Franc CFA : jusqu’où la remise en cause ?
La question est de plus en plus posée de savoir s’il faut ou pas maintenir le statu quo autour du Franc CFA. Moment important : le 17 septembre à Paris.
Kako Nubukpo est l’ancien Ministre de la Prospective et des politiques publiques du Togo. Il est l’un des économistes majeurs du continent. Évincé pour ses prises de position en faveur d’une révision de la politique monétaire dans la zone CFA, il interviendra en cette rentrée au colloque sur « L’Avenir du Franc CFA en question » organisé par les Fondations Gabriel Péri et Rosa Luxemburg au Palais du Luxembourg, le 17 septembre prochain. Une question ultra-sensible qui agite jusqu’au sommet de certains États africains…. Autant dire qu’au-delà de ce colloque, ses interventions seront scrutées avec minutie en cette rentrée 2015. Et pour cause Kako Nubukpo n’a pas passé l’été comme ministre au Togo. Il a été évincé du gouvernement formé par le Premier Ministre Komi Sélom Klassou en juillet dernier sous la pression de la BCEAO.
Un pourfendeur nommé Kako Nubukpo
Il lui est notamment reproché ses prises de positions tranchées sur le Franc CFA. Après avoir subi une pluie de critiques des plus hautes instances de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), cet agrégé en Économie formé à l’université Lyon-II compte continuer sa croisade monétaire et ce, d’autant que, depuis quelques semaines, les propos du chef de l’État tchadien Idriss Deby Itno ont relancé le débat. En effet, le 11 août dernier à l’occasion de la célébration du 55e anniversaire de l’indépendance de son pays, Idriss Deby a demandé aux pays africains de quitter la zone Franc CFA pour créer leur propre monnaie unique. Coup de tonnerre dans les sphères économiques – car rares sont les chefs d’État qui s’expriment ouvertement sur le sujet du Franc CFA. C’est même un tabou. Avant lui en novembre 1972, et devant le président français Georges Pompidou, le président Togolais Eyadéma avait prononcé un toast sur le Franc CFA. Ce qui à l’époque avait donné lieu à une révision des accords de coopération monétaire en 1973. Le 1er octobre prochain aura lieu la réunion de la zone franc, les Ministres des Finances des deux zones sont donc attendus pour des propositions concrètes afin de faire bouger une nouvelle fois les Institutions.
Que dit Kako Nubukpo ?
Il pose la question de savoir si la monnaie, le Franc CFA est au service du développement des populations et sur quelle base voir comment envisager l’avenir. Au début de l’année 2015, lors de diverses conférences sur l’économie tenues à Lomé (Togo), Kako Nubukpo a suggéré que de nouvelles mesures soient prises pour favoriser la croissance dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il a ainsi révélé que les réserves de change que déposent les deux banques centrales BCEAO et BEAC (Banque des États d’Afrique centrale) auprès du Trésor public français pour assurer la parité du franc CFA avec l’euro posaient problème. La règle voudrait que ces réserves de change puissent couvrir au moins 20 % de l’émission monétaire effectuée par les deux banques centrales. Ce qui n’est pas le cas dans les faits puisque le taux de couverture avoisine 100% depuis de nombreuses années. La solution est toute trouvée, selon lui : il faudrait puiser dans cette marge de près de 80% pour assurer des crédits aux PME – dans le but de doper la croissance des états membres. Lors de ce colloque organisé à Paris avec d’éminentes personnalités, il y aura notamment l’économiste, président d’ARCADE (Dakar-Sénégal), Demba Moussa Dembélé, l’économiste et sociologue Martial Ze Belinga, le maître de conférences à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, Bruno Tinel, et l’ancien ministre des Affaires étrangères de Côte d’Ivoire, Abou Drahamane Sangaré. L’économiste togolais reviendra, au cours de cette rencontre, sur la « Politique monétaire, fixité du change et financement de l’émergence en zone Franc : le cas de l’UEMOA ».
Avec Mamafrica