Imaginez qu’un jour, en consultant vos e-mails, vous trouviez un message vous annonçant un trop-perçu d’impôt d’un montant de 1 200 dollars ! Passée la première réaction de joie, vous poursuivez la lecture. Et là, vous découvrez que vous devez choisir entre deux options de remboursement : soit vous toucherez 100 dollars tous les mois, soit vous toucherez 300 dollars tous les trois mois, le tout sur une période d’un an.
Qu’allez-vous choisir ? De dépenser l’argent reçu tous les mois plutôt que de l’épargner ? Ou d’attendre de toucher une plus grosse somme tous les trimestres pour vous lancer dans des dépenses plus conséquentes — à moins de devoir la partager avec votre famille et vos proches… Selon la fréquence des versements, vous sentirez-vous plus heureux ou au contraire plus inquiet face à votre quotidien et votre situation financière ?
Nous avons posé ce type de questions à un échantillon de ménages pauvres du nord du Nigéria. La périodicité des allocations familiales (trimestriels ou mensuels) peut-elle modifier les habitudes de consommation, d’épargne et d’investissement des ménages et avoir un impact sur leur sécurité alimentaire ou leur bonheur ? Voici un résumé de l’étude que nous avons menée et des résultats obtenus à ce jour.
Transferts monétaires mensuels ou trimestriels : quelle est la périodicité optimale pour les ménages les plus démunis ?
En collaboration avec l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et l’association Catholic Relief Services, nous avons varié le montant et la fréquence des transferts monétaires sans conditions, versés à 1 200 femmes issues de ménages ultrapauvres, selon un plan de recherche rigoureux. Sélectionnées lors d’une loterie publique, les bénéficiaires ont reçu environ 700 dollars, le versement étant échelonné en 15 mensualités ou en cinq paiements trimestriels. Toutes les femmes venaient de communautés rurales agricoles et, pour la plupart, se consacraient quasi exclusivement à des tâches ménagères ou à la prise en charge des enfants.
L’argent était remis en mains propres aux femmes dans un lieu public dans leur village, de sorte que tous les membres de la famille et l’ensemble de la communauté savaient quand et combien d’argent était versé. Nous étions curieux de voir si, conformément aux traditions culturelles de la région, qui veulent qu’une épouse remette l’argent à son mari, les bénéficiaires allaient ou non le partager avec les autres membres de la famille. Nous pensions que des transferts moins fréquents de sommes plus importantes attireraient davantage l’attention.
L’étude a montré que l’espacement dans le temps de versements plus importants n’entraînait pas de différence sensible au niveau du comportement, du montant conservé par chaque femme ni des conditions de vie globales du ménage. Conclusion, opter pour des transferts monétaires plus volumineux pourrait réduire le coût de mise en œuvre de l’opération et, ce faisant, libérer des ressources pour augmenter le nombre de bénéficiaires et, l’impact de ce type de programmes.
Les transferts monétaires sont efficaces !
Pour les ménages les plus pauvres du nord du Nigéria, les transferts monétaires ont un impact immédiat et globalement positif sur le bien-être de la famille. Les femmes ont plus de chances de travailler et le régime alimentaire des ménages s’améliore, avec des quantités plus abondantes et des repas plus réguliers et diversifiés. Les bénéficiaires des transferts épargnent davantage mais dépensent également plus pour habiller et soigner leurs enfants. Enfin, elles investissent plus dans les actifs, notamment les petits animaux.
On voit donc par là qu’indépendamment de la périodicité des transferts monétaires, les femmes bénéficiaires et, par ricochet, leur famille, s’en sortent mieux sur un grand nombre d’aspects quantifiables.
En approfondissant les recherches sur l’un des effets les plus intéressants, nous avons constaté qu’une femme bénéficiaire sur quatre environ se lançait dans une activité économique alors que, jusque-là, son travail ne rapportait rien. Avec les transferts monétaires, la plupart démarrent, en général depuis chez elles, une petite activité non agricole : petit commerce, pâtisserie ou transformation du riz, par exemple.
Par ailleurs, les femmes bénéficiaires sont plus heureuses et plus satisfaites de leur sort. Elles dépensent davantage d’argent pour les fêtes et les cérémonies, ce qui rehausse leur place dans la communauté et renforce fortement leur capital social.
Avec banquemondial