Le renforcement des échanges entre l’Afrique et le monde arabe peut repositionner de manière avantageuse ces deux régions dans le commerce mondial. Abdalla Hamdok, secrétaire exécutif adjoint et économiste en chef de la Commission économique pour l’Afrique, relevant de l’ONU, revient pour «La Tribune Afrique» sur les stratégies clés permettront à l’économie de l’Afrique de prouver davantage sa résilience.
Quels étaient les points les plus importants qui ont marqué les travaux de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), tenus la fin du mois dernier a Caire, en marge de la 100e session ordinaire du Conseil économique et social de la Ligue des Etats arabes (LEA) ?
La CEA est liée à la Ligue des Etats arabes par une coopération de longue date. Nos organisations mènent des activités conjointes de recherche et d’élaboration de politiques dans les domaines d’intérêt commun. Il est à noter que 10 États membres de la CEA sont également membres de la LEA. C’est dans ce contexte que j’ai été invité à aborder la séance d’ouverture au segment ministériel du Conseil économique et social (ECOSOC) de la LEA qui a effectivement eu lieu le 24 août au Caire. Compte tenu, d’une part, du double rôle de la CEA en tant que bras régional des Nations Unies et comme composante clé du paysage institutionnel africain et, d’autre part, le rôle de l’ECOSOC en tant qu’institution de la LEA, en matière de coordination de l’intégration économique, mes remarques visaient à encourager l’intégration économique inter-régionale entre l’Afrique et le monde arabe.
Comment voyez-vous le renforcement des échanges commerciaux entre l’Afrique et le monde arabe ?
Le commerce bidirectionnel entre les économies africaines et arabes a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie et peut se développer davantage, les exportations de l’Afrique vers le monde arabe représentant 6,5% des exportations totales de l’Afrique et les exportations du monde arabe vers l’Afrique environ 5,3% des exportations totales du monde arabe.
Il est intéressant de noter que ces échanges, quoique limités, ont tendance à être plus diversifiés, avec un contenu industriel plus élevé que les biens que les pays africains et arabes exportent vers le reste du monde. Par conséquent, un commerce accru pourrait soutenir la diversification des économies africaines et arabes et élever leur position sur le paysage commercial mondial.
Selon vous, la montée du protectionnisme est-elle capable d’affaiblir les échanges économiques entre l’Afrique et le monde arabe ?
La nature imprévisible et risquée du protectionnisme grandissant que l’on observe dans les pays développés a effectivement la capacité de saper toute projection de relance économique. La mise en place de politiques macroéconomiques équilibrées et de réformes structurelles fondées sur la productivité est déterminante pour renverser la tendance actuelle qui limite les économies à de faibles taux de croissance, et les mettre dans la trajectoire d’une croissance plus solide.
Les perspectives de croissance pour l’Afrique continuent de faire face à des risques domestiques et externes élevés, et le Continent se doit de réduire ces risques en diversifiant ses modèles commerciaux et ses économies à travers l’industrialisation. Renforcer l’intégration régionale de l’Afrique par la mise en place réussie de la Zone de libre-échange continentale pourrait augmenter le volume du commerce intra-africain de 35 milliards de dollars, réduire les importations en provenance de l’extérieur du Continent de 10 milliards de dollars et renforcer ses exportations de produits manufacturés de 21 milliards de dollars par an.
Selon une étude de la CEA, l’Afrique est devenue un moteur de la croissance mondiale avec quatre des dix économies mondiales les plus performantes, à savoir, la Côte d’Ivoire, la Tanzanie, le Rwanda et le Djibouti. Quel est votre commentaire ?
De nombreuses voix se sont fait l’écho de la croissance économique remarquable du Continent, qui a été en moyenne de 5% au cours des quinze dernières années. Les observateurs avertis se sont également exprimés avec passion à propos de la résilience remarquable du Continent, particulièrement démontrée par sa gestion réussie des turbulences causées par la crise financière et économique qui a débuté en 2007.
Comme le révèlent les données sur l’impact de la crise, c’est la première fois dans l’histoire récente que l’Afrique n’a pas été la plus grande victime d’un ralentissement économique mondial majeur. En effet, malgré la chute des taux de croissance du continent de 5%-7 % à 2%, l’Afrique s’est révélée être une des régions les moins touchées par la crise. Ces taux de croissance et cette résilience remarquables ont, avec des progrès importants dans d’autres domaines tels que la gouvernance et des politiques fiscales et monétaires saines, contribué au nouveau discours sur l’Afrique, qui décrit cette dernière comme un continent en plein essor, loin du stéréotype négatif qui lui a longtemps collé à la peau de «continent du désespoir».
L’effondrement des prix des matières premières auxquels les pays africains sont confrontés aujourd’hui est un défi qui peut être transformé en une opportunité rentable si le Continent, comme je l’ai indiqué précédemment, libère et diversifie le potentiel de ses économies. Les perspectives de croissance de l’Afrique demeurent favorables en raison de la forte demande intérieure en biens de consommation, et le renforcement des investissements publics dans les infrastructures.
Avec latribuneafrique