Le fils aîné du président américain Donald Trump a admis mardi avoir volontairement rencontré une avocate présentée comme émissaire du gouvernement russe, apparemment désireuse de fournir au candidat républicain des informations compromettantes sur sa rivale présidentielle, Hillary Clinton.
Dans un extraordinaire rebondissement de l’affaire qui empoisonne le mandat du 45e président des États-Unis, son fils Donald Jr., 39 ans, a publié de lui-même sur Twitter quatre pages de messages échangés en juin 2016 avec un intermédiaire britannique, après avoir été informé par le New York Times de leur divulgation imminente par le quotidien.
Donald Trump Jr. a été contacté le 3 juin 2016 par cette connaissance, Rob Goldstone, un agent représentant le chanteur russe Emin Agalarov, dont la famille est proche de celle de Donald Trump.
Rob Goldstone informe le fils Trump que le procureur général de Russie (qu’il appelle, selon une formulation britannique, “procureur de la Couronne”) a proposé au père d’Emin Agalarov, Aras, de “donner à la campagne Trump des informations et documents officiels qui incrimineraient Hillary et ses transactions avec la Russie et qui seraient très utiles à votre père”.
“Ce sont évidemment des informations de très haut niveau et sensibles, mais qui font partie du soutien de la Russie et de son gouvernement pour M. Trump”, écrit Rob Goldstone, qui demande la marche à suivre et si le fils Trump serait prêt à parler à Emin Agalarov à ce propos.
“Si c’est ce que vous dites, j’adore (l’idée), surtout plus tard cet été”, a répondu Donald Jr. 17 minutes plus tard.
S’ensuit un échange de messages pour tenter de caler d’abord une conversation téléphonique entre Emin Agalarov et Donald Jr., puis un rendez-vous, le 9 juin 2016 à la Trump Tower, avec une avocate russe venue de Moscou et présentée comme “avocate du gouvernement russe”, Natalia Veselnitskaya. La rencontre a bien lieu à Manhattan, au 25e étage de l’immeuble, en compagnie du gendre du milliardaire, Jared Kushner, et de son directeur de campagne, Paul Manafort.
Le New York Times révélait depuis samedi l’existence et les circonstances de cette rencontre avec Mme Veselnitskaya. Pris de court, Don Jr. a publié de lui-même la chaîne de courriels “afin d’être totalement transparent”.
“La femme, comme elle l’a dit publiquement, n’était pas une responsable gouvernementale”, a déclaré Donald Jr. dans un communiqué, ajoutant pour sa défense qu’elle n’avait finalement “pas d’information à donner” et voulait en réalité parler de la loi américaine Magnitski sanctionnant des Russes pour des violations de droits de l’homme.
– “Inacceptable” –
Mais les messages ont immédiatement enflammé la capitale américaine. Au Capitole, le mot de trahison n’était plus tabou pour certains démocrates.
“Nous sommes au-delà de l’entrave à la justice. Nous entrons dans le parjure, les fausses déclarations et peut-être même la trahison”, a déclaré le sénateur démocrate Tim Kaine, ancien colistier d’Hillary Clinton, sur CNN.
Les parlementaires républicains ne pouvaient s’esquiver face à ces révélations, les premières qui établissent aussi clairement des contacts de nature politique entre la garde rapprochée de Donald Trump et des proches du pouvoir russe en pleine campagne présidentielle.
“C’est très problématique”, a réagi le sénateur républicain Lindsey Graham. “Nous ne pouvons tolérer qu’un gouvernement étranger contacte une équipe de campagne et dise, +on veut vous aider+. C’est inacceptable”.
Le fils Trump, qui codirige avec son frère le groupe familial et fut un conseiller omniprésent de son père lors de la campagne, devrait être appelé rapidement à s’expliquer sous serment devant le Congrès.
La rencontre a eu lieu le 9 juin 2016, à une époque où le grand public ignorait encore que le parti démocrate avait été piraté; les messages internes dérobés ne seront diffusés que quelques semaines plus tard par un hacker ensuite associé au renseignement russe. Le gouvernement américain attendra octobre avant de publiquement accuser la Russie de piratages.
Donald Trump a toujours nié une quelconque collusion entre sa campagne et le pouvoir de Vladimir Poutine. L’existence d’une éventuelle connivence fait pourtant l’objet d’une enquête du procureur spécial Robert Mueller, ainsi que de plusieurs commissions du Congrès.
Pour le dirigeant républicain, l’affaire russe est une cabale des démocrates pour justifier leur défaite dans les urnes.
Mais la multiplication des contacts entre ses proches et des intermédiaires russes sape sa défense.
L’avocate Natalia Veselnitskaya a elle-même dit, dans une interview à MSNBC, que le trio qu’elle a rencontré “voulait probablement de telles informations. Ils les voulaient vraiment”.
L’ancien directeur de campagne d’Hillary Clinton, Robby Mook, a quant à lui posé la question qui devrait désormais concentrer les débats: “Que savait le président, et quand l’a-t-il appris?”. Une question célèbre, passée à la postérité après avoir été posée par un sénateur en 1973 lors de l’enquête sur le scandale du Watergate, qui fit tomber le président Richard Nixon.
Avec APR