En marge de la Conférence qu’elle organise, les 12 et 13 juin à Berlin, l’Allemagne a annoncé une enveloppe supplémentaire de 300 millions d’euros en faveur de trois pays africains dans le cadre de son «Compact with Africa». Sur les sept pays ayant déjà adhéré à l’initiative allemande, le Ghana, la Côte d’Ivoire et la Tunisie ont été sélectionnés en raison des réformes qu’ils ont engagées en matière de bonne gouvernance. Toutefois, pour l’Allemagne qui mobilise le G20 en faveur de l’Afrique, l’objectif au-delà de l’aide est d’intensifier les investissements sur le continent, afin notamment de faire face aux défis migratoires.
Les présidents de la Tunisie, de la Côte d’Ivoire et du Ghana ne vont pas rentrer les mains vides de la conférence «Partenariat africain G20 : investir dans un avenir commun» qui s’est tenue ces 12 et 13 juin à Berlin, en présence de neufs chefs d’Etat africains, ainsi que des investisseurs internationaux. L’Allemagne, initiatrice de l’évènement dans le cadre de sa présidence du G20, a annoncé en effet une enveloppe de 300 millions d’euros supplémentaires en faveur de ces trois pays, les premiers bénéficiaires du programme «Compact with Africa», lancé en mars dernier par Angela Merkel en faveur des pays du continent.
A travers ce don qui sera étalé sur plusieurs années et qui pourrait également bénéficier à d’autres pays ayant déjà intégré le programme, l’objectif est de renforcer les investissements privés pour favoriser une croissance durable dans les pays d’Afrique et surtout réduire les flux migratoires vers l’Europe comme l’a expliqué la chancelière allemande à l’ouverture de la conférence :
«Si le désespoir est trop grand en Afrique, alors il y aura toujours des jeunes gens qui penseront pouvoir trouver une vie meilleure ailleurs dans le monde. Donc si nous travaillons ensemble à aider ces pays, nous pourrons créer davantage de sécurité pour nous et nous pourrons barrer la route à ceux qui profitent illégalement du destin de ces jeunes gens». Angela Merkel
De l’aide conditionnée
La Tunisie, le Ghana et de la Côte d’Ivoire seront donc les premiers pays à bénéficier de l’aide financière allemande en raison notamment des réformes qu’elles sont en train de mettre en œuvre pour promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre la corruption dans leurs pays respectifs. Il s’agit là des principaux critères mis en avant pour sélectionner les pays bénéficiaires de l’aide allemande, comme l’a expliqué à la chaîne ARD et en marge de l’évènement, le ministre allemand du Développement : «Il y a des exigences envers ces États. Nous coopérons seulement si certaines conditions sont remplies. Par exemple, la lutte contre la corruption, la mise en place de cours des comptes et d’administrations fiscales», a reconnu Gerd Müller ajoutant par la même occasion que «les pays qui montrent la voie pour la transparence et les droits de l’homme sont particulièrement encouragés».
«Nous avons besoin d’investissements privés et pour cela, nous avons besoin de sécurité juridique pour les investissements, et nous avons besoin de conditions commerciales justes. La meilleure politique de coopération est d’assurer aux pays africains des prix justes pour leurs ressources». Gerd Müller, ministre allemand du Développement.
De l’aide conditionnée donc, même si pour l’Allemagne ce n’est pas l’objectif principal de son initiative en faveur du continent dans le cadre notamment de la présidence du G20 que le pays assume actuellement.
Plan «Merkel»
Il convient de noter que jusque-là, sept pays africains ont déjà adhéré à cette initiative. En plus des trois premiers pays bénéficiaires, l’Ethiopie, le Maroc, le Rwanda et le Sénégal seront probablement sur la liste des prochains bénéficiaires, alors que d’autres pays comme le Niger, le Mali, la Guinée ou l’Egypte manifestent également leur intérêt pour le «plan Merkel».
Selon les détails de l’initiative, le programme «Compact with africa» est ouvert à tous les pays du continent et s’il bénéficie du soutien de plusieurs pays industrialisés, ainsi que d’institutions financières internationales, il est très tôt pour en juger l’impact. Surtout qu’au-delà du nouveau partenariat qui se balise entre les pays développés et l’Afrique, l’Afrique du Sud étant le seul pays africain membre du club du G20, l’objectif visé à terme est de mobiliser les financements internationaux en faveur des programmes de développement sur le continent. Plus qu’une aide, c’est la réponse identifiée par les pays industrialisés, notamment européens, pour juguler les flux migratoires, l’un des nouveaux défis urgents du vieux continent comme n’a pas manqué de le souligner le Premier ministre italien Paolo Gentiloni, dont le pays assure actuellement la présidence de G7.
«Pour efficacement s’attaquer au problème des déplacements forcés et des migrations, nous devons soutenir un développement durable et stimuler les investissements dans les pays d’origine». Paolo Gentiloni, président du conseil italien
La conférence de Berlin se tient en préparation au prochain sommet du G20, prévu en juillet prochain à Hambourg et au cours duquel, l’Allemagne souhaite faire entendre la voix de l’Afrique. Il reste à attendre la réaction des autres partenaires, car si publiquement l’initiative allemande a été saluée par plusieurs pays industrialisés, certains ont également d’autres ambitions africaines à leur actif comme les Etats-Unis avec leur Millénium Challenge Account (MCA) qui bénéficie déjà à plusieurs pays.
Cependant avec la légitimité que lui donne son respect des engagements pris par les pays développés à consacrer au moins 0,7% de leur PIB, un objectif que le pays a atteint en 2016, l’Allemagne a des arguments valables pour conforter sa nouvelle stratégie africaine qui n’est exempte d’intérêts. En témoigne, l’appétit qu’aiguisent les entreprises allemandes déjà bien présentes sur le continent, aux perspectives de croissance africaines.
Avec latribuneafrique