Certes, l’erreur est éducative. Mais à force d’accumuler les bévues, on frôle parfois l’incompétence. Petite revue des impairs à proscrire dans la gestion de vos équipes.
Démotiver votre équipe ? Saboter votre autorité ? Transformer votre service en pétaudière ? Rien de plus facile ! Il suffit de ne pas écouter vos collaborateurs, de leur fixer des objectifs irréalistes ou de leur parler de votre dernier job en permanence en soulignant à quel point vos anciens collègues étaient plus performants qu’eux. Autant d’habitudes à perdre sans tarder. Ces exemples vont vous y aider.
Changer de cap sans donner aucune explication
Responsable du marketing d’une PME familiale de viennoiseries, Sofiane a bossé d’arrache-pied au lancement d’une gamme pâtissière… qui a été abandonnée du jour au lendemain sans la moindre explication. “Aujourd’hui, avant de m’investir dans un projet, je commence par poser des questions autour de moi pour être sûr qu’il ne s’agit pas d’une lubie du boss”, ironise Sofiane. Vivre ce type de revirement sans être tenu au courant de sa cause est très difficile pour un employé. “Il aurait fallu expliquer cette décision, sans forcément dévoiler ce qui relevait d’une stratégie confidentielle”, estime Grégory Drivet, coach spécialisé dans le développement personnel chez Uniqpeople. Expliquer à ses coéquipiers ce que l’on fait ou ce que l’on refuse, c’est le b.a.-ba du management !
Consulter son équipe, mais ne pas tenir compte de son avis
Dans une entreprise industrielle, le manager prenait le temps de demander l’opinion de ses proches collaborateurs sur ses projets… mais il avait déjà son idée et ne comptait pas en changer ! “C’était sa manière de garder le contrôle en mettant tout le monde en compétition, commente Paule Boffa-Comby, présidente de ReThink&Lead, qui a publié Le Leader collectif. Un nouvel art du pouvoir chez Dunod. Résultat : chacun critiquait son voisin et cherchait à se couvrir.” Pour travailler en bonne intelligence, votre équipe a besoin d’un cadre clair et d’une confiance partagée. Personne n’est dupe si vous vous contentez de faire semblant. Idem pour les outils collaboratifs, si prisés dans les start-up : “Ils ne servent à rien si les avis qui s’échangent vont directement aux oubliettes”, ajoute la coach.
Évoquer sans cesse sa boite précédente
C’est l’un des plus sûrs moyens de rater votre entrée : débarquer dans une entreprise et proclamer que rien ne mérite d’être sauvé ou qu’on travaillait bien mieux dans votre ancienne boîte… Rien de tel pour tuer l’enthousiasme d’une équipe et dégringoler dans l’estime de vos nouveaux collègues. “Le manager doit au contraire s’immerger dans le milieu qu’il intègre, aller à la rencontre de chacun, se montrer modeste dans son approche… Et construire une relation de qualité au présent, au lieu de rester figé sur son passé”, soutient Hervé Borensztejn, responsable Europe du département leadership de Heidrick & Struggles.
Faire fi de la culture maison
Quand la nouvelle direction d’une entreprise d’aéronautique est arrivée avec, dans ses soutes, le slogan “Osez la créativité !”, les managers n’en croyaient pas leurs oreilles. Ils devaient désormais multiplier les initiatives, prendre des risques, repousser les limites, comme dans une agence de pub ! Or la culture professionnelle de cette industrie de pointe est tout entière tournée vers la sécurité et le contrôle des process. “Les ingénieurs soumis à cette injonction inattendue étaient complètement perdus, raconte Vincent Dicecca, consultant en management chez CSP Formation. Nous sommes intervenus pour distinguer nettement les projets où la créativité débridée avait un sens de ceux pour lesquels la vigilance restait prioritaire.”
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Fuir ses collaborateurs
Après une année particulièrement difficile, Murielle, chef de service dans une société d’épicerie fine, n’avait rien à proposer à Hugo, son adjoint, en dépit de son travail très satisfaisant. Ni augmentation ni intéressement significatif. Du coup, cette jeune manager rasait les murs en le croisant et repoussait le moment de le recevoir en entretien. Quand, un matin, elle a fini par s’y résoudre, elle lui a proposé un rendez-vous pour l’après-midi même. “C’est une erreur fréquente, analyse Grégory Drivet. Car ce face-à-face est un moment clé dans la construction d’une relation de confiance avec un employé. Même si l’on n’a rien à proposer, il ne faut pas se dérober, mais expliquer les faits avec franchise et recentrer la conversation sur les réalisations et les objectifs de son interlocuteur.” Alors que ce rendez-vous est souvent attendu avec impatience, le prendre à la légère risque en outre d’être perçu par vos collaborateurs comme un manque de reconnaissance, voire comme un signe de mépris.
S’opposer à une formation
Depuis des mois, Pierre souhaitait s’inscrire en MBA. Ce que son chef de service lui refusait systématiquement, de peur de le voir partir une fois son diplôme en poche. Grossière erreur ! Faute d’obtenir un financement de son entreprise, Pierre a contracté un emprunt bancaire pour suivre ce cursus, puis, ne se sentant ni lié à sa société ni soutenu par son chef, il a accepté le premier job qu’on lui a proposé, au cours de sa formation. “Il est toujours préférable d’encourager un salarié à progresser, à charge pour le manager de trouver un poste en interne correspondant à ses nouvelles compétences”, note Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half France.
