CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 6-6-2017) Dans le dossier sur la Côte d’Ivoire, publié dans le numéro 2941 du 21 au 27 mai 2017, sous le titre : « CÔTE D’IVOIRE : GRAND CORPS MALADE », Marwane Ben Yahmed, directeur de publication de « Jeune Afrique », fait une peinture au vitriol de la Côte d’Ivoire et de ses dirigeants suite à la mutinerie des « 8.400 ». Il fustige le laxisme voire l’incompétence du gouvernement qui n’a pas su anticiper cette mutinerie.
Il écrit en effet, à la page 6 de ce numéro : « Comment cela a-t-il pu se produire sans que personne – à la tête de l’armée comme au sein du gouvernement ou des services de renseignements – n’ait rien vu venir? Comment peut-on passer d’une cérémonie en grande pompe et en sa présence, le 11 mai, au cours de laquelle un sergent, prétendument porte-parole des militaires, annonce que « tous les soldats renoncent définitivement à leurs revendications d’ordre financier », aux jours de panique qui ont suivi? Qu’attend le gouvernement pour accélérer la mise en œuvre de cette fameuse et ambitieuse loi de programmation destinée à refonder une armée « mexicaine » à deux vitesses et sans colonne vertébrale, composée de trop nombreux gradés, de corps d’élite qui travaillent dans les meilleures conditions, mais aussi de bidasses sans formation ni moyens, et d’hommes qui se sont fait la guerre, en 2011, et en conservent un profond ressentiment? ».
Il va plus loin, en expliquant que les mutins ont eu raison de se soulever car la corruption au sommet de l’Etat est tellement criante, que ces jeunes gens ont eu envie d’avoir leur part du gâteau. « Ici, enfin, l’argent circule, comme on dit, surtout chez les « grands quelqu’un », le plus souvent dans le giron du pouvoir en place, quel qu’il soit, parfois à une vitesse ahurissante. Villas cossues, véhicules de luxe, grands crus, cigares cubains se multiplient comme des petits pains. Des fortunes se créent en un tournemain. Trop vite au goût de nombre d’Ivoiriens. Cercle vicieux : beaucoup finissent par se demander « pourquoi pas moi? ». À commencer par de jeunes soudards pour qui 7 millions de F CFA représentent la promesse d’une vie meilleure. » Page 7.
Cet article soulève la colère du palais présidentiel ivoirien, qui convoque Marwane Ben Yahmedà Abidjan. En effet, la présidence ivoirienne a passé toute l’année 2016 à se plaindre des journalistes de cet hebdomadaire qui écrivaient sur la Côte d’Ivoire. Elle leur reproche d’écrire des articles à charge, pas toujours bien documentés et surtout de n’être pas un soutien solide du régime, comme ils étaient en droit de s’y attendre. Selon un journaliste de l’hebdomadaire qui a voulu se confier, la pression du palais est tellement folle que le journaliste lambda pourrait rarement se l’imaginer.
En effet, c’est sur pression d’Alassane Ouattara et de ses services de communication que « Jeune Afrique » a installé un bureau à Abidjan, le seul en Afrique de l’Ouest, avec des correspondants permanents. Les frais de ces journalistes sont supportés sur les fonds secrets de la Présidence. Et Marwane Ben Yahmed, le fils de Mme Danièle Ben Yahmed, une proche amie de Mme Dominique Ouattara, est désigné comme le responsable Côte d’Ivoire au sein du journal. Il a un accès illimité au Président, à son épouse, au Premier-ministre et au cabinet présidentiel. Tout ce dont il a besoin pour rédiger un dossier lui est fourni par le cabinet présidentiel ou par les services de Renseignement.
Donc quand « Jeune Afrique » critique le pouvoir, celui-ci voit rouge. Le cabinet du Président menace de supprimer la subvention annuelle de 2 millions d’euros alloués à ce périodique. Pis, il indique que la Présidence n’apportera plus son soutien financier à l’organisation de l’Africa CEO Forum organisé par la maison d’édition de JA et de donner instruction à toutes les entreprises ivoiriennes telle la SNEDAI, le FER, l’AGEROUTE… de suspendre leurs investissements publicitaires dans ce périodique. Si une telle décision venait à être prise, ce serait une catastrophe financière pour le groupe, dont les finances sont telles qu’il ne peut se permettre de perdre le juteux marché ivoirien.
Marwane Ben Yahmed est chargé de sauver la situation en jouant de ses relations avec le couple présidentiel. Ainsi est montée l’opération « Flinguer Guillaume Soro » pour sauver les meubles, effacer l’humiliation du gouvernement dans l’échec de l’assaut contre les mutins de Bouaké – souvenons-nous, les soldats avaient refusé de monter à l’assaut contre leurs frères d’armes, en disant qu’ils ne veulent pas d’un bain de sang inutile.
Marwane se saisit alors de l’affaire de la cache d’armes comme du pain béni pour conduire la charge anti-Soro. Et le rendre responsable de tout : des approximations stratégiques de l’état-major, du manque de contrôle des officiers sur la troupe, du refus du chef de l’Etat d’honorer sa parole envers les mutins et qui a provoqué leur soulèvement etc.
Pour Marwane, après la découverte d’une cache d’armes chez Soul To Soul, il faut arrêter immédiatement Guillaume Soro. « Guillaume Soro n’a toujours pas été confronté à ce que tout citoyen ivoirien «normal» connaîtrait dans une telle situation : une instruction équitable allant jusqu’à son terme, la recherche de la vérité et, partant, une décision de justice. Or il passe chaque fois entre les gouttes. » (JA numéro 2943 du 4 au 10 juin 2017, p.6) Quand on sait que le régime d’Abidjan passe très souvent par « Jeune Afrique » pour passer des informations stratégiques, il y a de quoi prendre au sérieux cette affaire.
Au moment où le débat avait lieu entre révision constitutionnelle et écriture d’une nouvelle Constitution, c’est JA qui a donné la position du Palais: la création d’une Troisième République. Selon « Jeune Afrique » donc, il faut qu’Alassane Ouattara instruise un procès contre Guillaume Soro et « que toutes les conséquences soient tirées. » Marwane Ben Yahmed, qui recherche à tout prix l’affrontement et la crise politique, affirme que les mutineries sont dues au fait que « Soro n’a pas digéré de ne pas avoir été adoubé pour la succession d’Alassane Ouattara en 2020. Il prétend devant ses intimes, peut-être dans l’espoir de renverser la tendance, que cela lui avait pourtant été promis. Pis, il se sent humilié par le fait d’avoir été rétrogradé dans la hiérarchie de l’État, passant du rang de numéro deux, et de dauphin constitutionnel, à celui de numéro quatre. C’est donc peut-être un bras de fer qu’il a engagé» Rien que ça !
Quand on connaît la haine personnelle que Marwane Ben Yahmed voue à Guillaume Soro depuis 2002 où ce dernier a refusé d’entrer dans le système de financement occulte de « Jeune Afrique » et quand on sait que pour ne pas perdre les 2 millions d’euros de subvention directe de la présidence ivoirienne et les juteux marchés publicitaires ivoiriens, il est prêt à tout, on peut alors imaginer le pire dans les jours à venir pour Guillaume Soro. Pour 2020, Marwane Ben Yahmed s’est chargé du rôle de porte-flingue de la coalition qui a décidé d’avoir la tête de Guillaume Soro. A défaut de l’avoir politiquement, ils sont prêts à l’avoir physiquement.
Avec le pointsur