Depuis le mois de juin, les autorités de N’Djamena multiplient les rappels de la mise en demeure. Trois mois plus tard, après le délai largement dépassé de trois mois, elles ont procédé à partir de ce 3 octobre à la destruction d’une soixantaine de stations-service jugées «illégales» en raison d’un risque accru pour la sécurité publique. Cette mesure forte s’appliquera désormais à toutes les stations-service qui ne seront pas aux normes. Mais les dessous de cette mesure sont extra-sécuritaires.
Un réveil aux bruits des bulldozers. A N’Djamena, ce 3 octobre, les autorités tchadiennes ont mis à exécution leur menace en procédant à la démolition des stations-service jugées «illégales».
Démolition ou mise aux normes par mesure de sécurité ?
Trois mois plus tôt, elles avaient servi une mise en demeure aux propriétaires pour la fermeture de ces stations-service. Pour le moment, 63 stations «clandestines» vont être démolies et quelque 103 autres vont devoir se mettre aux normes de sécurité.
Car, officiellement, ce sont les risques pour la sécurité publique qui sont avancés pour justifier le début des opérations de démolition. Plusieurs de ces essenceries -l’autre nom pour désigner station-service en Afrique subsaharienne- jouxtent souvent des habitations, des écoles ou encore des commerces. Leurs tanks de stockage de fuel présentent des risques d’incendie pouvant se propager aux bâtiments mitoyens.
Pour le respect de leur environnement d’implantation, les fonctionnaires du ministère du Pétrole et ceux de la Sécurité intérieure avaient bloqué dès 2014, toutes les autorisations de construction de nouvelles stations après qu’un incendie a ravagé des commerces au marché central de la capitale. Et pourtant, à l’analyse, d’autres raisons peuvent permettre de comprendre la nouvelle mesure de N’Djamena.
L’officieux motif de lutte contre la contrebande
Avec une production de 150 000 barils/jour, le Tchad occupait déjà en 2015, le 10e rang des producteurs de pétrole africains. Pour la petite histoire, le pétrole découvert dans les années 1970 n’a pu être exploité qu’une décennie plus tard vers la fin des années 1980, après plusieurs interruptions en raison de périodes d’instabilité.
Aujourd’hui, en plus du consortium Doba, la China National Petroleum Corporation International et la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) sont les trois producteurs de pétrole du pays. Depuis 2011, la SHT a installé à Djarmaya, à 35 kilomètres de N’Djamena, une raffinerie d’une capacité théorique de 50 000 barils/jour.
Dans la pratique, la raffinerie ne produirait que 20 000 barils/jour, soit moins de la moitié de sa capacité. En réalité, cette raffinerie subit la concurrence de la contrebande de produits pétroliers en provenance du Nigéria, du Cameroun et même de Libye qui rabotent les recettes de l’Etat.
L’on peut donc voir dans cette mesure de démolition ou de mise aux normes des stations-service, une volonté étatique de contrôler le volume des produits pétroliers en circulation dans la capitale tchadienne. Dans un pays en proie à des difficultés économiques, Béchir Madet, le ministre tchadien du Pétrole promet une guerre sans merci aux fraudeurs et aux importateurs véreux. Un manque à gagner pour une économie qui veut pouvoir compter sur sa manne pétrolière.
Avec latribuneafrique