Le président de la National Oil Corporation (NOC), Mustafa Sanalla, est l’une figure clé du pays. Pour Jeune Afrique, il revient sur les enjeux de la sécurisation de la production pétrolière et en appelle à toutes les parties pour mettre un terme aux blocages et attaques qui ont coûté 180 milliards de dollars au pays depuis le début de la crise.
C’est un technocrate placé sous l’autorité du Conseil présidentiel et du gouvernement d’union nationale de Fayez al-Sarraj. Mais le président de la National Oil Corporation (NOC) a en fait plus de pouvoir qu’un haut fonctionnaire classique. Il est l’uns des principales figures de la transition en cours dans le pays. En temps de guerre, il est une des rares personnalités libyennes à échanger avec les différentes parties. Principal pourvoyeur du Trésor national libyen, il apparaît aussi comme un potentiel acteur du processus de paix.
eune Afrique : Aujour’d’hui, qui a la main pour négocier les concessions avec les compagnies étrangères ?
Mustafa Sanalla : La NOC a été créée et est encadrée par la loi pour soutenir l’économie libyenne, accroître, développer et exploiter les réserves pétrolières. Elle opère et investit dans ces réserves pour assurer des rendements optimaux et est le dépositaire légal des contrats et le partenaire des compagnies qui opèrent en Libye.
Aujourd’hui, la NOC peut-elle honorer tous ses contrats et assurer l’exportation ?
Actuellement, nous n’avons plus de problèmes majeurs, sur aucune installation et tous les terminaux sont ouverts.
Notre arme la plus efficace est de gagner le soutien des communautés
Comment assurer la sécurité de l’exploitation alors que le pays connaît de fortes violences ?
La sécurité reste une préoccupation importante. Notre arme la plus efficace contre les attaques et la criminalité est de gagner le soutien des communautés elles-mêmes. Les criminels frappent le pays dans son ensemble avec leurs actions égoïstes et le people libyen est fatigue des difficultés qu’ils causent.
Dans une tribune publiée par le New York Times en juin, vous déploriez la volonté des autorités de Tripoli de s’arroger par décret des prérogatives qui vous reviennent. Comment cela a été pris en Libye ?
J’espère humblement qu’il a suggéré quelques « conseils utiles » ; des pistes pour la paix. Mes opinions ne se fondent que sur la mission dévolue à la NOC, gérer les richesses naturelles de la Libye. Les travailleurs et les communautés auxquelles j’ai parlé à travers la Libye soutiennent souvent notre action. Ils voient bien que la Libye risque gros si nous n’arrivons pas à protéger notre avenir.
Le pétrole et le gaz peuvent devenir des catalyseurs pour la paix en Libye
Êtes vous une partie du processus de paix ?
En créant de la stabilité économique, le pétrole et le gaz peuvent devenir des catalyseurs pour la paix en Libye. Du coup, chacune de nos conversations avec nos partenaires dans la production peut avoir un effet très positif sur la paix et l’unité de notre pays.
La NOC ne peut pas et ne doit pas interférer directement dans le processus politique, car elle n’est pas un organe politique. Malgré tout, nous croyons fermement que le pétrole doit faire partie de tout plan de paix durable, en tant que moteur économique du pays. Les ressources naturelles de la Libye doivent être protégées du « factionnalisme » politique tant que le pays est en transition.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de force de sécurité unie protégeant l’atout économique le plus important de la nation – et il faut y remédier dès que possible.
La NOC est-elle un laboratoire pour une Libye réunifiée ?
La NOC est gérée comme un centre d’excellence technocratique, et adopte une gestion transparente des ressources du pays. Nous restons le premier employeur de la Libye et nous comptons des employés de chaque tribu et minorité.
La NOC apparaît aujourd’hui comme un socle solide alors que le pays subit une période de reconstruction institutionnelle. La NOC n’est pas le gouvernement. Mais si nous continuons à échapper au contrôle politique ou milicien, nous pourrons continuer à soutenir la reconstruction de notre pays.
Qui protège les champs de pétrole ? La NOC est-elle impliquée dans cette protection?
Depuis la révolution, la Libye a perdu environ 180 milliards de dollars en raison des pertes de production causées par les blocus et des dommages causés par les attaques des milices. À l’heure actuelle, il n’existe pas de force de sécurité unie protégeant l’atout économique le plus important de la nation – et il faut y remédier dès que possible.
La NOC est-elle aujourd’hui absolument réunie en une seule entité ?
Sur le plan opérationnel, il n’y a qu’une seule NOC. Et au plus haut niveau politiquement, comme à l’ONU et à l’OPEP, on ne reconnaît qu’une seule NOC.
La NOC est le premier employeur de Libye
Les relations entre la NOC et le gouvernement de Fayez al-Sarraj sont-elles bonnes?
La NOC a été l’une des premières institutions en Libye à soutenir le gouvernement d’entente nationale et le Conseil présidentiel du gouvernement, car la Libye doit rester unie.
Les difficultés dans la production se situent-elles du côté des sites d’extraction ou du côté des ports ?
La production de pétrole et de gaz est un flux constant entre la construction et la rénovation des biens, des actifs et des équipements. En raison des déficits budgétaires remarqués depuis la révolution, et en raison des dommages causés par les milices, nous avons beaucoup de travaux de rénovation à effectuer, en particulier sur les installations de stockage à Ras Lanouf et Sidra.
On a observé des mouvements de mécontentement dans le personnel de la NOC. Quelle est votre position là-dessus ?
La satisfaction du personnel, de la force de travail, est primordiale et elle est une condition sine qua none du succès de la NOC. Les conditions de travail sont déjà difficiles du fait des activités de certaines milices et de criminels. Nos ressources humaines sont très sollicitées, c’est un fait.
Mais nous devons nous méfier des voix qui prétendent parler à la place des travailleurs de la NOC alors qu’elles versent dans le chantage. La NOC est le premier employeur de Libye et nous sommes fiers de notre réputation d’excellence. Nous devons marier les besoins de l’institution à ceux de ses employés, ce sera la clef de notre succès. Un de nos buts est d’assurer une formation continue aux employés.
Un accord pour protéger le pétrole libyen
Lors d’une rencontre en Grande-Bretagne, les 10 et 11 octobre, les représentants des principales institutions libyennes (National Oil Corporation, Banque centrale…), des principales compagnies pétrolières et diplomates des Nations unies, du FMI, de la Russie, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Espagne et de l’Italie se sont accordés sur les grands principes devant présider à la gestion du pétrole libyen.
Ils se sont engagés à travailler ensemble pour que « l’exploitation des ressources pétrolières et gazières libyennes soit faite au bénéfice du peuple libyen », laquelle sera assurée exclusivement par la NOC et ses filiales. Tandis que tous les revenus de la NOC seront « envoyés à la Banque centrale libyenne selon un processus transparent », tandis que l’entreprise nationale et ses filiales seront financées par le gouvernement, qui veillera à assurer une gestion opportune du niveau de production et d’exportation.
Quant aux tentatives de porter atteinte à la production ou au transport des produits pétroliers, « elles seront poursuivies selon toutes les mesures prévues par le droit loi libyen et international ». Il ne sera fait « aucune concession et aucun paiement » en faveur des fauteurs de troubles, précise encore le texte.
Avec jeuneafrique