A l’occasion du cycle de conférences sur les stratégies économiques et sociales pour accélérer la croissance et l’émergence des pays africains à Casablanca, le professeur David Khayat est revenu pour la rédaction sur les avancés de lutte contre le cancer, mais aussi sur l’évolution de la maladie en Afrique et principalement au Maroc.
David Khayat est né en Tunisie à Sfax en 1956. Ancien chef de service de la Pitié Salpêtrière à Paris et Professeur adjoint au centre médical MD Anderson à Houston aux Etats-Unis, il est considéré comme l’un des plus grands cancérologues au monde. Organisateur du Sommet Mondial contre le cancer à l’UNESCO, il est à l’origine de la charte de Paris contre le cancer, ce qui l’a conduit à diriger durant trois ans l’institut français du cancer, à la demande de Jacques Chirac, président de la République française de l’époque, et d’en devenir Président d’honneur par la suite. Il est auteur de nombreux best-sellers dont « Le vrai régime anticancer », et « Ma cuisine anticancer » en collaboration avec sa fille Cécile, pâtissière.
Dans quel sens le cancer est-il un fléau universel ?
Par le nombre de cas qu’il touche et surtout le nombre de morts. L’OMS enregistre 20 millions de nouveaux cas de cancer dans le monde, engendrant la mort de 10 millions. Pour faire simple ou concrètement, c’est un homme sur deux touché par cette maladie, et une femme sur trois. Le cancer tue plus que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis. En plus, le cancer n’est pas une maladie biologique comme les autres. C’est une maladie entachée d’une image particulièrement sombre et négative. C’est associé au crabe qui ronge de l’intérieur. La société n’oublie jamais cette maladie chez la personne. Car un individu atteint de cancer, même guéri, reste un cancéreux.
Quelles sont les principales causes de la maladie ?
30% des cancers sont dus au tabac. Je ne crois plus en un monde sans tabac même si j’ai été le principal acteur de la lutte contre le tabac en France. Je suis convaincu qu’il faut travailler sur autre chose, par exemple sur des stratégies de réduction de risques. Pour revenir aux causes de la maladie. Les hormones représentent 30 % de ces causes. La prostate chez les hommes et le cancer du sein chez les femmes. Malheureusement, on ne peut pas faire grand chose. Vient ensuite l’alimentation à hauteur de 20 %. On consomme de plus en plus de produits industrialisés, transformés avec une quantité calorifique très importante. En Afrique et en particulier au Maghreb, on recense de plus en plus de cas d’obésité, surtout dû à un manque d’activités physiques. Il faut donc revenir à une alimentation plus saine, plus traditionnelle, en respectant les saisons et en évitant les snakings et la restauration rapide.
Comment peut on parler de malbouffe en Afrique alors qu’il y a un manque de nutrition dans le continent ?
En effet, c’est les pays africains les plus occidentalisés qui souffrent le plus de la malbouffe. Une population quand elle accède au développement veut faire comme les gens développés. Les campagnes, les régions les plus reculées ne sont pas influencées ni par la télévision, ni par les publicités, Résultat : ils mangent sainement tout en respectant la nature. D’ailleurs, on recense très peu de cas de cancer liés à l’alimentation, dans ces régions. Enfin en Afrique, 25% des cancers sont dus surtout à des maladies infectieuses.
Peut-on vivre avec un cancer ?
Oui, et heureusement. En France, 75% des cas sont guéris, et pour ceux qui ne le sont pas, on estime que les deux tiers des cancéreux peuvent vivre très longtemps.
Quelle est votre contribution dans la Fondation Lalla Salma pour la lutte contre le cancer ?
La Princesse m’a demandé de soutenir le projet de développement de son association et donc j’étais en conseil scientifique. Je trouve qu’elle fait un travail remarquable d’engagement que ce soit avec le développement de centres de radiothérapies dans tout le Maroc, ou la création de maison de vie pour les familles des malades. Sans parler des campagnes anti-tabac. Moi qui ai contribué dans plusieurs pays dans le monde dans la lutte contre le cancer, je trouve que le travail accompli par l’association et la Princesse Lalla Salma est une source d’émerveillement.
Comment voyez-vous l’évolution du cancer au Maroc ?
Un peu comme dans tous les pays qui passent de « en voie de développement » à « développés ». L’augmentation du nombre de cas est très important et par conséquent le taux de mortalité aussi, à cause notamment du manque de personnels qualifiés, et du diagnostic tardif de la maladie car la population n’est pas assez sensibilisée aux premiers symptômes et donc les cancers sont moins curables. Un cumul d’handicapes propre non seulement au Maroc, mais aussi à quasi tous les pays d’Afrique.
D’après vous, la résine de cannabis peut-être l’un des remèdes pour calmer les douleurs, comme l’avancent certains dans le monde ?
Non pas du tout. C’est une légende. Les dérivés du cannabis sont consommés par les malades pour diminuer les douleurs et les nausées. Mais en réalité, on peut très bien arriver à contrôler les effets secondaires sans le cannabis.
Avec aujourdhui.ma