Depuis les années 1960, la part du budget des Français consacrée à l’alimentation s’est largement réduite, notamment car le pouvoir d’achat s’est amélioré. Mais ces dernières années, la tendance s’est quelque peu inversée.
Les États généraux de l’alimentation, qui s’ouvrent ce jeudi, tenteront de réconcilier les différents acteurs du secteur, tout en répondant aux attentes des consommateurs. D’autant que ces derniers y consacrent une grande partie de leurs dépenses.
Malgré tout, depuis les années 60, les Français ont sans cesse réduit la part de leur budget consacrée à l’alimentation. Celle-ci représentait ainsi près de 20% des dépenses en 2014 contre 35% dans les années 60, selon la dernière enquête de l’Insee sur le sujet (2015).
Cette tendance à la baisse depuis 50 ans s’explique par une hausse du pouvoir d’achat. Calculé en valeur (en prenant en compte l’inflation), celui-ci a augmenté “de 10,7% entre 1960 et 1990”, indique à l’AFP Lorraine Aeberhardt, chef de la division synthèse des biens et des services de l’Insee.
La part du budget consacrée à l’alimentation a “quasiment perdu un point chaque année jusqu’en 1990, date à laquelle on a atteint la limite de saturation”. En effet, “ce n’est pas parce qu’on gagne deux fois plus qu’on va manger deux fois plus”, explique-t-elle. Les Français dépensent alors pour le logement, les loisirs, les transports…
Toutefois, selon les chiffres actualisés de l’Insee, “la part du budget allouée à l’alimentation a augmenté de 0,33% entre 2012 et 2016”, indique la statisticienne, s’appuyant sur un calcul comprenant produits alimentaires à domicile, boissons et restaurants.
Léger inversement de tendance
Les Français seraient-ils disposés à inverser la tendance ? Les réponses des spécialistes divergent.
Pour Lorraine Aeberhardt, cette “légère hausse” entre 2012 et 2016 montre une “stabilisation du budget alloué à l’alimentation, qui ne décroît plus depuis les années 90”. “Il serait vraiment dangereux de parler d’un retournement de situation.”
Mais pour Pascale Helbel, directrice du pôle consommation et entreprise du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), “c’est du jamais vu”. Cette augmentation “inédite” serait due à plusieurs facteurs marquants, dont le centre réalise des baromètres sur les préférences alimentaires des Français tous les trois ans.
Économiquement, la crise de 2008 a fragilisé les portefeuilles, ce qui aurait incité les Français à “arbitrer en faveur de l’alimentation” contre des postes de dépenses comme la high-tech.
Sanitairement, alors qu’avant la crise les Français “traumatisés par la crise de la vache folle” dépensaient juste ce qu’il fallait pour se nourrir sans tomber malade, “pendant la crise, les Français en ont eu marre de se poser des questions sur leur santé et ont réhabilité le plaisir”.
Le bio plébiscité
Les classes supérieures n’auraient pas réagi de la même manière à la crise de la viande de cheval en 2013 qu’à celle de la vache folle aux débuts des années 90: au lieu de se détourner de leur assiette en dépensant moins, elles auraient alloué une part plus importante de leur budget pour une alimentation saine “en se reportant sur les produits bio, les labels, le circuit court”, détaille Pascale Helbel.
La consommation bio à domicile par les ménages a augmenté de 21,7% en valeur en 2016 par rapport à 2015, a noté de son côté l’Agence Bio.
L’Insee souligne la modification de la composition du panier depuis 1960. Malgré les polémiques sur ses impacts nutritif et environnemental, la viande reste l’élément pesant le plus sur le budget alimentaire des Français. Avec toutefois une croissance moins rapide qu’il y a cinquante ans. La viande représente “15% du budget alimentation en 2014” contre “20% en 1960”, précise Lorraine Aeberhardt. “Mais cette croissance moins rapide de la viande achetée chez le boucher traduit en partie le fait qu’on achète plus aujourd’hui des plats préparés ou que l’on mange plus au restaurant”.
Avec AFP