Guangzhou, plus grande cité industrielle de l’empire du milieu, est aujourd’hui la destination de nombreux commerçants ivoiriens et africains qui y importent des marchandises à moindre coût.
Des Noirs. Partout des Noirs. On se croirait dans un marché africain. Et pourtant, nous sommes à Guangzhou, une ville située au sud de la Chine. Ici, tout rappel l’Afrique. A commencer par les brouhahas qui caractérisent ses marchés, les interpellations tous azimuts de la clientèle par les vendeurs, les commerces bordant les voies, les étals installés le long des trottoirs. Et surtout les va-et-vient incessant des Noirs, dans leurs tenues africaines, écumant les ruelles, coins et recoins de ce marché situé à Dengfeng, l’un des districts de Guangzhou.
Certains ont des gros colis sur la tête ou sous le bras. Quand d’autres s’affairent à rassembler les marchandises qu’ils viennent de s’offrir à prix relativement abordable. C’est le cas de Soumahoro Aminata, la quarantaine environ, sur qui nous sommes tombés par le plus grand des hasards.
Elle dit être ivoirienne résidant à Bouaké. Heureuse de rencontrer un ‘’ frère’’ dans ce pays lointain, celle-ci accepte volontiers que nous la suivions dans ces déplacements dans ce centre des affaires. « C’est d’ici que proviennent la plupart des marchandises qui inondent les marchés africains. Ici, tout est moins cher, comparativement à Dubaï où j’allais avant. Une fois dans le mois, je quitte à Abidjan pour venir faire mes achats ici », relate-t-elle. Avant de s’engouffrer dans une ruelle.
Nous la suivons au pas de course. Tout le long du trajet, des magasins de chaussures, de T-shirts, de téléphones, des appareils électroménagers, des meubles, des bijoux exposés dans des vitrines ou carrément devant les magasins. Ces boutiques tenues quasi principalement par les Chinois sont prises d’assaut par les commerçants africains. A l’instar de dame Soumahoro, la plupart de ceux-ci parlent un peu le chinois, à notre grand étonnement. « Ces gens-là, (Chinois) ne savent pas parler anglais, encore moins le français. Moi, ça fait cinq ans que je viens en Chine. Donc je me débrouille en mandarin. Cela me facilite les choses », explique-t-elle, avec une certaine fierté.
Après une randonnée dans le marché, nous décidons de fausser compagnie à notre guide du jour. Nous slalomons ensuite entre les étals et les devantures des boutiques embouteillées. Au bout d’une ruelle, nous rencontrons, Madeleine Kapaku, une ressortissante de la République démocratique du Congo, les bras très chargés. Nous l’aidons à héler un taxi. « Guangzhou, c’est une mine d’or pour nous Africains. Nous y trouvons beaucoup d’opportunités, surtout pour les affaires. Je viens ici pour acheter les vêtements, les sacs, les mèches pour approvisionner mon magasin au pays. Je réalise de bonnes affaires depuis que j’ai commencé cette activité », explique-t-elle avant de sauter dans son véhicule.
Priorité aux achats en gros
Ici à Guanhzhou, disons-le tout net, c’est l’achat en gros qui prospère et même privilégié. Car, pour un vêtement que tu peux, par exemple, acheter à 100 yuan, soit 10.000 Fcfa, en gros, tu peux l’avoir à 30 yuan, environ 3000 Fcfa. Il en est ainsi pour les autres articles. Ce qui fait dire à Pape Diop, que « Guangzhou, c’est notre Eldorado ». D’origine sénégalaise, ce septuagénaire établi en Chine depuis quinze ans, tient un magasin à Dengfeng.
Après les civilités et de chaudes poignées de mains, il nous demande de nous asseoir, le temps d’emballer ses cartons. Il annonce qu’en plus de posséder sa propre échoppe, son activité consiste également à acheter des marchandises pour les envoyer à Dakar, au Sénégal. « Nous attendons aussi les clients qui viennent du pays et qui ne connaissent pas les réalités d’ici, pour les conduire dans les marchés où ils peuvent réaliser de bonnes affaires. Nous les aidons ensuite à embarquer leurs marchandises dans des conteneurs en direction du Sénégal », ajoute-il. A l’instar de Pape Diop, beaucoup d’Africains sont propriétaires de magasins à Dengfeng. Ils font la concurrence à des Chinois. Toute chose, selon lui, qui suscite souvent des frictions.
A Guangzhou, il y a deux types de commerçants : Ceux qui vivent dans la ville tout en faisant le commerce et ceux qui viennent faire les achats pour retourner au pays. Bourahima Ouédraogo, natif du Burkina Faso, fait partie de la deuxième catégorie. « Quand je viens ici, je peux passer un mois. Je peux prendre une semaine pour acheter les pièces détachées que je vends. Je peux passer deux ou trois autres semaines le temps d’embarquer mes marchandises dans un conteneur en direction du pays. Le conteneur est très cher, il faut trouver d’autres personnes avec qui s’associer pour le louer », précise-t-il. Le visage dégoulinant de sueur, nous l’avons surpris en pleine négociation avec un Chinois dans un établissement de vente pièces détachées.
A la question de savoir où il loge pendant son séjour, il répond : « Guangzhou, c’est une ville commerçante. Consciente de cela, les autorités y ont construit beaucoup d’hôtels. Pour le mois que je passe ici, je peux dépenser 100 à 150 mille FCfa. C’est ce que font la plupart des gens qui viennent faire des achats. D’autres aussi ont la chance de se faire héberger par les Africains qui sont établis ici ».
Repas africains au menu
Guangzhou est une cité cosmopolite au climat tropical. Car, pendant que le froid bat son plein à Beijing, la température y est de 30°. A la grande joie des Algériens, Marocains, Egyptiens, Syriens, Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, Togolais, Burkinabè… circulant dans des vêtements légers sous le soleil ardent de midi. C’est ce moment que choisit justement M. Diop pour nous inviter à déjeuner. Il explique que la plupart des communautés ont leurs restaurants qui vendent les mets de leurs pays. Lui, en tant que Sénégalais, nous a conduit chez ‘’ Marième Fall’’ : un restaurant réputé pour son bon ‘’ Tiéboudiène’’. A notre arrivée, le coin était rempli d’Africains. A la vue de Pape Diop, la gérante dégage rapidement une table. L’espace est exiguë, mais très propre. L’on y suffoque presque. C’est le prix à payer quand on veut manger de la bonne nourriture, dixit M. Diop. Alentours, l’on entend parler ‘’le bambara’’, ‘’le Wolof’’, ‘’le moré’’, le Yorouba’’ ‘’ le lingala’’, le français, l’anglais. Assis autour des plats, certains, par groupes, parlent bruyamment de sport. Et d’autres, plus calme, devisent tranquillement. Nous avons eu beaucoup de mal à nous soustraire de la chaleur et de l’ambiance à l’africaine après notre copieux repas.
A quelques encablures de ce restaurant, des groupes d’Africains installés devant des magasins partagent du thé. Cette boisson aromatisée obtenue par infusion est très prisée en Afrique subsaharienne. Là aussi, l’atmosphère était bon enfant et les causeries tournaient essentiellement autour des affaires et sujets du continent noir. Comme pour dire que Guangzhou, c’est l’Afrique en miniature.
Avec fratmat