La lettre du Continent n°759 parue le 30 août 2017 nous révèle que le Président de la République de Cote d’Ivoire s’est octroyé 521 millions d’euros par an de fonds spéciaux; en hausse de 30 millions d’euros cette année.
À la tête d’un pays relativement prospère d’Afrique de l’Ouest, la gestion du Président OUATTARA est saluée par l’ensemble des institutions économiques et monétaires.
Faisant ainsi de la Côte d’Ivoire un pays moteur de la région.
Malgré cette embellie macroéconomique des questions se posent sur la justesse de certaines décisions.
Dans un pays où la majorité des Ivoiriens se plaignent de la cherté de la vie, le montant des fonds spéciaux peut être incompris.
Tout d’abord les fonds spéciaux sont des crédits consacrés seulement au financement de diverses actions secrètes liées à la sécurité extérieure et intérieure de l’État.
Leur contrôle se réalise dans des conditions très confidentielles car les missions de renseignements et d’opérations extérieures concernées ne peuvent être financées sur des crédits budgétaires classiques soumis aux règles de transparence.
Contexte économique
La République de Côte d’Ivoire connaît un ralentissement économique dû principalement à la baisse du cours de cacao et à un effondrement des cours du pétrole.
Pour pallier cet état de fait, le gouvernement a décidé d’une baisse des dépenses de l’État. Ils ont ainsi suspendu voire repoussé certains investissements étatiques et baissé les crédits de tous les ministères.
Nonobstant tout cela les prévisions de croissance pour 2017 restent assez correctes. Les institutions financières tablent ainsi sur une croissance qui oscillerait entre 7,9% et 8,6% pour les plus optimistes. Le pays dégage un excédent commercial grâce à des exportations agricoles de rente assez diversifiées (cacao, café, anacarde, hévéa).
Des réformes des finances publiques et de l’administration fiscale, ainsi qu’une plus grande rigueur budgétaire, qui contient les déficits, ont permis d’amorcer une baisse crédible de la dette en pourcentage du PIB.
Ces indicateurs macroéconomiques peuvent faire saliver ses voisins surtout pour un pays sortant d’une guerre civile qui dura presque dix ans.
Les indicateurs microéconomiques sont eux plus contrastés.
La pauvreté ne régresse guère, notamment en milieu urbain. L’espérance de vie de l’Ivoirien est de 52 ans. L’immense majorité des emplois demeurent dans le secteur informel, sans retraite ni protection sociale.
Les fonctionnaires ont entamé début janvier une grève de trois semaines. Ce mouvement d’humeur a paralysé les hôpitaux et les écoles du pays. Ils réclamaient notamment des augmentations et le paiement d’arriérés de primes estimés à plus de 300 millions d’euros.
Pour la majorité des Ivoiriens, le salaire dépasse rarement la barre des 152 euros.
Au regard de ce gap entre l’élite et l’ivoirien lambda l’article de la Lettre du Continent a fait scandale. Il est difficilement compréhensible pour l’habitant d’Abobo ou de Yopougon, dont le quotidien est difficile et à qui on demande des efforts supplémentaires, que la présidence de la République soit dotée d’un fond d’un demi-milliard d’euro. L’opacité de la gestion de ce fonds a alimenté l’incompréhension de l’opinion. Rajouté au fait que le gouvernement a annoncé une baisse des budgets de tous les ministères. Apprendre dans le même laps de temps que les fonds spéciaux eux auraient augmenté d’un peu plus de 5%. Tout cela pourrait faire désordre.
Ligne de défense de la présidence ivoirienne
Très vite après la publication de cet article la présidence de la république ivoirienne par la voix de son secrétaire général, Patrick ACHI, a réfuté ces allégations. Qualifiant ces informations d’ « informations mensongères, gravement diffamatoires et qui portent atteinte à l’honneur et à la considération du président de la République, Alassane OUATTARA ».
Un porte-parole de la présidence expliquera à Jeune Afrique que « ces dépenses de souveraineté correspondent à une présentation secteur par secteur des dépenses de l’État, et non pas ministère par ministère. « Le budget de 342,6 milliards n’a ainsi rien à voir avec des quelconques fonds de souveraineté du chef de l’État. Il est reparti entre Institutions, Autorités administratives indépendantes et Services autonomes qui gèrent eux-mêmes leurs budgets ».
