Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’y a aucun « super-riche » au Cameroun dépassant le milliard de dollars ! Contrairement à des pays voisins comme le Nigeria, la richesse se mesure davantage au patrimoine immobilier et dans la diversification d’un tissu d’entreprises à fort impact social. Rencontre avec quelques-uns de ces patrons de talent, mais extrêmement discrets dans un pays qui vient d’être mis sous perfusion par le FMI grâce à l’octroi, le 26 juin, d’une facilité élargie de crédit (FEC) de plus de 600 millions de dollars.
Les grandes fortunes « made in Cameroun »
Avec une croissance comprise entre 5,6 et 5,9 % par an entre 2013 et 2015, le Cameroun a vu émerger un nombre impressionnant de « milliardaires », mais en… monnaie locale ! En effet, aucune de ces grandes fortunes camerounaises ne dépasse – officiellement – le milliard de dollars. L’économie camerounaise, la plus importante de la sous-région, « fait face à une décélération de sa croissance, à un déclin de sa marge budgétaire et à une hausse rapide de sa dette publique », selon le directeur général adjoint du Fonds monétaire international, Mitsuhiro Furusawa. L’aide récemment mise en place pour injecter 666,2 millions de dollars dans l’économie camerounaise en trois ans intervient alors que les pays de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad) traversent une crise économique grave ayant fait resurgir le spectre d’une dévaluation du franc CFA.
En 2017, selon le magazine américain Forbes, qui effectue chaque année un classement des plus grosses fortunes de la planète, il y avait plus de 1 800 de ces « super-milliardaires » dans le monde, dont 29 Africains. Parmi eux, toutefois, « aucun ressortissant d’un pays d’Afrique francophone au sud du Sahara »… Les super-riches du continent sont sud-africains, kenyans ou nigérians, mais pas camerounais ! Selon Forbes, qui a enquêté sur place, le top 10 des « hommes » les plus riches du Cameroun en 2017 comprend une femme, Kate Fotso. À la mort de son époux, André Fotso, l’ancien président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam) décédé le 2 août 2016 à Paris, elle a hérité d’une partie de son immense patrimoine financier. En plus de sa propre société, Telcar Cocoa, installée à Douala et qui vend la quasi-totalité de sa production de cacao au géant américain Cargill. Originaire d’une province anglophone, cette entrepreneur réputée a une fortune estimée à 252 millions de dollars, ce qui la met en 8e position de ce classement.
Les rois de l’immobilier s’imposent
Kate Fotso devance Joseph Kadji Defosso (205 millions de dollars), le fondateur en 1972 de l’Union camerounaise des brasseries (UCB). Cette société compte aujourd’hui plus d’un millier de salariés. Ainsi qu’André Sohaing (240 millions de dollars), le fondateur du Groupe Sohaing et de l’hôtel Akwa Palace à Douala, décédé le 23 juillet 2016 en laissant une fortune immobilière considérable à sa famille. De la 7e à la 4e place, on trouve quatre autres de ces « milliardaires » locaux, parmi lesquels Sylvestre Ngouchinghe, le PDG de Congelcam, l’une des plus grandes entreprises camerounaises de vente de produits de mer congelés (280 millions de dollars) ; Nana Bouba, un self-made-man qui a démarré comme chauffeur et qui pèse actuellement la bagatelle de 310 millions de dollars ; Jean Samuel Noutchogouin (315 millions de dollars), actionnaire du groupe CFAO, également présent dans divers secteurs d’activité dont l’industrie alimentaire ; ou encore Colin Mukete (380 millions de dollars), propriétaire de la chaîne STV2 et PCA de l’opérateur MTN au Cameroun, qui détient également depuis 2015 des actifs de la société minière International Mining & Infrastructure Corporation ainsi que sa propre agence de publicité.
Enfin, dans le tiercé de tête, on trouve en 3e position Samuel Foyou (407 millions de dollars), propriétaire d’entreprises performantes comme Plasticam, Unalor et Moore Paragon, qui est également très actif dans le domaine de la brasserie et de l’hôtellerie. Il est précédé de Paul Fokam Kammogne (690 millions de dollars), le patron d’Afriland First Bank, l’une des plus grandes institutions bancaires au Cameroun qui compte également plusieurs succursales réparties un peu partout en Afrique. Ce touche-à-tout vient de lancer un prix de l’entrepreneuriat pour l’Afrique et se consacre également depuis Genève à plusieurs fondations. Tandis que, pour la seconde année consécutive, la palme d’or revient à Baba Danpullo, très actif dans l’immobilier et dans l’agro-industrie. Ses résultats dans les deux grandes entreprises qu’il contrôle (Brodon Finex et le groupe Cop Rouge) le dotent d’un patrimoine financier affiché estimé à 940 millions de dollars. Pas encore le milliard de dollars qui ferait de lui un « super-riche » selon les critères de Forbes, mais presque !
Avec lepointafrique