Alors que son comité de notation a révisé les perspectives de la notation « AAA » ou « triple A » de la BAD de stables à négatives, l’Agence de notation Fitch s’est finalement ravisée après avoir reçu des informations supplémentaires de la banque panafricaine. Pour autant, Fitch s’est inquiétée de l’augmentation de l’endettement de la Banque africaine de développement (BAD) afin de financer ses décaissements en hausse. En plein élan pour financer le développement africain et malgré des fondamentaux toujours solides, la BAD risque de devoir réduire la voilure en raison de la conjoncture qui amplifie son exposition à certains risques.
Le « triple A » de Fitch à la Banque africaine de développement (BAD) garde finalement son éclat intact. Il s’en est fallut pourtant de peu pour que l’agence de notation internationale en révise les perspectives de stables à négatives, en raison notamment d’une croissance rapide des prêts au cours des deux dernières années qui s’est traduite parallèlement par une augmentation rapide de l’endettement de la BAD.
Le comité de notation de l’agence a ainsi validé la révision, mais à la suite de l’appel à informations supplémentaires, Fitch s’est ravisée et a maintenu la notation « AAA avec perspective stable », l’une des meilleures notes de Fitch Rating et qui fait de la BAD, l’une des institutions les mieux notées du Continent.
« Conformément aux politiques de Fitch, l’émetteur a fait appel et fourni des informations supplémentaires, ce qui a donné lieu à une action de notation différente de celle du résultat du comité de notation initiale », s’est ainsi expliqué l’agence.
« La BAD jouit d’un soutien solide de ses 80 États membres, qui incluent 26 États hors Afrique dotés de notations financières élevées. La part du capital de la BAD souscrite par ces États, notamment les États-Unis, l’Allemagne et le Canada, compte pour 21% du total. Ce qui couvre la dette nette de la banque à la fin 2016. Mais nos projections indiquent que ce ne sera pas le cas en 2019 », ont certes mis en avant Fitch justifiant ainsi le maintien du triple A. Toutefois, « la dette nette ne sera plus couverte par les capitaux de ses actionnaires notés AAA à compter de 2019, à moins qu’intervienne une augmentation de capital ou que les prêts ne soient revus à la hausse ».
Fondamentaux solides en dépit d’une plus grande exposition aux risques
Les meubles sont donc sauvés et la BAD peut continuer à s’appuyer sur sa bonne notation pour mobiliser les fonds propres pour sa croissance. Dans son rapport de notation, Fitch a d’ailleurs relevé que « la solvabilité de la banque reste bonne malgré tout » même « si la capitalisation, bien qu’importante a nettement décliné, comparée au niveau de ses engagements ».
De même, l’exposition de la BAD aux risques demeure relativement basse selon Fitch quoique le changement de la politique d’allocation de crédit, décidé en 2014, ait augmenté l’exposition sur certains pays considérés comme pauvres du continent et qui peuvent désormais accéder à certains guichets concessionnels de la banque.
L’agence Fitch a par contre fait cas d’une plus grande exposition de la BAD à certains facteurs à risques. La génération du capital en interne est affectée par les faibles taux d’intérêt des placements et le coût élevé de l’opération de relocalisation du siège de la BAD de Tunis à Abidjan, a souligné par exemple l’agence qui a également pointé du doigt la baisse du ratio fonds propres/actif de la banque de 27 à 23% entre 2015 et 2016, une détérioration qui devrait se poursuivre les années à venir.
La BAD est aussi exposée dans les pays exportateurs de pétrole comme l’Angola qui fait face actuellement à une crise de liquidité de même que certains pays d’Afrique du Nord sous pression comme l’Egypte.
Si le réajustement de la stratégie de la Banque lui a permis de diversifier son portefeuille avec la part des cinq gros clients qui a été ramenée de 54 à 36% de l’encours global entre 2014 et 2016, Fitch a aussi mis en avant la forte exposition de la banque au secteur privé. Ce dernier représentait 24,5% de ses engagements à fin 2016 alors que les taux des impayés pour ce pôle est d’environ 9%.
Réduction de la voilure en vue
En plein élan pour la mobilisation de plus de financements en faveur de la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie portée par cinq nouvelles priorités, les « high 5 », la BAD garde son attractivité intacte sur les marchés. Toutefois, les inquiétudes que vient de soulever Fitch méritent une plus grande attention de la part du Conseil d’administration du groupe ainsi que de son management, surtout au regard de la conjoncture que traverse le continent.
Comme scénario de base, Fitch s’attend ainsi à ce que les approbations de prêts soient considérablement réduites après le pic de 2016 avec plus de 6,1 milliards de dollars, avant de se stabiliser légèrement en dessous de 4 milliards de en 2018 et en 2019, entraînant ainsi une croissance plus lente des actifs. De même, comme annoncé par le PDG de la BAD Akinwumi Adesina, une augmentation du capital de la banque sera approuvée par les actionnaires au cours des deux prochaines années. Cependant et selon les prévisions de l’Agence, la qualité moyenne des prêts va s’éroder dans les trois prochaines années, ce qui entraînerait alors une baisse de la notation moyenne des prêts à «BB-» même si selon Fitch, la concentration des risques continuera de s’améliorer avec la part des cinq principaux clients ramenée à 30% du portefeuille bancaire total d’ici 2020.
De manière générale, Fitch Rating estime que les perspectives de la Banque sont stables en dépit de quelques facteurs qui pourraient conduire, individuellement ou collectivement, à une révision négative de la notation.
Il convient de relever que dans son analyse, Fitch n’a pas manqué de relever « la qualité élevée de la gouvernance de la banque ainsi que de sa gestion en plus du soutien opérationnel des Etats membres », des éléments qui pourraient servir en cas de besoin à atténuer les risques majeurs pour la BAD.
Avec latribuneafrique