Créé il y a quatre ans, ce fonds consacré aux infrastructures constitue enfin son premier portefeuille de projets. Mais il doit pour cela mobiliser davantage d’investisseurs, à commencer par les États…
Après un début quelque peu poussif, le fonds panafricain consacré au financement d’infrastructures sur le continent semble enfin sur orbite. Lancé en juillet 2015 à Casablanca, mais porté sur les fonts baptismaux deux ans plus tôt, le fonds Africa50, créé par la Banque africaine de développement (BAD), vient de boucler le portefeuille de ses premiers investissements.
Pour son patron, le Camerounais Alain Ebobissé, ancien responsable d’InfraVentures (une entité d’IFC, du groupe Banque mondiale), arrivé mi-2016, le retard accusé par le véhicule d’investissement était dicté par ses priorités. En 2016, explique-t-il en substance, « avant de procéder aux premiers investissements, il fallait d’abord procéder au recrutement de l’équipe de direction, à l’installation opérationnelle du fonds au sein de Casablanca Finance City – son siège marocain –, à la mise en place d’une politique d’investissement, à l’identification de projets solides ». À l’en croire, avec un capital initial de 812 millions de dollars et une levée prévue de 1 milliard de dollars de fonds propres d’ici à la fin de 2017, son institution ne manque pas d’argent pour entamer le travail.
La direction d’Africa50 a d’ailleurs présenté sa nouvelle stratégie d’intervention et le bouclage d’un portefeuille de projets dans le domaine énergétique. Ainsi, un accord a été scellé avec la Senelec, la compagnie publique d’électricité sénégalaise, pour le développement d’une centrale de 120 MW dual fuel (gaz et produits pétroliers) à Malicounda, à 80 km au sud de Dakar.
Selon les informations de Jeune Afrique Business+, la contribution d’Africa50 pourrait atteindre 30 % du coût total, estimé entre 120 et 130 millions de dollars. Ce projet vient s’ajouter à celui d’une centrale solaire de 200 MW, actuellement à l’étude au Nigeria. Sous la conduite d’Alain Ebobissé, le fonds a également bouclé un accord d’investissement pour la construction en Égypte d’une série de centrales solaires représentant au total une capacité de 300 MW. De même, il est en train de travailler sur un projet de centrale hydroélectrique de 400 MW, d’un coût supérieur à 1 milliard de dollars, fruit d’un partenariat entre Africa50, un énergéticien mondial et le gouvernement du pays hôte, dont il ne souhaite pas dévoiler les noms pour l’instant. « Nous attendons les derniers accords des autorités pour finaliser notre entrée dans ce projet », se justifie-t-il.
L’alliance AFD-CDC en concurrence ?
Alors que le fonds Africa50 est encore en phase de démarrage et au stade de la levée de fonds, notamment auprès d’investisseurs institutionnels, la nouvelle alliance formée par l’Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a lancé en mai un fonds doté de 600 millions d’euros. Une mise initiale qui va lui permettre de lever près de 6 milliards d’euros et de disposer ainsi d’une puissance de frappe financière nettement supérieure à celle du véhicule d’investissement panafricain lancé par la BAD. À Abidjan, siège de cette dernière, cela n’a pas manqué de susciter des interrogations, d’autant que la priorité du fonds de l’AFD-CDC est le secteur de l’énergie, tout comme Africa50.
« Bankable »
La direction du fonds affirme également être intéressée par le développement de projets gaziers au Sénégal et dit étudier une éventuelle participation. L’exploitation du gaz et ses infrastructures de transport font en effet partie des domaines d’investissement prioritaires d’Africa50.
Pour lever des fonds sur le continent et en dehors, le véhicule d’investissement ne compte pas uniquement sur les partenariats public-privé. Selon Akinwumi Adesina, président de la BAD et du conseil d’administration d’Africa50, la mobilisation de l’épargne à long terme gérée par les investisseurs institutionnels est inscrite au cœur de sa stratégie. « Nous pensons que, grâce à Africa50 DP, notre entité de développement de projets, et à nos contacts réguliers avec les États, nous allons constituer un pipeline de projets suffisamment bankable pour attirer les investisseurs institutionnels », assure Alain Ebobissé.
Mais le Camerounais doit aussi faire entrer de nouveaux États dans le capital d’Africa50. Lors de l’assemblée des actionnaires de Dakar – la première tenue hors de Casablanca –, le 12 septembre, le véhicule d’investissement panafricain a enregistré l’arrivée de nouveaux actionnaires, la Guinée et la RD Congo. Dans un premier temps, Conakry apporte une participation de 5 millions de dollars et Kinshasa, de 2 millions de dollars. Les statuts d’Africa50 obligent les actionnaires à libérer, au moins, le quart de la valeur du capital souscrit. D’ailleurs, le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, s’est engagé à porter cette proportion à 50 % en ce qui concerne son pays.
À ce jour, le fonds compte à son tour de table 28 actionnaires, dont 25 États (sur 54 actionnaires africains à la BAD), et trois partenaires institutionnels (la BAD, la banque centrale marocaine Bank Al-Maghrib et la BCEAO). Toutefois, des puissances financières du continent comme l’Afrique du Sud et l’Algérie manquent encore à l’appel. Et le Rwanda, pays de Donald Kaberuka, initiateur du fonds lorsqu’il était patron de la BAD, n’en est pas encore membre. L’arrivée d’un actionnaire étatique est attendue dans les prochaines semaines, révèle Alain Ebobissé à Jeune Afrique, mais sans donner plus de détails à son sujet. Et non sans reconnaître qu’il faudra à l’évidence davantage d’adhésions.
Avec jeuneafrique