Nazaire Sado est député à l’Assemblée nationale du Bénin. Il est à l’initiative d’une proposition de loi visant à limiter les dépenses lors de certaines cérémonies, notamment lors des funérailles et des mariages, qui, selon lui, ruinent les populations.
« Les dépenses consacrées aux mariages ne pourront être supérieures à 600 000 F CFA (environ 914 euros) et les funérailles à 500 000 F CFA (environ 762 euros). J’ai fait des calculs et ça ira », assurele président du parti Mobilisation pour le développement et l’avenir. Pour Nazaire Sado, les cérémonies de ce type sont ruineuses et relèvent de l’ « exhibitionnisme ». Le député veut ainsi mettre en place plusieurs restrictions en la matière. Ainsi, les 500 000 F CFA maximum qui seront, selon sa proposition de loi, dévolus à l’enterrement d’un individu devront suffire à couvrir l’achat d’une fosse, d’un cercueil, de la tenue du défunt et l’ensemble des frais de morgue.
Déposée en juillet devant l’Assemblée nationale, avant les vacances parlementaires, cette proposition de loi n’est en réalité pas tout à fait une nouveauté. Elle s’inspire – en la réactualisant – de l’ordonnance N° 11 PR/M.J.L. publiée au Journal Officiel du 15 Mai 1967, tendant à réprimer les dépenses excessives à l’occasion des cérémonies familiales au Bénin.
Alcool interdit lors des enterrements
Sûr de son fait, le député originaire de la commune de Bohicon, dans le sud du pays, veut surtout éviter les rivalités entre les membres de la famille quant à la somme dépensée en cas de mariage ou de funérailles. Il compte également interdire la consommation d’alcool lors des enterrements, car cela entraîne « beaucoup trop de dépenses ».
Il est important d’investir pour les vivants, plutôt que pour les morts
Par ailleurs, explique l’ancien membre du parti la Renaissance du Bénin, « en Afrique, il y a beaucoup de pauvreté, il n’est donc pas normal que l’on dépense comme on veut. Il est important d’investir pour les vivants, plutôt que pour les morts ». Également fondateur d’une ONG dédiée aux enfants, il s’offusque de ces cérémonies qui peuvent ruiner des familles : « Si vous avez un parent qui est malade, il vaut mieux trouver le temps et l’argent pour le soigner, au lieu de le laisser mourir. J’ai l’impression que certains gardent l’argent pour les cérémonies plutôt que pour soigner les malades. »
Pour Gérard Gbenonchi, député et membre du Parti social-démocrate (PSD), cette proposition de loi est réfléchie. « Nazaire Sado fait partie de la société civile, il voit ce qui se passe. Il a toujours eu le souci d’aller au secours des pauvres », affirme-t-il. Pour lui, le texte devrait même permettre de réduire les inégalités sociales : « Il y a une différence de budget entre les pauvres et les riches quand ils enterrent les morts. Il ne faut plus qu’il y ait de différences dans notre société. »
Cérémonies cantonnées au cercle privé
La proposition de loi de Nazaire Sado va au-delà de l’aspect financier des cérémonies rituelles. Elle propose également de supprimer les « réjouissances » pendant les cérémonies de décès, et restreint la liste de ceux qui sont autorisés à rester auprès de la famille après un enterrement. Le texte interdit en outre qu’un cadavre reste plus de huit jours à la morgue « au lieu d’1 à 12 mois en temps normal ». L’élu propose également de fixer à 22h la fin des cérémonies d’enterrement et à 23h celle des célébrations de mariage… Mais ce n’est pas tout !
Celui qui fut aussi un temps expert international aux Nations unies souhaite en outre « interdire les cérémonies de réception pour cause d’enterrement ou de mariages sur les places publiques ». Pour lui, ces célébrations doivent avoir lieu au domicile de la famille. Et si l’interdiction n’est pas respectée, des peines allant de 1 à 6 mois d’emprisonnement sont prévues, assorties d’amendes allant de 100 000 F CFA à un million de F CFA (de 152 à 1 524 euros).
Un texte qui ne fait pas l’unanimité
Si les rituels des cérémonies traditionnelles ne sont pas soumises aux dispositions de la proposition de loi, la démarche de Nazaire Sado ne fait pas l’unanimité. Ses détracteurs lui reprochent de vouloir réguler des habitudes bien ancrées dans la société béninoise. Pour le député Gilbert Agonkan, membre du parti La Renaissance du Bénin, la nouvelle loi serait complètement en désaccord avec la réalité socioculturelle du pays. « Il y a différentes cultures selon l’endroit où l’on habite. On ne peut pas imposer cette loi à toutes les régions de chez nous. »
Pour lui, les montants évoqués n’ont de plus rien à voir avec le coût des pratiques cultuelles. « Nous sommes dans un pays où il y a des musulmans, des chrétiens, des agnostiques. On ne peut pas interdire aux gens de célébrer leurs cérémonies. » Pessimiste, Gilbert Agonkan pense même que la proposition de loi ne dépassera pas l’étape de la commission des lois « où elle n’aura pas d’échos favorables », assure-t-il.
Aux députés qui émettent des réserves, Gérard Gbenonchi répond qu’il « les encourage à aller voir du côté du peuple ». Car selon lui, « les gens profitent parfois d’enterrements pour exhiber leur fortune ». Et l’élu de Bohicon dit avoir bon espoir quant à l’adoption de sa proposition de loi. « Certains députés partagent mes idées, et je suis ouvert aux discussions. La proposition de loi a été déposée au Parlement en juillet. Le texte va ensuite être discuté en commission, puis en plénière », conclut-il. Réponse, normalement, à la session parlementaire d’octobre.
Les documents relatifs au projet de loi :
Avec jeuneafrique