En 2010, après le premier tour de l’élection présidentielle, tout le monde salua unanimement la bonne organisation du scrutin par la Commission électorale indépendante (Cei) présidée par M. Youssouf Bakayoko. Il en fut de même après le second tour. Personne ne mit en cause, ni la compétence, ni la probité des membres de cette commission ou de son président.
Le problème se posa lorsque la Cei voulut proclamer les résultats. Le monde entier vit Damana Pickass, le représentant de Laurent Gbagbo au sein de la Commission, arracher des feuillets des mains de celui qui s’apprêtait à donner les résultats. La chance de ce pays est que cette scène, que les supporters de Gbagbo ont tendance à oublier, s’est déroulée devant les caméras de plusieurs télévisions étrangères venues couvrir notre élection.
On imagine aisément ce que ces gens auraient dit si le monde entier n’avait pas été témoin de leur forfaiture. Ces supporters ont, par la suite, accusé le président de la Cei d’avoir publié les résultats de l’élection à l’hôtel du Golf. évidemment, avec leur mémoire très sélective, ils ont aussi oublié que les forces de l’ordre avaient chassé tout le monde du siège de la Cei et occupé les lieux et que l’hôtel du Golf était le seul endroit sécurisé par l’Onuci à Abidjan, en dehors de son siège. Où auraient-ils voulu que le président de la Cei proclame les résultats lorsqu’ils lui ont eux-mêmes interdit l’accès à son bureau ? Le seul problème qu’il y eut par la suite est que Laurent Gbagbo refusa de reconnaître les résultats donnés, aussi bien par la Cei que par le représentant de l’Onu que toutes les parties avaient choisi comme certificateur des résultats du scrutin, et dont les précédentes certifications n’avaient fait l’objet d’aucune contestation au nom de notre souveraineté. D’où vient-il donc qu’aujourd’hui, des candidats refusent que la Cei soit à nouveau présidée par M. Bakayoko ? Pour le camp Gbagbo, ce dernier est devenu le diable parce qu’il n’a pas proclamé leur leader président, en dépit du choix de la majorité des Ivoiriens. J’en suis désolé, mais la démocratie n’est pas de la sorcellerie. C’est celui qui a le plus de voix qui gagne. C’est tout.
En 2010, nous avions eu le choix entre sortir notre pays d’une crise qui était en train de miner tous ses fondements ou y rester. Les Ivoiriens ont fait le choix démocratique d’en sortir. Mais le Chef de l’état d’alors a failli plonger à nouveau le pays dans une crise encore plus destructrice. Nous nous en sommes sortis, mais au prix de milliers de morts, avec à la clé, un pays fracturé. Nous tentons, depuis un peu plus de quatre ans, de recoller les morceaux de notre nation et de notre économie, avec comme leader, M. Alassane Ouattara. Dans moins de deux mois, nous aurons à choisir un nouveau chef. La possibilité est offerte à quiconque pense qu’il peut faire mieux que Ouattara de briguer nos suffrages. Et voici que des personnes qui ne sont pas capables de nous faire des propositions ou qui ont simplement décidé de boycotter le scrutin, parce que leur champion Gbagbo est en train de payer le fait de nous avoir conduit à la guerre et d’avoir fait tuer plusieurs innocents, font à nouveau planer sur notre pays la menace d’une nouvelle crise comme en 2010. On lit et entend que l’insécurité serait telle dans certaines régions du pays qu’il serait impossible d’y organiser une élection. De quelle région, de quel pays parle-t-on? En quoi la situation de notre pays aujourd’hui serait pire qu’en 2010 ? On lit et entend des critiques sur la composition de la Cei. Est-ce une commission électorale qui fait gagner une élection ? Qu’espère Charles Konan Banny lorsqu’il dit sans rire qu’il fera ses propositions aux Ivoiriens seulement lorsqu’il sera élu président ? Qu’espèrent Banny, Amara, KKB et Koulibaly lorsqu’ils sont incapables, à moins de deux mois du scrutin, d’aller à la rencontre du peuple ivoirien pour lui expliquer ce qu’ils peuvent faire de mieux que le Président sortant et concentrent tous leurs efforts sur la manière de créer une transition ? Or, pour qu’il y ait transition, il faut qu’il y ait violence. Les Ivoiriens sont-ils prêts à cela ? Vont-ils laisser des pieds nickelés de la politique venir hypothéquer à nouveau leur avenir ? Mon ami Marius Brou me dit toujours qu’il n’a plus envie de marcher du Plateau à Yopougon. Il y a eu pire que cela. Comme lui, aucun Ivoirien n’a envie de revivre les évènements de 2010-2011. Attendrons-nous que des apprentis pyromanes mettent vraiment le feu à notre pays avant de réagir ? Toutes les organisations internationales qui nous aident à organiser des élections claires et transparentes sont ici interpellées. Si elles estiment que l’organisation du prochain scrutin souffre d’irrégularités, qu’elles le disent. Si ce n’est pas le cas, qu’elles mettent au pas ou, tout au moins, dénoncent les apprentis sorciers.
Venance Konan
Ecrit par Venance Konan