Les 19 films en compétition pendant le 70e Festival de Cannes ont montré les fractures et les angoisses qui hantent nos sociétés.
Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, frappe dans ses mains pour rappeler tout le monde à l’ordre. Tout le monde, c’est-à-dire une rangée de Palmes d’or, dont Lelouch, Haneke, Campion, Loach, Moretti, Costa-Gavras…, puis une rangée de présidents et de membres du jury. Plus haut, les Prix d’interprétation, les maîtresses et maîtres de cérémonie et, enfin, les invités de marque, Antonio Banderas, Charlize Theron, Sandrine Bonnaire, Adrien Brody, Maïwenn…, la crème de la crème du cinéma mondial. Tous ceux qui ont fait Cannes, ces trente dernières années, ont leur place sur la photo de classe. Enfin… si l’on arrive à la faire !
Ce matin du mardi 23 mai, la dissipation règne. On dirait une centaine d’ados heureux de se retrouver après les vacances. Bellucci, Deneuve et Huppert papotent avec Kidman et Binoche, Vincent Lindon avec Kirsten Dunst, Jean-Pierre Léaud s’est déplacé pour être près d’Agnès Varda, Marion Cotillard côtoie Oliver Stone et Pedro Almodovar, Lambert Wilson semble ébloui. Thierry Frémaux frappe dans ses mains une seconde fois, sans succès. Un sifflet strident retentit alors. C’est Will Smith, membre du jury, qui prend la relève. Les doigts à ses lèvres, il siffle à nouveau, et tous se figent. « Bon, les gamins, on ne bouge plus. » La journée restera dans l’Histoire.
Cannes a échappé à la tornade Rihanna pour se livrer à sa reine légitime : Nicole Kidman, présente dans trois films et une série. Elle remporte le prix du 70e anniversaire. C’est mérité.
Le Festival risquait d’être étouffé par des mesures de sécurité encore jamais vues. Après l’attentat de Manchester et une angoissante alerte à la bombe au Palais, tout aurait pu être gâché. Mais la peur a été enrayée : jardinières géantes installées tout le long de la Croisette pour interdire le passage d’un camion fou, présence rassurante des forces de l’ordre, de l’armée, de chiens renifleurs, snipers quasi invisibles surplombant les points stratégiques. Le 70e Festival de Cannes aurait pu être éclipsé, comme quelques-uns auparavant, par la présence lancinante des habituelles top models habillées-dénudées. Mais non, non et non.
La journée restera dans les annales parce que le cinéma a repris ses droits. On pourra disserter, comme toujours, sur la qualité de certains longs-métrages. On pourra surtout dire : ce 23 mai 2017, j’y étais. L’hommage rendu, la veille, à André Techiné accompagné de ses actrices fétiches, dont Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Emmanuelle Béart, Sandrine Kiberlain, Isabelle Huppert, avait donné le ton. Mais là, ce 23 mai, il s’agit de tout autre chose. A 18 heures débute un événement sans précédent. Deux heures de montée des marches ininterrompue dans une atmosphère confinant à l’hystérie. Hollywood puissance dix. Les Oscars sans fin…
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