RFI- Les présidents africains sont nombreux à confier leur santé aux hôpitaux des anciennes métropoles coloniales, mais aussi du Maroc, de l’Afrique du Sud ou des pays émergents. Certains restent sur le continent ou se font au contraire discrets. Très peu font construire les hôpitaux modernes qui éviteraient leur évacuation sanitaire et celles de leurs citoyens vers l’étranger.
Les chefs d’Etat francophones, héros du nationalisme africain ou non, ne cachent pas leur faible pour les hôpitaux militaires français, dont le Val-de-Grâce à Paris. C’est là que Dioncounda Traoré, président par intérim, avait reçu des soins en mai 2012 après avoir été agressé à coups de marteau par des manifestants au palais de Koulouba, à Bamako.
Parmi les habitués des lieux figure aussi Abdelaziz Bouteflika, le président désormais invisible de l’Algérie. De son côté, l’actuel président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé IBK, préfère l’hôpital militaire Bégin de Saint-Mandé, en région parisienne.
Quant à l’hôpital américain de Neuilly, on y croise toute une élite francophone issue du continent. Cet établissement réputé cher est fréquenté par le président ivoirien Alassane Ouattara, de même que par ses homologues tchadien Idriss Déby et gabonais Ali Bongo, en raison de sa bonne réputation en termes d’accueil et de soins spécialisés.
Le père d’Ali Bongo, lui, s’est éteint en 2009 dans une clinique de Barcelone, en Espagne, une ville également prisée pour ses services de santé par le président angolais José Eduardo dos Santos, 74 ans. Denis Sassou-Nguesso, 73 ans, chef de l’Etat congolais, privilégie lui aussi l’Espagne, mais plutôt à Marbella, station balnéaire bétonnée de la Costa del Sol, une destination de vacances pour lui officiellement. C’est là que les réseaux sociaux et l’opposition se sont empressés d’annoncer, à tort, le décès de son épouse Antoinette en mars dernier.
Le président du Cameroun, Paul Biya, 84 ans, figure avec ce dernier parmi les chefs d’Etat africains accusant la plus grande longévité au pouvoir. Il se fait soigner en Allemagne et en Suisse, en raison là encore des faiblesses notoires du système de santé dans son pays. Il réside d’ailleurs une bonne partie de l’année dans sa résidence de Lausanne, après avoir longtemps occupé le sixième étage de l’Hôtel Intercontinental de Genève.
Singapour plutôt que l’Afrique du Sud
Ailleurs en Afrique, les liens ne sont pas forcément aussi étroits avec l’Europe. Robert Mugabe, 93 ans, a une ambulance à la fin de son cortège présidentiel quand il circule dans la capitale Harare et se fait régulièrement soigner en Malaisie, pays ami. Mais aussi à Singapour où il s’est rendu pour une « opération des yeux », selon son porte-parole en 2014, alors que des câbles Wikileaks et la presse zimbabwéenne indiquent qu’il se bat depuis des années contre un cancer de la prostate.
Singapour se montrant réticent à l’accueillir, en raison de ses « faibles chances de survie » toujours selon la presse zimbabwéenne, il a été évacué à Dubaï en août 2016, en plein sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Le « vieux crocodile » en est rentré un mois plus tard, prêt à narguer ses opposants avec l’une de ses fameuses petites phrases : « Oui, j’étais mort mais j’ai ressuscité ».
Nelson Mandela, lui, a longuement combattu sa pneumonie chez lui, en Afrique du Sud, où il a été soigné par l’un des meilleurs hôpitaux privés du pays, le Mediclinic Heart Hospital de Pretoria, des séquelles de la tuberculose qu’il a contractée en prison, au bagne de Robben Island. Les hôpitaux sud-africains reçoivent de hautes personnalités africaines, plutôt des opposants que des chefs d’Etat, qui préfèrent sans doute ne pas mêler leurs problèmes de santé à des questions diplomatiques.
Le président nigérian Umaru Yar’Adua est décédé le 5 mai 2010 d’un problème cardiaque au Nigeria, après avoir été soigné à Londres et en Arabie Saoudite. L’actuel président du Nigeria, Muhammadu Buhari, multiplie depuis janvier dernier les soins de santé à Londres, officiellement pour une infection de son oreille interne. Il y est resté 50 jours entre janvier et mars pour y retourner en mai pour un suivi.
Plusieurs hôpitaux fiables existent pourtant au Nigeria. Il faudrait cependant, selon le docteur Ola Brown, la fondatrice du service d’ambulances par hélicoptères Flying Doctors, 30 milliards de dollars pour équiper chaque Etat de la fédération d’un hôpital.
Discrétion
Dans le reste de l’Afrique anglophone, de manière générale, on reste discret sur les soins reçus à l’étranger, qu’il s’agisse des pays du Golfe, de l’Afrique du Sud, de Londres ou des Etats-Unis. Yoweri Museveni, qui ne communique pas plus que Paul Kagamé ou Uhuru Kenyatta sur ses soins de santé personnels, multiplie en revanche les visites-surprises dans les hôpitaux ougandais pour vérifier leur état de fonctionnement.
Le président ougandais a lancé en 2015 la construction d’un hôpital universitaire à Kampala avec la Fondation Aga Khan et décidé de construire avec des partenaires italiens et sur des financements allemands un hôpital international spécialisé de 264 lits à Lubowa, sur la route d’Entebbe, déjà critiqué pour être un hôpital de « super-riches ».
Quant à Macky Sall, 55 ans, le président du Sénégal a adopté la discrétion des anglophones et ne laisse rien filtrer des lieux où il se fait suivre médicalement. Il a cependant dû faire face à la bruyante fronde provoquée depuis janvier par la panne de l’unique appareil de radiothérapie du pays, une machine française qui date de 1989 et n’a jamais été remplacée, à l’Hôpital Le Dantec de Dakar.
Avec APR