L’ouragan Maria a dévasté les bananeraies de la Guadeloupe et la Martinique. Est-ce une opportunité pour les producteurs d’Afrique ? Réponse de Denis Loeillet, responsable de l’Observatoire des marchés du Cirad-Persyst UR 26 et rédacteur en chef de la revue FruitTrop du Cirad*.
Quel est le bilan de l’ouragan Maria sur les bananeraies des Antilles ?
Pour la Martinique, on serait à 70% de destruction, chiffre encore provisoire. Sachant qu’ils avaient subi la tempête Matthew l’année dernière, nous étions déjà sur des niveaux de 30 à 50% inférieurs. En Guadeloupe, la bananeraie a été détruite à 100%. Sur un total de 250 000 tonnes exportées chaque année, l’impact est très important. Il ne resterait qu’un potentiel de 50 000 tonnes exportables dans les neuf à douze mois qui viennent. L’impact est considérable localement bien sur mais aussi sur toute la filière : le transport, les capacités de stockage à Dunkerque, les murisseries, etc.…
Mais globalement, sur un marché européen qui fait 6,2 millions de tonnes, 200 000 tonnes de moins, c’est absorbable.
En termes de marché, la banane antillaise détient une grande part de marché en France, aux environs de 35 à 40%. Il y aura donc du report. Mais globalement, sur un marché européen qui fait 6,2 millions de tonnes, 200 000 tonnes de moins, c’est absorbable. Néanmoins, une concurrence va s’installer, le système commercial antillais va se vider de ses propres bananes et elles vont être remplacées en grande partie par la banane dollar et la banane africaine.
L’Afrique a une carte à jouer dans un tel contexte ?
Comme pour toute production, on n’appuie pas sur un bouton et l’on démarre du jour au lendemain. Il faut regarder les positions en place et ces positions sont plutôt expansionnistes. Que cela soit en zone dollar ou en zone africaine, en particulier en Côte d’Ivoire et au Ghana, nous sommes dans une dynamique de croissance. La compensation va venir de ces zones mais aussi de Colombie, du Guatemala, du Costa Rica, d’Equateur, etc.
Comment s’explique cette baisse des prix ?
Nous avons une offre internationale très forte. Et cela était attendu. Tant les opérateurs que les analystes ne sont pas surpris. La crise qui devait arrivée, arriva. Elle était retardée depuis des années car les aléas climatiques ont réglé les problèmes de la surproduction mondiale. Malgré le cyclone Matthew en septembre 2016 en Martinique, ainsi que les dégâts très graves de la bananeraie en République Dominicaine, qui vont se reproduire encore cette année, nous avons eu une année 2017 surabondante.
Selon nos estimations, nous sommes à la fin août sur des importations en hausse de 7,5% sur le marché. C’est très élevé pour un produit de base qui normalement à des taux de croissance relativement faibles. Evidemment, il y a un rattrapage des pays de l’Est mais la croissance est tout de même significative sur le premier marché mondial de la banane.
Ce sont dans tous les cas des marchés assez dynamiques qui grâce aux effets climatiques, on servit depuis plusieurs années de très bons prix à l’importation.
Sauf cette année ?
Oui, car il n’y a pas eu d’aléas climatiques suffisants. De plus, l’offre de produits de saison, comme abricots, nectarines, pêches, etc. a été très concentrée en raison de la canicule ce qui a complètement arrêté la consommation à la fin juin. Donc nous sommes vite arrivés en surproduction. Et comme tout ce qui est produit est exporté, on constate un embouteillage dans les ports et cela se vend à qui veut l’acheter quel que soit le prix.
En 2017, nous sommes donc en surproduction en dépit de l’ouragan Maria et surtout d’un taux de croissance de 7,5% de l’importation ?
Absolument. Après c’est compliqué de savoir si c’est l’offre qui créé la demande ou est-ce que c’est la demande qui aspire une offre supplémentaire. Sans doute un peu des deux. Mais en tout cas les bons prix et la dynamique de marché font que l’on consomme parce que c’est plus disponible, qu’il y a plus d’actions commerciales, que les prix sont meilleurs. Dans tous les cas, cela reste globalement un produit en termes de prix de détail très attractif.
En dépit que le marché de la banane soit en surproduction, la perte de 200 000 tonnes de bananes antillaises va tout de même faire un appel d’air. Comment cela va se jouer entre la banane dollar et la banane africaine, ce sera une question de prix ?
Il va y avoir évidemment un effet brutal lorsque l’on enlève une capacité de 200 000 à 300 000 cartons par semaine si l’on ajoute les pertes annoncées en République dominicaine. Cette dernière avait déjà subie des pertes majeures du fait des inondations de la fin 2016. On parle d’une perte de 30 à 50% sur un potentiel de 350 000 tonnes par an. Globalement, le cumul des pertes correspond à peu de chose près à l’augmentation annuelle de la consommation européenne depuis 4 à 5 ans.
Le tour d’air de l’offre caribéenne va donc bénéficier aux origines dont le potentiel est en croissance
Le tour d’air de l’offre caribéenne va donc bénéficier aux origines dont le potentiel est en croissance. L’Afrique, notamment la Côte d’Ivoire et le Ghana est bien positionnée. Mais en valeur absolue, c’est bien la zone dollar qui peut arbitrer de grandes quantités de volumes vers l’UE dans le cas où les prix se redressent. D’autant que la faiblesse actuelle du dollar face à l’euro renforce la compétitivité de la zone.
Importations de bananes sur le marché européen en provenance
des origines d’ACP et dollar (en tonnes)