s sont vigilants.
Monsieur Mbago explique : « Si la surveillance est mal faite, cette variété améliorée peut causer de pires dégâts [que les variétés locales], car les gens viennent de différents endroits pour acheter des matériaux de plantation. Si ces matériaux sont atteints de certaines maladies, cela signifie que la maladie se propagera à grande échelle. »
L’agent de vulgarisation ajoute que, dès que les agriculteurs et les agricultrices adoptent les nouvelles variétés, ils cessent de conserver leurs propres matériaux de plantation et achètent plutôt des boutures au début de chaque saison.
Selon lui, cela rend les cultivateurs et les cultivatrices dépendants, et il ajoute : « Beaucoup de personnes ont confiance en cette variété améliorée. Et lorsqu’elles ont confiance en celle-ci, elles y ont recours. Une fois qu’elles l’utilisent, si un problème survient, celui-ci se propage. »
De retour au dispensaire de Masimba, Mme Ali montre la partie de son bras qui est guérie après avoir été fracturée à deux endroits quand elle est tombée d’une moto taxi. Il a fallu plusieurs mois pour qu’elle se rétablisse, et elle a toujours des factures médicales à payer. Mais, elle est certaine de pouvoir rembourser ces dettes grâce au revenu que le rapportera la vente des tiges de manioc.
Elle se rappelle : « Lorsque j’ai commencé, les gens se moquaient de moi. Je passais beaucoup de temps sur mon exploitation, et ils me regardaient, pensant que je perdais mon temps. Quand j’ai réussi, ils étaient étonnés. »
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