C’est une interview exclusive sur RFI. Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon, répond aux attaques. Une plainte a été déposée en France, fin juin, contre la magistrate, l’accusant d’escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux. Elle est également visée par une enquête préliminaire du Parquet national financier pour détournements ou encore blanchiment en bande organisée. Marie-Madeleine Mborantsuo, également belle-mère du président gabonais Ali Bongo, dirige l’une des institutions les plus importantes du Gabon. Institution qui a confirmé la victoire contestée du chef de l’Etat à la dernière élection. Accusée de partialité par l’opposition, Marie-Madeleine Mborantsuo se défend bec et ongles au micro de RFI.
RFI : les plaignants vous accusent notamment d’avoir falsifié vos diplômes, soi-disant parce qu’à l’époque vous avez obtenu votre maîtrise de droit à l’université Omar Bongo et que celle-ci ne formait que jusqu’à la licence. Que répondez-vous ?
Marie-Madeleine Mborantsuo : A l’époque, certes, l’université Omar Bongo délivrait une licence. C’était la licence ancien régime – quatre ans – qui peut nous amener à sortir directement en 3e cycle. Donc au niveau DEA. En fait, c’était la maîtrise.
La plainte dit également que vous êtes devenue magistrate à travers un poste d’auditeur à la chambre des comptes de la Cour suprême. Là, les plaignants soutiennent que devenir magistrat se faisait par concours à l’époque. Là encore, comment réagissez-vous ?
L’Ecole nationale de la magistrature au Gabon ne formait pas du tout les magistrats de l’ordre financier. Mais en 1979, lorsque nous obtenons notre diplôme, le gouvernement gabonais est obligé de désigner un président pour mettre en place la chambre des comptes de la Cour suprême et ce président avait été amené à se retourner vers les diplômés pour pouvoir recruter. Et le grade de ces magistrats, c’est auditeur.
C’est ensuite que vous êtes entrée à la Cour constitutionnelle, en 1991. L’institution a été réformée en 2003. La plainte dit que vous n’auriez pas dû être reconduite parce qu’à l’époque vous finissiez votre second mandat et donc vous seriez illégalement en poste depuis onze ans. Qu’est-ce que vous en pensez de cet argument ?
Ces plaignants… Enfin, je ne sais même pas la faute de tout cela. Il paraît qu’ils ont même un avocat. Est-ce que cet avocat a fait du droit ? Les dispositions initiales sur la base desquelles les membres de la Cour constitutionnelle avaient été désignés avaient été modifiées en profondeur. La Constitution elle-même était claire ; les modifications ne s’appliquaient pas au mandat antérieur. C’est un acharnement. Parce qu’on cherche avec la petite torche ce qu’on peut faire contre madame Mborantsuo Madeleine pour la salir. Parce que dans cette fameuse plainte on va parler de ma vie privée. On va dire : voilà, madame Mborantsuo a validé l’élection. C’est une juridiction composée de neuf membres qui prend la décision, ce n’est pas madame Mborantsuo Madeleine. Sauf si les gens pensent qu’au Gabon, les textes ne servent à rien du tout. L’objectif visé étant d’affaiblir madame Mborantsuo. C’est même de porter atteinte à la stabilité des institutions du Gabon.
Comment rester impartiale en tant que magistrate lorsqu’on a eu des enfants avec le père du président actuel ?
Comment certains membres de cette opposition se sont dressés contre le président en exercice, alors qu’ils ont eu des enfants avec sa sœur, avec son père, avec son frère ? Plusieurs membres de cette juridiction sont parents directs de certains membres de cette même opposition. Comment ont-ils fait jusque-là pour se déterminer librement ?
Est-ce qu’il ne faudrait pas réformer la Cour pour éviter tout conflit d’intérêts ?
Le Gabon ne compte que moins de 2 millions d’habitants. Nous nous connaissons tous. Sauf à dire que les prochains membres de la Cour doivent être désignés dans un autre pays, ce n’est pas ce que je souhaite.
Il y a une enquête préliminaire en cours en France. Est-ce que vous restez sereine ?
Je suis haut magistrat. Je travaille depuis presque quarante ans déjà. Et j’ai occupé plusieurs fonctions, même sur le plan international. Alors dans cette enquête préliminaire, il ne s’agit pas de la justice de règlement de comptes, il s’agit de la vraie justice dans un Etat de droit. L’occasion me sera donnée pour apporter tous les éléments me concernant, le peu que je peux avoir. C’est pour vous dire que je suis sereine, c’est le fruit de mon travail.
Selon le Canard Enchaîné, vous auriez réalisé des transferts de fonds importants dans des banques au Canada, au Luxembourg, à Monaco. Des policiers auraient saisi 100 000 euros en liquide à Versailles dans un de vos appartements, puis saisi un million d’euros à Monaco. Est-ce que vous confirmez ces faits ?
Je n’ai jamais vu un seul document, je n’ai vu aucun juge. Donc je ne confirme rien.
Vous avez bien confirmé il y a quelques jours à Jeune Afrique avoir transféré des avoirs, notamment à Monaco ?
Est-ce que sur votre antenne, on peut mener une instruction ? Vous pouvez avoir les papiers ? Le rôle c’est de rapporter. C’est ce que j’ai noté. Rapporter. Quand on me donnera le temps de me défendre, je vous communiquerai à, vous personnellement, les éléments du dossier.
Vous démentez avoir parlé à Jeune Afrique, il y a quelques jours ? Avoir expliqué ces transferts de fonds à Monaco ?
Je pense que sur ce point-là, si je l’ai dit, je n’ai plus besoin d’en parler ici.
Un nouveau gouvernement devrait être annoncé. Certains médias gabonais disent que vous pourriez en faire partie ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je ne m’occupe pas de ce que les médias disent. J’ai un mandat là où je suis et il se termine en 2019. Et ceux dont le mandat n’est pas renouvelé peuvent être, à ce moment-là, appelés à servir partout où le besoin se fera.
Avec RFI