Dans son dernier rapport, intitulé « Au-delà de l’austérité − Vers une nouvelle donne mondiale », la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) appelle à lancer un « New Deal » pour corriger plusieurs grandes tendances économiques vecteurs d’inégalités.
Publié le 14 septembre, le dernier rapport de la Cnuced se penche particulièrement sur l’impact de la robotisation, notamment sur l’emploi. Au premier abord, ce phénomène ne semble pas concerner le secteur industriel africain, car « les emplois manufacturiers mal payés des secteurs tels que l’habillement ne sont dans une large mesure pas concernés par l’automatisation », note la Cnuced.
Mais ses effets négatifs risquent de se faire ressentir à terme dans les pays en développement. « Le recours à la robotique tourne pour l’instant à l’avantage des pays aux capacités industrielles bien établies, ce qui pourrait encore assombrir les perspectives de croissance des pays en développement dont l’activité manufacturière ne progresse plus ou qui sont déjà entrés dans une phase de « désindustrialisation précoce » », souligne ainsi la Cnuced.
La robotisation risque d’accroître la part du revenu revenant aux propriétaires de robots
Cette robotisation, qui « risque d’accroître la part du revenu revenant aux propriétaires de robots et aux détenteurs des droits de propriété intellectuelle qui y sont associés » selon le rapport, va de fait alimenter une autre tendance observée par la Cnuced : la concentration croissante du capital, au bénéfice des plus grandes entreprises.
« Les gains de productivité des précédentes révolutions industrielles étaient mieux répartis, et donc réinjectés dans l’économie, explique à Jeune Afrique Rachid Bouhia, économiste à la Cnuced. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »
Domination des grandes entreprises
« L’hypermondialisation a contribué à rendre les pratiques commerciales restrictives nettement plus répandues, et les rentes obtenues grâce à ces pratiques aggravent les inégalités, dans un contexte où les plus grandes entreprises raflent la mise », souligne le rapport.
En clair, la domination des grandes entreprises des pays développés ne risque pas de faiblir, au contraire. Car cette domination ne reflète pas tant leurs compétences que « l’inefficacité de la législation antitrust, la protection excessive de la propriété intellectuelle et leurs stratégies agressives de fusion-acquisition », selon la Cnuced.
Ce phénomène alimente aussi l’envolée des revenus les plus élevés qui « favorise la sous-consommation, l’endettement privé et l’investissement spéculatif dans un contexte où l’emprise des intérêts fortunés sur les agendas politiques et réglementaires se renforce, rendant ainsi le système financier plus vulnérable, d’où les crises », détaille l’organisation onusienne.
Redistribuer les excédents commerciaux accumulés par certains pays
Face à ce constat, Rachid Bouhia souligne que « la situation ne va pas s’améliorer outre mesure sans un vrai New Deal, pour mettre fin à l’austérité, mobiliser les ressources financières pour l’emploi et l’investissement et mettre fin aux activités de rente qui augmentent les inégalités ».
La Cnuced appelle donc à redistribuer les excédents commerciaux accumulés par certains pays pour rééquilibrer l’économie mondiale. À ce titre, « la récente proposition du G20 avancée par l’Allemagne − un plan Marshall pour l’Afrique − est la bienvenue, mais n’a pas le muscle financier nécessaire », note la Cnuced.
Outre cette politique de relance, Rachid Bouhia prône pour l’Afrique une série de mesures comme « l’approfondissement de l’intégration régionale, l’instauration d’un « soft protectionnisme » pour s’industrialiser, et le développement de chaînes de valeur africaines ».
Avec jeuneafrique