Avoir peur de recruter quelqu’un de meilleur que soi
Pascal, directeur informatique d’un grand groupe, recherchait un adjoint capable de le décharger de certains dossiers sensibles. Mais pas question de se laisser voler la vedette à la tête de son service. Après avoir refusé un candidat recommandé par la direction des ressources humaines, ce manager angoissé obtint de revoir la fiche de poste à la baisse ! Il put ainsi recruter quelqu’un dont il n’avait rien à craindre. Hélas, son nouveau subordonné se révéla au-dessous du niveau requis pour ses fonctions et jeta l’éponge moins de un an après son arrivée. “Les talents que vous recrutez vous font progresser, commente Fabrice Coudray. Si vous vous sentez mis en question, allez plutôt clarifier l’organisation et la répartition des missions avec votre N +1.”
Croire sa boîte plus attirante qu’elle ne l’est vraiment
Une entreprise industrielle cherchait son directeur financier. Simple formalité ? Loin de là ! Car le PDG ne voulait pas seulement d’un bon professionnel capable de remettre de l’ordre dans ses comptes, il lui fallait, en plus, un mouton à cinq pattes doublé d’un prince charmant. “Or sa proposition n’avait rien d’un conte de fées : des locaux installés dans un quartier sans intérêt, un climat social tendu, un salaire loin d’être mirobolant… raconte, amusée, Xavière Thomazo, directrice associée du cabinet de recrutement Sirca Executive Search. Mais ce dirigeant se trouvait plus attirant qu’il ne l’était en réalité et rejetait tous les postulants. Nous avons dû, non sans mal, lui faire dépasser ce sentiment de déception. Et il a fini par recruter une personne qui fait bien le job.”
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Confondre compétence technique et capacité humaine
Sur le papier, la nouvelle directrice juridique était taillée pour le poste. Un CV en béton, des expériences adaptées et de nombreuses preuves de son aptitude à résoudre les litiges ou à trancher. Mais faire valoir son point de vue devant un tribunal et gérer une équipe sont deux activités bien différentes. “En quelques semaines, le service juridique a commencé à se vider. Ses subordonnés la trouvaient cassante, et les arrêts maladie se multipliaient dans le service”, se souvient Vincent Dicecca. Lors des entretiens, personne ne s’était inquiété de savoir si cette “tueuse” savait manager : “On a travaillé ensemble sur certaines convictions qui la limitaient, par exemple la certitude d’être la meilleure. Cela lui a permis d’abandonner un leadership héroïque qui la menait dans le mur.”
S’efforcer de faire du neuf avec du vieux
Une entreprise centenaire et ultrahiérarchisée aurait bien voulu graisser un peu ses rouages. Elle a donc créé un poste destiné à proposer de nouveaux modes de travail. Mais cela, sans rien changer à ses bonnes vieilles habitudes : “Le chef de projet digital, par exemple, était omniscient, raconte le consultant Hervé Borensztejn. Il contrôlait tout, validait tout. Au lieu de soutenir les initiatives des employés, il multipliait les procédures et les barrages. Nous sommes intervenus pour transformer son rôle et mettre en place une gouvernance partagée. Et la décision finale a été transférée au PDG.”
Tout changer sans se soucier des managers de terrain
Dans une banque aux multiples agences, la transformation numérique a tourné au cauchemar. Sollicités tous azimuts, les directeurs de département ont produit chacun leur projet, sans la moindre supervision. Bien vite, les managers de terrain se sont retrouvés submergés par un flot de recommandations en tout genre. “En six mois, la direction a produit 5.000 pages de documents que personne, évidemment, n’a jamais lues”, rapporte Olivier Chaussard, directeur associé du cabinet de conseil en management Oresys. Finalement, la transformation numérique tant attendue a bien été mise en place. Mais en commençant par consulter les managers sur leurs besoins réels et leurs priorités.
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“Je me suis trompé sur le prix d’une promotion.”
Grégory Drivet, coach en développement professionnel et personnel chez Uniqpeople
“Tout jeune diplômé, j’ai été embauché comme chef de produit dans une entreprise B to B. Je me suis trompé dans un document promotionnel, en inscrivant le prix d’un produit HT au lieu de TTC. Quand je m’en suis aperçu, le document était déjà imprimé à 15.000 exemplaires. En appliquant le tarif affiché, l’entreprise perdait 19,6% sur sa marge ! J’ai avoué ma gaffe… et j’ai tout mis en œuvre pour la rattraper.
J’ai contacté les distributeurs avec qui nous avions des relations de longue date pour leur expliquer la situation et leur demander de payer le produit à sa valeur exacte. Pour les autres, la société a été contrainte d’appliquer le tarif affiché. Et les pertes ont été provisionnées… Je n’ai pas été licencié après cette gaffe. Ma franchise a joué en ma faveur. Il est normal d’assumer ses fautes pour ne pas mettre tout le monde en difficulté.”
“On a oublié de recruter de bons commerciaux !”
Mickaël Hadjadj, 35 ans, fondateur de Business Table
“J’ai créé Business Table pour faciliter la gestion des notes de frais. Nous proposions aux entreprises une économie de 30% sur ce poste grâce à une gestion intégrée, de la réservation d’un restaurant à la facturation. En 2012, nous avons testé notre solution avec succès auprès de 200 employés de La Poste, à Paris. Séduit, notre deuxième client voulait déployer le service dans toute la France auprès de 10.000 salariés. Ce fut un échec…
Nos serveurs informatiques manquaient de puissance, notre réseau de restaurants n’était pas assez étoffé et, obnubilés par la technique, nous avions négligé de monter une solide équipe commerciale, indispensable pour accompagner un client dans toute la France. Il nous a fallu un an pour nous remettre sur les rails. Mais aujourd’hui, nous sommes leader sur le marché avec 300 clients tels que Bayer ou Orange et 16 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce fiasco initial nous a permis de réussir.”
Avec capital