Créée il y a deux ans, la jeune pousse agrège, dans sa deuxième version, des formations en ligne sur les “thématiques de demain”. Les trois amies co-fondatrices rêvent d’un e-learning qui outrepasserait les frontières et les différences d’âges. Avec leur projet, elles voient une façon de lutter contre le “décrochage numérique”.
Devenir un pro de la photographie urbaine ? Comprendre enfin ce qu’est la blockchain ? Ou encore, réussir à construire son propre chatbot ? Qu’il soit créatif, business ou technologique, le spectre des cours en ligne proposés sur la plateforme Kokoroeest large. La startup, dont le nom signifie le « savoir » en japonais, s’est fixé comme défi de proposer des formations numériques sur les « thématiques » de demain. Un pari fondamental lorsque l’on sait que « 72%* des digital natives estiment que s’autoformer est un devoir », rappelle Béatrice Gherara.
La jeune femme de trente-trois ans et ses deux amies d’enfance, les jumelles Raphaëlle et Élise Covilette, se sont lancées dans cette aventure de « démocratisation du savoir »par le numérique il y a deux ans. L’une travaillait dans une banque, l’autre était consultante et la troisième avocate. « Autant dire qu’on ne connaissait pas du tout le monde des startups », sourit Élise. « Nous-même, on a dû apprendre », et notamment par des cours en ligne. C’est pour « vibrer » qu’elles imaginent leur jeune pousse. Néanmoins, elles avouent avoir toujours eu une appétence pour l’éducation – deux ont donné ou donnent encore des cours, la troisième a été conseillère d’orientation.
Exemple de formation en ligne proposée par Kokoroe sur la réalité virtuelle.
Première étape, les trois amies remportent le concours « Les talents du numérique » après avoir conceptualisé leur projet. Elles intègrent ensuite Microsoft Venture pour six mois d’incubation et d’apprentissage. Une première version de la startup naît alors : elle met en relation les formateurs et les apprenants. Une émission télé leur permet un premier contact avec un business angel en mars 2015 et une levée de fonds de 250.000 euros en septembre 2015 leur permet de s’autofinancer.
Quelques mois plus tard, au vu des retours positifs qu’engendrent les cours en ligne – 30.000 utilisateurs – , les trois entrepreneuses décident de tout miser sur l’e-learning. « Avec ce pan formation en présentiel, nous étions plus sur du hyperlocal. Or, il est difficile de changer des pratiques déjà ancrées », estime Béatrice Gherara.
Une transmission universelle du savoir
Kokoroe v.2 repose ainsi sur une cinquantaine de formations en ligne (en anglais et en français), disponible gratuitement et constituée par un collectif de 600 experts. Le catalogue est renouvelé à chaque fois qu’une nouvelle tendance se dessine.
« Nos experts jouent le rôle de tête chercheuse et nous sommes en veille constamment. Ce qui facilite notre tâche, c’est que nous ne produisons pas les contenus. Kokoreo sert d’agrégateur, mais on a fait le choix de tout miser sur la distribution et non sur la production », indique la cofondatrice.
Ainsi, on retrouve aussi bien des vidéos sur les « savoirs de demain » provenant de l’université de Stanford, de l’accompagnateur de startups The family, ou encore de la plateforme IBM Think academy. Les formations sont données par des acteurs notoires de leur domaine tels que Vainui de Castelbajac (illustrations), Pauline Darleyou (photographie) ou encore Aurélie Jean (informatique).
« Si au début, on a pu être intimidé pour la recherche d’experts, aujourd’hui, c’est beaucoup plus simple. Les intervenants se font passer le mot entre eux. La plupart d’entre eux se sentent concernés par la portée universelle et grand public. Ils apprécient la dimension de transmission du savoir », témoigne Élise Covilette.
Quid du modèle économique ?
En parallèle à l’accès gratuit des formations, une formule premium est également proposée pour 2,99 euros. Elle offre des services supplémentaires tels que des vidéos éducatives, l’accès à des projets ou à la communauté des alumnis (les anciens élèves, ndlr.) Il s’agit, avec la levée de fonds réalisée il y a deux ans, des sources de financement actuelles de la startup. « Nos experts jouent le rôle d’influenceur et cela nous permet de générer beaucoup d’abonnements auprès de leur communauté, de nous créer ainsi un important trafic », explique Béatrice Gherara.
Et étant donné de la « faiblesse du coût » sur laquelle repose la startup, s’appuyant sur de l’agrégation de contenus, les trois cofondatrices n’envisagent pas de nouvelle levée de fonds pour l’heure. Elles souhaitent cependant augmenter leur offre. Objectif fin 2017 ? Proposer 500 contenus de formation. Suivre l’actualité, à l’heure où les savoirs sont vite obsolètes, mais aussi, proposer des parcours de formation engagés. Question engagement, elles ont d’ailleurs intégré l’incubateur Paris Pionnières, spécialisé dans l’entrepreneuriat féminin.
Pour élargir leur catalogue, les trois amies travaillent également sur des « feature » (partenariats, ndlr.) dans leur formation. Elles pensent à s’associer « avec les écoles, pourquoi pas ». Même si, elles le reconnaissent, le processus est long lorsque l’on envisage un travail commun avec l’éducation nationale. « Nous avions été reçues dans le cabinet d’Axelle Lemaire. » Un partenariat avec les entreprises ? « On y réfléchit encore… À la base, il est vrai que l’on pensait notre modèle sur du B to C. »
Lutter contre le décrochage numérique
Ce qui est sûr en tout cas, c’est que les startupeuses attendent beaucoup d’Emmanuel Macron concernant l’e-learning.
« Il y a tellement de formes d’apprentissage différentes aujourd’hui. Or, la France est en retard. Les entreprises sont souvent les seules à pouvoir choisir les formations de leurs salariés et la plupart des formations éligibles sont en présentiel. Il n’y a aucune flexibilité. »
Pour les cofondatrices pourtant, « tout le monde devrait s’autoformer en ligne aujourd’hui, c’est indispensable » et non pas que leurs premiers utilisateurs, principalement Millénials, hyperconnectés. Élise Covilette ajoute : « Il faut vraiment lutter contre le décrochage numérique. »
Enfin, les trois amies envisagent d’étendre leur projet à l’étranger, notamment avec l’aide de sous-titres sur leurs vidéos. « Chaque pays possède ses propres savoir-faire. Des synergies sont possibles. Dès le début de notre aventure, nous avions en tête l’idée d’une mondialisation du savoir. Nous voudrions casser les frontières. »
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Conseils de startupeuses
À travers leur expérience, les trois entrepreneuses livrent leurs bons plans pour aider ceux et celles qui veulent se lancer dans l’aventure des startups…