Le 52e salon du Bourget ouvre ses portes aux professionnels ce lundi. Et aucun des deux géants de l’aéronautique ne devrait battre de records de commandes. La faute à l’absence de nouveautés mais aussi au prix bas du pétrole.
Fabrice Brégier en fait lui-même l’aveu. “Nous n’atteindrons vraisemblablement pas les niveaux des commandes record des Salons précédents”, affirmait le directeur général délégué d’Airbus aux Échos, le 10 juin dernier.
La 52e édition du Salon du Bourget débute ce lundi, événement dont BFM Business est partenaire. Et il y a, en effet, fort à parier que ni Airbus ni Boeing n’atteindront cette année le niveau de commandes emmagasinées lors de la précédente édition, en 2015 (Le Bourget ayant lieu un an sur deux, en alternance avec le salon de Farnborough, au Royaume-Uni). Les deux avionneurs avaient alors engrangé pour un peu moins de 300 avions et 35 milliards de dollars de commandes, au prix catalogue. Des chiffres qui étaient déjà loin de l’édition 2013 (543 appareils pour des montants de 77 milliards de dollars).
Boeing devant?
Cette édition 2017 devrait même être marquée par un coup de frein encore plus important. “La concentration de commandes sera probablement plutôt faible. C’est bien parti pour être un millésime assez terne”, confirme Chloé Lemarié, analyste du secteur aéronautique chez Mainfirst.
Pour ce qui est du match entre les deux avionneurs, Fabrice Brégier a préféré endosser le costume de challenger face à Boeing. “Nous n’avons pas de nouvel avion, contrairement à Boeing qui va lancer le MAX 10 et va certainement annoncer un paquet de commandes”, indiquait-il.
Car le lancement d’un nouvel avion est l’occasion pour un avionneur de gonfler ses volumes. “L’aéronautique est une industrie spéciale où quand vous lancez un appareil vous avez des ‘clients de lancement’ qui partagent les risques avec les constructeurs et s’engagent dès le départ en ayant une visibilité réduite sur les avantages réels”, expliquait en avril à BFMbusiness.com Yan Derocles, analyste chez Oddo.
Pas de commandes en réserve
“Il est très probable que Boeing affiche un meilleur nombre de commandes qu’Airbus. Il faudra néanmoins voir s’il s’agira de commandes réellement nouvelles et pas de conversions”, juge Chloé Lemarié.
À l’heure actuelle, Airbus est déjà nettement distancé par Boeing. L’avionneur européen a, en 2017, engrangé 73 commandes nettes (commandes diminuées des traditionnelles annulations), selon son dernier décompte au 31 mai, contre 208 pour Boeing, qui avait lui publié sa dernière mise à jour du carnet de commandes le 13 juin.
Certes, on pourrait penser que les avionneurs gardent “sous la main” des commandes déjà conclues pour les annoncer lors du Salon. Rien n’est moins sûr. “Dans le passé, c’était vraiment le cas, surtout pour Airbus. Le Bourget concentrait ainsi beaucoup de commandes. C’est beaucoup moins le cas à l’heure actuelle où ce sont plutôt les compagnies aériennes qui se réservent le moment de l’annonce”, explique Choé Lemarié.
Le Qatar dans tous les esprits
Mais au-delà du Salon du Bourget, les prises de commandes connaissent depuis plusieurs mois un sérieux ralentissement dû à un ensemble de raisons. La première, assez simple, est que les carnets des avionneurs sont déjà bien remplis, correspondant dans le cas d’Airbus à sept années de livraison. Du coup les besoins des compagnies aériennes sont moins élevés.
Un autre facteur joue: les faibles prix à l’heure actuelle du pétrole. Les achats de kérosène représentent “entre 25 et 30% du coût total des compagnies, et changer de génération d’avions permet de réduire de généralement de 15 à 25% la consommation”, indiquait à BFMBusiness.com, en avril, Bertrand Mouly-Aigrot, associé chez Archery Consulting. Or “avec des prix du pétrole bas et les taux d’intérêt qui commencent à remonter, l’achat d’avions neufs perd de son attractivité et les compagnies peuvent avoir intérêt à continuer d’exploiter des avions plus vieux”, ajoutait-il.
Outre le niveau des commandes, le salon du Bourget devrait être marqué par l’actualité géopolitique, avec les difficultés de Qatar Airways, victime de la crise diplomatique qui secoue l’émirat. L’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et le Bahreïn ont rompu les relations diplomatiques avec le pays et fermé leur espace aérien à la compagnie Qatar Ariways. “Cela va clairement pimenter le salon. Mais si Qatar Airways pâtit de ces restrictions, les commandes iraient alors vers ses concurrents. Par ailleurs cela fait de toute façon déjà un an qu’il y a des crispations avec des capacités trop importantes dans cette région”, nuance Chloé Lemarié