Le président OUATTARA entend par ailleurs intenter une action contre les auteurs de cet article. Les avocats de l’État de Côte d’Ivoire ont par ailleurs été saisis à cet effet : «Le président de la République a donné mandat aux avocats Maîtres Jean Pierre Mignard et Jean Paul Benoit, de mettre en œuvre toutes voies de droit et toutes actions utiles en vue de la sanction de tels agissements et de la réparation des préjudices subis du fait de l’atteinte à son image, tant sur le plan national qu’international. »
Coupable de népotisme ?
Ce qui a défrayé la chronique en plus du montant élevé des fonds spéciaux de la présidence de la république c’est aussi que ce soit le frère du Président, Birahima OUATTARA, qui en serait le gestionnaire. Fond qui comme on l’a vu plus haut n’est contrôlé que sous certaines conditions.
Il est également à noter que Birahima OUATTARA est ministre des affaires présidentielles. Véritable argentier de la présidence ivoirienne. Il gère principalement les finances du palais. Il occupait également le même poste au sein du RDR (Rassemblement Des Républicains).
Dans la famille OUTTARA, Birahima n’est pas un cas isolé.
Ainsi dès son accession à la présidence de la république des soupçons de délit d’initié furent émis à l’encontre du fils du président.
En effet, Loïc FOLLEROUX est le représentant d’Amajaro pour la Côte d’Ivoire.
Juste avant la crise postélectorale de 2011 et donc l’embargo qui fut décidé par Mr OUATTARA, il acheta des volumes inhabituels de cacao qu’il revendra ensuite avec une plus-value substantielle.
Autre membre de la famille a un poste à responsabilité : Massere TOURE.
Elle est la nièce du président et sa conseillère en communication.
Mme TOURE a comme époux Bruno KONE, ministre de la Communication, de l’économie numérique, porte-parole du gouvernement.
Darwin Dramane COULIBALY, neveu du président est quant à lui directeur générale de la loterie nationale ivoirienne.
Il est vrai qu’en France on a déjà vu un président de la République nommer un de ses enfants au poste de conseiller (François MITTERRAND avec son fils Jean-Christophe MITTERRAND ou Jacques CHIRAC avec Claude CHIRAC).
Cette présence de la famille du président ivoirien à ces postes stratégiques pourrait donner l’impression d’un mode de gouvernance atypique et quelque peu anachronique. Certains iront même à qualifier le régime de république « bananière ».
Car le Président OUATTARA n’est pas le seul à avoir des membres de sa famille à des postes de premier plan. Ainsi l’ex-Président BEDIE a fait nommer son fils Jean-Luc BEDIE au poste de conseiller chargé des banques et des marchés financiers à la présidence puis à la primature.
Le Premier ministre Amadou GON COULIBALY aurait fait nommer son cousin Amadou Coulibaly à la direction des services de renseignements extérieurs à la présidence. Ibrahim, son petit frère, appartient au Groupe de Sécurité du Président de la République (GSPR).
Puis nous avons Hamed BAKAYOKO. Actuel ministre de la défense nationale Hamed BAKAYOKO dont le frère Zoumana BAKAYOKO est député du plateau sous la bannière du RDR. Son oncle Youssouf BAKAYOKO dirige la Commission Electorale Indépendante (CEI) depuis 2010.
En 2017 l’ivoirien lambda s’attend à une égalité de droit entre citoyens. Egalité de droit voire égalité de chances dans le sens où par exemple pour pourvoir des postes à responsabilités on ait fait au préalable un appel à candidatures public.
Une mesure simple qui coûterait très peu aux pouvoirs publics mais qui leur rapportera beaucoup. Ainsi les administrés accepteront plus facilement les décisions des gouvernants, car ils n’auront plus l’impression que ces décisions émanent d’un groupe d’amis à la légitimité sujette à caution.
Au risque de faire un anglicisme « The right man at the right place » est un gage de réussite et d’efficience.
Avec africapostnews