Durant deux jours, mardi et mercredi, au siège de la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan, les responsables du département agriculture se sont réunis avec les responsables de l’International Institute of Tropical Agriculture (IITA) et de l’Alliance for a Green Revolution in Africa (Agra), des représentants de deux pays – le Ghana et le Cameroun – ainsi que différents partenaires africains et internationaux. A la clef, la structuration d’un projet d’envergure continentale tendant à promouvoir l’emploi dans l’agriculture et en zones rurales dans 20 pays d’Afrique, intitulé Empowering Novel Agribusiness-Led Employment for Youth in African Agricuture (ENABLE Youth).
D’un coût estimé à $ 130 millions, ce projet d’une durée de 5 ans a pour ambition de toucher 800 000 jeunes dans 20 pays du continent. L’idée principale consiste à reproduire ce que l’IITA, leader du projet, a déjà expérimenté depuis 2012 : des jeunes diplômés, pas nécessairement dans le domaine agricole, se voient donner la possibilité de lancer leur entreprise et, plus généralement, de trouver un emploi grâce au mécanisme d’incubateur. Les initiatives de ces Youth Agripreneurs (Entrepreneurship in agriculture) de l’IITA se révèleraient prometteurs.
L’IITA avec Agra et la BAD entendent donc répliquer à grande échelle ce modèle de création d’emplois ruraux et agricoles qui se veulent innovants, avec des jeunes aussi bien diplômés que non diplômés.
“La question du chômage des jeunes ne se pose pas uniquement dans le secteur agricole“, explique Chiji Ojukwu, directeur du département agriculture et agro-industrie de la BAD, à CommodAfrica. “Elle se pose dans la plupart des secteurs de l’économie. Mais nous estimons que l’agriculture est le parent pauvre et c’est là que nous pouvons les intégrer rapidement.”
“Bien sur, les problèmes sont connus et les conséquences aussi : un grand nombre de personnes qui meurent sur des bateaux, voulant migrer vers l’Europe. C’est la crainte de Boko Haram, de l’insécurité mais cela résulte surtout du chômage. Si des emplois étaient créés, le phénomène serait moins important. Et une façon d’avancer, c’est à travers l’agriculture“, poursuit le responsable.
Le projet devait démarrer en 2015 mais ceci est reporté à 2016 car il n’est pas encore bouclé. Il reste à trouver les financements. Sur le total de $ 130 millions, la BAD prendrait à sa charge $ 76 millions, les autres bailleurs et le secteur privé $ $ 45,7 millions, les pays demandeurs et bénéficiaires $ 7,6 millions.
Travailler sur les mentalités
Au siège de la BAD cette semaine, il n’y avait que deux pays présents sur les 20 qui auraient manifesté leur intérêt, le Ghana et le Cameroun. “Le plus gros des ressources financières n’est pas encore rassemblé à ce jour. Donc nous allons procéder pays par pays. Au fur et à mesure qu’ils nous approcheront, nous sécuriserons les financements nécessaires et démarreront“, explique encore le responsable.
En quoi ce projet se distingue-t-il de tant d’autres, les jeunes, l’agriculture et l’emploi étant les nouveaux trois thèmes omniprésents parmi les bailleurs ? “D’importants efforts sont faits pour l’emploi des jeunes, mais on voit peu d’approches ciblées et structurées. Beaucoup de projets se focalisent sur la formation et pensent que cela se traduira en emplois. Mais il faut aussi travailler sur les mentalités. C’est pourquoi nous optons pour l’approche par incubateur où nous rassemblons les intéressés pendant 18 mois, nous les formons afin qu’au moment où ils retournent dans la vraie vie, ils soient bien préparés.”
ENABLE Youth est actuellement le projet phare de la Bad en la matière même si la question de l’emploi et, plus généralement, du rôle des jeunes dans la transformation du monde rural est l’axe de nombreux projets de la banque aujourd’hui, que ce soit en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Sierra Leone, en Gambie, au Nigeria. Mercredi, la BAD a approuvé un nouveau projet, au Burkina Faso, axé sur l’irrigation, avec à la clef la création de 3 000 emplois.
Avec CommodAfrica